Chrétienté = Christianisme + Politique ...

Philippe Brindet - 5 Décembre 2022

Cette équation est - aujourd'hui et depuis deux siècles et plus - égale à 0. Or, il y a du christianisme et il y a de la politique. C'est que l'un et l'autre sont de signes opposés. Pour que la chrétienté puisse exister - et elle a existé, il y a longtemps - il faut que christianisme et politique soient de mêmes signes. Il n'y a pas d'autre avenir à la chrétienté que de faire qu'ils soient de mêmes signes. Malheureusement, il y a deux solutions à ce problème que la politique aille dans le même sens que le christianisme - ce fut le cas de la chrétienté jusqu'au 18° siècle - et l'autre solution lui est contraire : le christianisme va dans le même sens que la politique. Et c'est la solution prise par le catholicisme romain depuis le Concile Vatican II, à une vitesse encore accrue avec la chute du Pape Benoît XVI.

La laïcisation de la religion chrétienne

L'opération de laïcisation de la religion chrétienne est un effet évident du principe de laïcité adopté à des degrés et sous des formes variables en occident américanisé. Cette opération consiste à évincer le christianisme en tant que religion de la sphère publique, non seulement en brisant d'éventuels liens survivants entre la politique et le christianisme - but de la loi de 1905 et pas seulement - mais en imposant aux individus soumis à la politique de confiner leur "religion" dans la clandestinité : la politique prétend qu'il s'agit de la sphère privée, ce qui convainct les politiciens mais pas les chrétiens. Au passage, d'autres religions ne sont pas soumises - notamment en France - mais c'est partout un peu la même chose - à cette laïcisation. C'est le cas du judaïsme, objet de "ferventes" attentions politiques et plus encore de l'islam, qui refuse obstinément de se soumettre au diktat de la laïcisation occidentale.

Mais, pour le christianisme sa "laïcisation" s'est donc convertie en clandestinisation d'une part - son culte devient de moins en moins public- ce qui nourrit des appréciations malveillantes - et de fait devient de plus en plus confidentiel - on ne sait plus où le christianisme se trouve d'une part et il devient si réduit d'autre part qu'il en est - à ce sens aussi - confidentiel.

Cette laïcisation a certainement une cause interne

Le christianisme est soumis à un risque majeur dont son fondateur l'avait dès l'origine averti : Le christianisme en tant que religion est un appel au monde entier à percevoir des réalités qui ne sont pas de ce monde. Le christianisme est radicalement dans le monde, mais il n'est pas de ce monde. Il doit être dans la politique, mais il ne peut pas être la politique.

De ce fait, le christianisme ne peut jamais résister à son éviction du politique par le politique. Mais cette faiblesse politique est aussi une force inégalable : la clandestinisation politique du christianisme - sa laïcisation au sens politique, si vous préférez - le rend presque invincible. Il est de la nature de la chrétienté de s'éteindre. Mais le christianisme en sort renforcé.

Cette laïcisation a aussi une cause externe.

Cette cause externe de laïcisation du christianisme provient de la lutte implacable des Lumières du XVIII° siècle qui a à la fois affaiblie la présence politique du christianisme jusqu'à l'évincer, mais aussi réalisée la conversion d'une bonne moitié des chrétiens ouverts à cette laïcisation parce qu'elle les libéraient de la domination de la caste des prêtres. Beaucoup de prêtres et d'autres religieux se sont "convertis" aux principes des Lumières, ce qui a fait dire avec satisfaction aux politiciens qui luttaient contre la chrétienté que le christianisme a su s'adapter au progrès social et politique.

Il existe aussi une part non négligeable de la modernité qui est ennemie de la religion chrétienne. Parfois, cet anti-christianisme se dissimule comme anti-religion. Mais quand on examine ses menées anti-religieuses, elles ne sont jamais aussi fortes que contre le christianisme. Allez faire chrétienté si on persécute le christianisme ! Or, ce mouvement anti-chrétien a été systématiquement minoré par le christianisme depuis trois siècles. D'abord, il a été méprisé comme l'oeuvre de fous et d'ignorants. Puis, quand il a été trop tard, il a été tenu comme un progrès inéluctable auquel le christianisme s'est soumis assez volontairement, conservant l'espoir de le convertir sans qu'il s'en rende compte. C'était une fadaise ...

L'athéisation du catholicisme

L'extinction de la chrétienté est un fait historique acquis depuis longtemps. Peut-il y avoir un retour de la chrétienté ? La question est sans intérêt. La chrétienté reviendra ou ne reviendra pas, nul ne le sait. Mais, on sait qu'elle n'est apparue que dès lors que l'immense majorité des peuples de la chrétienté étaient profondément convertis au christianisme. Le roi "très chrétien" d'un peuple non chrétien est une impossibilité. Une république "chrétienne" sans que le peuple soit lui-même chrétien est une impossibilité.

Alors, une voie de restauration d'une chrétienté - même sous une forme nouvelle - passe exclusivement par une conversion des peuples au christianisme. ce n'est pas demain la veille ...

D'autant plus que le christianisme, surtout le catholicisme sa confession la plus occidentale, est en train de vivre une étrangeté absolue : son a-théisation. Il existe des secteurs entiers du catholicisme romain dans lesquels la croyance en Dieu a totalement disparue, est devenue une incongruité médiévale, emportée par les folies humanitaristes ambiantes qui viennent du monde ennemi du christianisme.

Or, le fait que cette a-théisation s'empare des croyants catholiques ne ferait que montrer l'emprise du monde athée et anti-chrétien sur eux. Le mouvement d'a-théisation s'est emparé de la caste sacerdotale, les religieux catholiques, dont une part, probablement maintenant majoritaire, peut continuer à affirmer l'existence d'un Dieu, à condition que cela reste de la "théologie" de haute-volée à laquelle personne ne prête d'ailleurs plus aucune attention. Ce n'est pas le lieu de délivrer des brevets d'athéisme à tel ou tel pontife ou sacerdote catholique ni d'ailleurs à lui signifier des décrets de blasphème. Chacun se forme une opinion à ce propos assez oiseux.

Mais, il suffit de constater les faveurs du monde athée lors de la chute du pape Benoît XVI et la satisfaction qui s'est emparée de ce même monde athée du comportement très conforme de celui qui l'a remplacé pour appréhender au moins l'existence d'un soupçon de trahison ... Et le brave homme qui a remplacé Benoît XVI est loin - bien entendu - d'être le seul à prêter à la critique d'athéisation. Il suffit de suivre le mouvement catholique en Allemagne et dans certains lieux de l'américanisme militant pour se faire une opinion assurée.

L'état du christianisme dans le personnel politique de l'occident américanisé

C'est une analyse très délicate à mener. En effet, l'adhésion à une foi religieuse est - surtout dans le christianisme - une affaire de volonté personnelle. Au contraire, il existe des situations où l'individu fait des "serments" d'adhésion qui sont rendus douteux par la matière politique.

On connaît en occident un nombre élevé de politiciens qui se destinent aux fonctions électives et qui, encore un peu, pour emporter l'adhésion des restes de chrétiens, font protestation d'adhésion au christianisme. On connaît aux USA, Joe Biden et Pelosi. En France, on connaît Macron ... Les raisons pour lesquelles on est conduit à leur attribuer le label de chrétien sont diverses. Macron, par exemple, est réputé avoir rencontré son actuelle épouse alors qu'il était élève dans un lycée jésuite. Joe Biden est périodiquement menacé de se voir interdire l'accès à la religion catholique parce qu'il soutient l'avortement, ...Le catholicisme des uns et des autres va rarement au delà de ces vagues allégations.

Il n'est pas question ici de supposer que tel ou tel politicien manquerait de "sentiments pieux". La question essentielle est de savoir si un nombre même restreint de politiciens en activité en occident peuvent raisonablement être "accusés" de restaurer la chrétienté. La réponse est simple : il n'y en a pas. Pas un ...

En France, le politicien le plus proche du christianisme, n'est même pas chrétien, C'est un juif athée ou agnostique. Mais son tropisme pour l'Histoire et pour son pays, la France, le conduit à de véritables déclarations en faveur du christianisme et plus encore de la chrétienté. Malheureusement, son mouvement, peut être parce qu'il est trop récent, ne pèse d'aucun poids dans la vie politique. Il se contente d'être - et c'est déjà beaucoup, un agitateur d'idées. On n'a jamais vu que les stances pro-chrétiennes de Zemmour rencontrent un écho favorable parmi des politiciens chrétiens. Et d'ailleurs aucun écho qui soit directement chrétien dans son public ...

Dans les autres pays d'Occident, trois Etats peuvent se targuer - de moins en moins - d'être peu ou prou avec politique chrétienne : il s'agit de l'Italie - mais, c'est déjà presque un souvenir - la Pologne - et avec la Pologne, tout est beaucoup trop compliqué - et la Hongrie - trop petite pour être honnête. Pour l'ensemble de l'Occident américanisé, on peut constater qu'il n'existe aucune loi, aucune mesure politique qui soit caractéristique d'un régime de chrétienté. Et celà, depuis des décennies, sinon davantage.

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Non, l'Occident américanisé n'est plus membre de la chrétienté. Et il est même susceptible de ne jamais y revenir ...




Revue C-Politix (c) 5 Décembre 2022