Le conservatisme va t'il s'effondrer ?

Philippe Brindet - 20/02/2025

Meloni en Italie, Bukele au Salvador, Milei en Argentine, Trump aux USA, ... après 40 ans de "progressisme woke" , nous avons l'impressiojn d'une marche triomphale du conservatisme ou du moins de forces tendant à modérer ou à arrêter le "progressisme woke".

Et quand je dis "nous", j'unis les progressistes qui se désespèrent de leurs défaites aux conservateurs qui jubilent de leurs victoires ...

Or, cette "union" - dont je reconnais qu'elle est une simple "opération" de mon cerveau d'analyste - porte en elle sa propre contradiction. Il suffit que le triomphe des uns ou la défaite des autres soit mal attribué et tout s'effondre comme lorsqu'on se réveille d'un rêve pour les uns ou d'un cauchemar pour les autres.

L'affaire de la "$Lira de Milei" ...

Or, un court article [4] d'un observateur argentin de la situation politique en Argentine joue le rôle importun et salutaire d'un réveil-matin. J.A. Quarracino a écrit un article relayé par Marco Tosatti de Stilum Curiae sur une curieuse affaire révélée en France par un encore plus bref article [1]. Deux articles américains [2, 3] complètent le tableau.

Il y a quelques jours, Milei, le flamboyant président de la République d'Argentine "tweete" un message étonnant se félicitant de la création d'une "cryptomonnaie" destinée à soutenir les entreprises argentines, et particulièrement les petites entreprises. Et quelques heures plus tard, la "fameuse cryptomonnaie" s'effondre, ruinant 75.000 investisseurs qui en avaient acheté. Imprudemment. Enfin, comme disait plaisamment Robert Lamoureux, ils n'avaient pas été assez vigilants ...

Qu'est-ce qu'une "cryptomonnaie" ....

Je ne voudrais pas passer pour un spécialiste financier ou même pour un connaisseur des "cryptomonnaies". Mais pour ces dernières, en sus de recommander à mon lecteur s'il l'ignore, de se tourner vers son conseiller financier, je me bornerai à dire qu'une cryptomonnaie se donne à adorer comme une divinité du panthéon des monnaies, et même d'une section de ce bizarre panthéon, la section des "monnaies privées". En bref, sur le marché agité des "faux dieux", les cryptomonnaies sont parmi les plus agités ...

Grossièrement, pour adorer un tel "faux-dieu", il vous suffit d'en acheter sur Internet avec une monnaie d'un autre "faux-dieu", genre "dollar ou "euro" ou ce que vous voudrez, mais plutôt de la section des "faux-dieux officiels", si vous voyez ce que je veux dire. Votre portefeuille est maintenant "garni" d'une certaine quantité de la cryptomonnaie désirée. Le problème réside en ce que la valeur de la cryptomonnnaie établie en une monnaie "officielle" à l'adoration de laquelle un Etat vous contraint, dépend du montant total que les acheteurs et vendeurs de la cryptomonnaie ont accepté d'échanger. En gros, les utilisateurs de la cryptomonnaie décident "démocratiquement" de la valeur unitaire de la cryptomonnaie. Un délice pour un économiste libéral comme Milei ...

En réalité, celui qui tient la cryptomonnaie est le seul à disposer de la contrepartie en monnaie "officielle", "réelle". Et il peut alors, jouant sur la crédulité des uns et des autres - certains préfèrent "confiance" à "crédulité", celà les regarde - utiliser aussi bien la monnaie "réelle" qu'il a acquis que des montants "prêtés" en cryptomonnaie ... Et sortir quand il le désire de la cryptomonnaie ... S'il se débrouille bien, il laisse alors les acheteurs de sa cryptomonnaie dans la situation d'un croyant qui découvre qu'il a adoré un "faux-dieu". Il parait que la situation est particulièrement désagréable ...

Que ce serait-il passé en Argentine ?

Selon la vieille tradition népotiste de l'Amérique du Sud, Milei fait contrôler par sa soeur toute personne ou institution qui cherche à le contacter pour quoi que ce soit. A la fin de l'année 2024, des spécialistes financiers américains ont démarché le président Javier Milei pour lui proposer de financer les PME argentines avec une nouvelle cryptomonnaie établie en dollars américains grâce à sa soeur, fonctionnaire du palais présidentiel argentin ... Milei s'enthousiasme pour le côté moderne, internet, geek, ... d'une cryptomonnaie et, gagné par l'idée de faire un "bonne oeuvre" pour les PME argentine, soutient le projet. Ce dernier est lancé une heure après un message X Tweeter de Milei soutenant le lancement de la "cryptomonnaie".

La "plateforme" web fonctionne quelques heures pendant lesquelles 75.000 investisseurs "donnent" leurs US dollars en échange de cette $Lira. Et ... bien entendu ... la plateforme disparaît, laissant les "donateurs" floués ...

La presse argentine s'empare du scandale, et Milei est accusé de malversations dans sa fonction présidentielle. Ce qui le place dans la situation de subir une destitution à brève échéance ... Et ce, quelque soit la ciroconstance. Qu'il ait bénéficié des investissements volés ou non, qu'il ait soutenu ou participé à l'affaire ... Le piège est prêt de se refermer sur lui.

Le piège politique des "cryptomonnaies"

Bon. Milei s'est probablement "fait avoir" par les cryptomonnaies. Mais, le problème, c'est qu'il n'est pas le premier. Le Salvadorien Bukele s'est fait avoir avec son propre projet de cryptomonnaie [5]. Par chance pour lui, le projet n'a pas du tout marché et personne n'aurait été "volé" dans l'affaire.

Il y a quelques années, les Démocrates se sont fait "roulé" par l'un des leurs, Sam Bankman-Fried, aujourd'hui en prison parce que sa cryptomonnaie avait trop bien "marché" au bénéfice de Biden [6]. Ici aussi, la plateforme de crypto-monnaie ne marche que parce qu'elle est opérée avec la complicité du pouvoir, complicité que le cryptomonnayeur "cultive" par tous les moyens. Même illégaux.

Et c'est bien entendu là où se situe le piège politique des cryptomonnaies ...

Trump s'est-il "fait avoir" ? Pour l'instant, on ne le sait pas. Mais, la presse a annoncé peu après son investiture, qu'il avait lancé lui-même sa propre "cryptomonnaie" ... ET sa "valuation" après le lancement de son "bitcon" aurait dépassé 45 milliards de dollars [7,8].

Le piège politique de l'antiprogressisme

Mais, en dehors des cryptomonnaies, qui sont un danger aussi bien pour les progressistes (Bankman-Fried) que pour les conservateurs (Milei), le camp conservateur rencontre dans sa progression triomphale un autre fameux danger.

En effet, le progressisme woke ne s'est imposé que par la corruption généralisée. Dans cette corruption se situe le mensonge et la forme la plus achevée du mensonge réside dans la propagande. Cette propagande commence par remplacer la description de la réalité, puis elle remplace la réalité elle-même. Elle exige alors la censure parce que l'affirmation de la réalité contre la propagande doit être punie, réprimée. Et cette répression s'appelle la censure.

Du coup, s'imposant radicalement comme un anti-progressisme, le conservatisme est contraint de nier, de contester l'ancienne propagande. Et c'est là où se situe le piège politique. Actuellement, le conservatisme dans sa marche triomphale congtre le progressisme woke utilise deux armes :

  • l'affirmation brutale de la réalité contre les mensonges de la propagande woke ; et
  • la répression de la propagande elle-même ou de ce qui en reste puisque le pouvoir politique a échappé au progressisme woke.

La première arme peut devenir aussi proche que non attendue du mensonge. Et cette approche s'appelle l'exagération ou la contradiction stupédfiante de la propagande.

La seconde arme devient à la limite identique à la censure issue de la propagande que le conservatisme combat.

Hier, le président Trump a déclaré que Zelinsky l'Ukrainien était un dictateur non élu, qu'il avait déclenché la guerre en Ukraine, et qu'il n'avait qu'à se débrouiller pour régler son problème avec les russes ... [9, 10] Le Washington Post, l'un des deux organes de presse de la propagande progressiste - l'autre est The New York Times ... - l'accuse d'être le "perroquet" de Poutine. Trump est ici "tombé" dans le piège politique du progressisme. La propagande mensongère du régime progressiste a "imposé" dans l'opinion publique que Poutine était l'unique agresseur de la "pauvre" Ukraine, pacifique et vertueuse ... Or, Poutine affirme en effet que l'Ukraine est l'agresseur - ce qui a été reconnu par Merkel, Porochenko et Hollande - et que Zelinsky n'est plus le président élu de l'Ukraine depuis Mai 2024 ... Zelinsky est donc, selon la classique définition du droit romain, un dictateur de fait.

Malheureusement, pour contrer la propagande progressiste, les conservateurs n'ont que deux possibilités :

  • la contrer en affirmant le contraire du mensonge - et être accusés de trahir la propagande "progressiste" - ou bien
  • la supprimer par la puissance de la Loi - et être accusés de tyrannie contre la libre opinion ...

Une habileté serait peut être d'agir politiquement selon la vérité - ou selon la réalité si vous préférez un concept moins absolutiste - et d'éviter d'exciter les passions progressistes en affirmant publiquement la contestation de la propagande progressiste.

Mais comme dans l'affaire des bitcoins, les conservateurs sont emportés par la force de leurs convictions. et foncent tête baissée dans les pièges du mensonge progressiste. On comprend qu'il est politiquement essentiel de lutter contre le progressisme. Mais, si le conservatisme se limite à contester le progressisme ou à faire le contraire, il ne progressera pas. Le conservatisme doit rester dans le cadre politique qui le définit politiquement. Et cela, c'est une autre affaire ...



Sources :

  1. " Crypto-arnaqueur " : Milei trcs critiqué après avoir fait la pub d'une cryptomonnaie douteuse, Le Figaro avec AFP - 16/02/25
  2. Argentine Lawyers Hit Milei With Fraud Charges, Class-Action Over Libra Coin Rug-Pull, Stephen Katte - 17/02/25
  3. Javier Milei Faces Impeachment After Endorsing $107 Million Crypto Rug-Pull, Tyler Durden sur Zero Hedge - 16/02/25
  4. El presidente argentino Milei: de 'superleader mundial' a estafador de criptomonedas. José Arturo Quarracino relayé par Stilum Curiae - 19/02/25
  5. Bitcoin : le pari raté du président salvadorien, premier pays à avoir adopté la cryptomonnaie, Le Figaro avec AFP - 02/02/25
  6. DEBATE: Is the new $TRUMP Memecoin a Way to Send Anonymous Crypto Bribes to the President?, Igor Chudov - 19/01/25
  7. Trump joins world's richest men after $43bn meme coin boom, James Titcomb, The Telegraph - 20/01/25
  8. Parroting Kremlin, Trump blames Zelensky for war, angering Ukrainians, Washington Post , February 19, 2025
  9. EN DIRECT - "Dictateur sans élections" : Donald Trump étrille Volodymyr Zelensky, qu'il accuse d'avoir "fait un travail terrible", Le Figaro - 19/02/25

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