France - Gouverner contre l'Assemblée

Philippe Brindet - 17/10/2025

Le problème central du gouvernement Lecornu II en place depuis une semaine est de faire adopter par un moyen ou un autre un projet de budget qui soit de nature à rassurer les créanciers des presques 4.000 milliards de dettes contractés par le régime, principalement depuis Sarkozy.

Le régime a choisi de maintenir le même niveau de dépenses et d'accroître le niveau des recettes. En un mot d'augmenter les impôts. Et de préférence sur les pauvres parce que les riches ne veulent pas. En réalité, il n'y a ici rien de nouveau. Seulement la situation s'aggrave depuis ... toujours. Un jour le fil trop tendu casse ...

Or, Lecornu se trouve dans la situation ... à estimer que cette fois, le fil va se rompre. Pourquoi ?

L'origine de la situation ne se trouve pas dans l'accroissement de la dette par le déficit du budget. C'est un autre problème et la hausse d'impôts est une technique de gouvernement auquel le régime en place est rompu depuis plus de cinquante ans. Le problème réside dans la dissolution de l'Assemblée Nationale que Macron a décidé au soir des élections européennes qui ont porté en tête le Rassemblement National, tenu pour ennemi du régime alors qu'il en est un amoureux ...

Or, les élections législatives suivantes de Juillet 2024 ont contitués trois blocs politiques au sein de l'assemblée nationale alors que les électeurs avaient voté pour les uns contre les autres. Le "truc" provient du fait que, par tromperie la gauche s'est alliée avec le centre pour à nouveau empêcher le Rassemblement National de parvenir au pouvoir. Une fois élu, chacun est retourné dans son bloc espérant tirer du désordre le maximum de profit pour lui-même et ses alliés.

Ce résultat, il faut le noter, provient d'un découpage savant pratiqué par le Ministère de l'Intérieur qui organise les élections législatives. C'est le Ministère de l'Intérieur qui répartit les électeurs par circonscription. Et lorsqu'on utilise savamment les statistiques électorales, il est possible, dans une certaine mesure, de décider qui finalement emporte au plan national les élections législatives. En Juillet 2024, la manoeuvre a été absolument "superbe". Un élu du Rassemblement National avait besoin de 25.000 voix pour être élu tandis qu'un membre du bloc de gauche en avait besoin de 7.000 ! Le découpage en circonscriptions ...

Et de ce fait, la plupart des députés imaginent que leur poste de député a été acquis de manière exceptionnelle. Chaque député y tient donc ... farouchement. Tout le jeu des députés - sauf ceux du Rassemblement National - est donc d'empêcher toute dissolution de l'Assemblée qui mettrait leur poste inespéré en péril.

Lecornu sait parfaitement cela. Il sait que le Rassemblement National veut la dissolution. Ce parti rêve même d'une démission du président de la République ... Mais Lecornu sait que les autres n'en veulent à aucun prix.

Or, il existe des mécanismes constitutionnels qui permettraient de sortir du problème de la dissolution en obtenant le budget qui va bien au régime : une hausse forcenée des impôts et au moins le maintien des dépenses qui assurent au régime qu'il peut maintenir sa tyrannie. C'est exactement la stratégie que Platon illustre dans sa description de la tyrannie dans la République.

Bien entendu, Lecornu ne réfère pas à Platon dont il n'a probablement jamais entendu parler. Ce dont il se moque assurément.

Il utilisera les articles 47-3 ou 47-4 qui permettent de passer outre par ordonnance à toute opposition du Parlement. Et aucun amendement imaginé sur la base du projet de budget ne peut plus être adopté. Nous savons donc que le régime va obtenir les hausses d'impôt qu'il souhaite. Et qui lui sont imposés par les financiers qui contrôlent la dette de l'Etat.

C'est l'unique intérêt de la dette publique : faire passer la souveraineté du peuple de la démocratie à la caste des créanciers. Alors, une Assemblée législative ... le régime s'en moque éperdument.


Revue C-Politix (c) 17 Octobre 2025