Covid-19 - Le problème de la critique et de la démocratie

Philippe Brindet - 05.09.2020

En fait le problème se pose pas seulement dans le cadre de la crise de la Covid-19. Je me souviens d'un célèbre professeur de philosophie qui se plaignait de voir le paysage éditorial encombré par des plumes de gens ignorant les bases de la philosophie. N'importe qui peut avoir un avis sur un point de philosophie.

La même chose advient dans tous les autres domaines de la connaissance. Tel se prend pour un grand arithméticien qui ne connaît pas seulement le début des travaux de Gauss ou ceux de Fermat.

La chose est parfaitement innocente quand l'amateur se mêle simplement de prouver qu'il existe un nombre fini de nombres premiers ayant ou n'ayant pas telle autre propriété. La chose en reste à un aimable exercice privé. Elle se complique quand le passionné exige la reconnaissance des professionnels de la chose, par exemple lorsqu'il veut être publié. C'était autrefois je crois le cauchemar des éditeurs de revues scientifiques. Tout a bien changé depuis.

La chose devient carrément perverse quand l'amateur de gentils travaux du dimanche se prend de colère contre la publication des travaux d'un professionnel. Certains de ces amateurs enragés auraient même fini en asile psychiatrique, assurant enfin un peu de repos au professionnel agressé.

D'expériences de ce genre, les professionnels en ont depuis longtemps acquis la conviction que l'avis des amateurs est sans intérêt et qu'il convient de leur interdire strictement tout moyen d'expression susceptible de faire de l'ombre à leur ... business.

Malheureusement, deux problèmes sont apparus, ou peut être ont pris une importance de plus en plus grande. Le premier est celui de la politique - tout est devenu politique - et le second est celui d'Internet, et particulièrement des réseaux sociaux.

Politique et expertise

De même que le champ de la science s'est considérablement élargi aujourd'hui, celui de la politique est devenu presque universel. Presque plus rien n'échappe à la politique. Peut être parce que tout devient peu à peu bien public ?

Or - et il faut le rappeler notamment aux experts - nous vivons en régime démocratique. Dans un tel régime, chaque opinion est libre sous réserve de certaines limites qui soulèvent d'ailleurs de furieux débats. Il en résulte que le plus ignorant des hommes ne peut être empêché de se former et de publier une opinion ignorante sur une chose politique.

Je comprends ici l'alarme de mon lecteur. Si un ignorant veut remettre en cause le principe de la chute des corps massiques dans un champ de gravité, vous n'allez quand même pas appeler la démocratie au secours de son erreur ! Je voudrais seulement dire que, pour l'instant, la question de la chute des corps ne semble pas se trouver dans le champ de la politique. Dans un régime démocratique, l'ignorant qui ne pense pas que les corps tombent à cause de la gravitation a le droit de conserver son opinion. Le problème va se poser si le sujet de la gravitation entre en interaction avec le champ politique.

Les physiciens n'auront pas grand chose à opposer à la liberté politique de l'ignorant.

Pour pallier cet inconvénient, les sociétés démocratiques ont développé une institution redoutable : l'expertise. Les premiers je crois à avoir eu recours aux experts, ont été les juges. Cela fait plus d'un siècle que la plupart des procès judiciaires se tiennent avec la consultation d'experts.

On peut assurer que, si un expert affirme que l'ADN de l'accusé se trouve sur l'arme du crime, le tribunal n'aura pas beaucoup de difficultés à le condamner pour une preuve qu'aucun des juges n'a pu voir de ses yeux. Et pourtant, si les juges savaient exactement comment s'est déroulé le travail de l'expert ... Mais c'est un autre débat.

Toujours est-il que, dans nos sociétés modernes, les experts ont pris une importance considérable. Parfois utile, parfois nuisible. Mais, ils habituent nos sociétés à une "parole" incontestable, dite "à dire d'expert". Et c'est souvent aussi nuisible à la science qu'à la politique et toujours à la liberté de penser.

Le problème d'Internet

Le problème d'Internet et de ses réseaux sociaux est maintenant bien connu. Le nombre de comptes Facebook, Twitter, Instagram, etc, pourrait devenir plus élevé que le nombre d'êtres humains ! Ce qui s'échangeait devant un verre à la terrasse d'un bistrot de province devient une publication accessible dans le monde entier. De fait, l'opinion d'un ignorant et celle d'un savant se trouvent avoir à peu près le même poids s'ils se concurrencent sur le Net.

Cela amuse les uns et exaspère les autres. Le problème le plus épineux apparaît quand l'ignorant met en cause l'opinion du savant (qu'il l'ait publié sur le Net ou ailleurs ...) Le problème de la diffamation se pose de manière souvent imprévue par l'ignorant. Il a toujours procédé de la sorte au café du commerce. Pourquoi changerait-il ses coutumes sur Facebook ?

La solution la plus sage serait de ne pas estimer la valeur de Facebook au-delà de celle des bistrots. La police a toujours utilisé les conversations pour suivre l'opinion qui se fait. On ne sait pas en régime démocratique qu'elle soit intervenue parce qu'un quidam critiquait telle personne ou telle opinion. Or, aujourd'hui, le tenancier du bistrot planétaire se voit investi - on ne sait trop par qui - d'une mission de censure. Bien sûr, cette censure a commencé sur des opinions criminalisées comme l'antisémitisme ou la pédophilie. Mais, quand la censure commence pour des raisons légales, elle n'a aucune raison de s'arrêter. D'abord parce qu'il suffit de faire des lois et puis, à un certain moment, les lois ne sont même plus nécessaires.

Nous sommes arrivés à ce moment. Et la crise de la Covid-19 nous le montre.

Covid-19 et critique

Il y a deux champs de critiques :

  1. un champ politique dans lequel on débat de savoir si le pouvoir exécutif a le droit ou la légitimité pour imposer des réglements d'exception violant ouvertement le régime légal ;
  2. un champ de santé publique dans lequel on débat de plusieurs sujets comme la thérapie de la Covid-19 ou les mesures d'interventions non pharmaceutiques, ou encore la question des futurs vaccins.

Il y a trois catégories de débatteurs :

  1. les scientifiques qui contestent les bases scientifiques des mesures prises dans le champ de la santé publique, sachant que ces mesures sont prises par le pouvoir politique ;
  2. les citoyens qui rejoignent les critiques des bases scientifiques exposées par ces scientifiques et qui transposent leur opinion dans le domaine politique ;
  3. les pouvoirs politiques et leurs experts scientifiques qui estiment que leurs mesures sont les seules efficaces et après neuf mois d'épidémie, estiment qu'elles ont été efficaces et qu'il n'y a lieu donc à aucun débat !.

Il faut reconnaître que cette troisième catégorie de débatteurs ne s'implique que rarement dans les débats. Elle utilise les services des médias de sorte que tout débat est fortement biaisé puisque le medium et le message viennent d'un seul organisme. Il est probable que des procès auront lieu dans différents pays qui opposeront des représentants de cette troisième catégorie à des plaignants lésés par les mesures qu'a ordonnée la troisième catégorie de débatteurs, justement sans débat.

Sur la question des thérapies :

Cette question a été soulevée d'abord en France par un épidémiologiste, le Pr Didier Raoult. A la base, la doctrine de santé publique établie par Neil Ferguson, un informaticien de l'Imperial College, était que la Covid-19 étant une maladie nouvelle - elle provient de l'infection d'un "nouveau" coronavirus" - il ne peut exister de médicament pour la traiter.

Raoult a contesté cette affirmation et estimée que la Covid-19 était une maladie dont plusieurs symptômes étaient bien connus et il a estimé qu'un vieux médicament était parfaitement adapté à son traitement. Il affirme avoir obtenu de bons résultats. De fait, un certain nombre de pays ont utilisé à sa suite l'hydroxychloroquine et ont obtenus de très bons résultats en termes de décès et de durées des infections. De même, de très nombreux essais cliniques ont démontré le succès de cette médication.

Incidemment, il faut noter que Raoult et un nombre important de virologues et microbiologistes estiment que la science exige une attitude critique en toute circonstance. C'est le principe de base de la science moderne qui n'est absolument plus observé notamment par les autorités sanitaires.

Le problème est que le succès de l'hydroxychloroquine est contesté par ceux-là même qui devraient pourtant partager ce point de vue : les autorités sanitaires de pays comme la France ou la Grande-Bretagne.

Le débat s'est immédiatement élargi aux patients, réels ou présomptifs, qui en particulier souhaitaient plutôt recevoir un médicament qui marche plutôt que rien du tout.

Beaucoup d'autorités sanitaires ont refusé de suivre l'ensemble de ces opinions, affirmant même de manière éhontée que le traitement était même toxique. En fait, leur interdisant tout retour en arrière, ces autorités sanitaires avaient et ont toujours trois bombes à retardement :

  1. les mesures NPIs, essentiellement de confinement qui ont produit un nombre élevé d'infections et de décès, et par effet secondaire une crise économique et sociale dont on ne voit que les prémisses ;
  2. la contrainte de nouveaux médicaments - parfaitement inefficaces et mêmes toxiques selon leurs opposants - mais très coûteux - comme le remdesivir - et extrêmement bénéfiques pour les intérêts financiers de l'industrie pharmaceutique qui a semé des conflits d'intérêt partout parmi les autorités sanitaires ;
  3. la promesse de futurs vaccins, dans un mouvement vaccinal forcené mené par le milliardaire Bill Gates qui a soumis financièrement la plupart des médias et des autorités sanitaires - il paye notamment Ferguson et l'OMS - alors que son expérience récente contre la poliomyélite a été une grande catastrophe sanitaire.

Il est très probable que les autorités sanitaires, leurs autorités politiques de tutelle qu'elles ont absolument trompées et les médias circonvenus vont rencontrer de grosses difficultés notamment judiciaires et les dégâts politiques, s'ils sont correctement traités par leurs oppositions devront être considérables.

Sur la question des mesures NPIs :

Dans les pays occidentaux, à l'exception de la Suède, et de quelques autres, il s'est agi de la fermeture des écoles, des universités, des entreprises, l'interdiction des déplacements privés et la mise au chômage d'une partie importante de la population active. Les particuliers se sont retrouvés confinés.

Ainsi que je l'évoquais ci-dessus, il est le plus probable que les peuples feront payer politiquement aux autorités politiques leurs errements et ces politiciens auront le plus grand mal à rejeter la faute sur leurs "experts".

Le problème cependant est que seule une minorité réagit encore, la masse étant largement manipulée par les média qui agitent la peur décidée par l'alliance des autorités sanitaires et politiques. On ne connaît pas - sauf peut être aux USA, et encore ... - d’États dans lesquels les oppositions politiques auraient déjà pris une position critique à l'égard de la crise de la Covid-19.

Sur la question des futurs vaccins :

Le débat dure depuis des années. Il existe quelques scientifiques opposés aux vaccins, essentiellement à cause des effets secondaires, et souvent leur opposition est circonstancielle, concernant tel ou tel vaccin. Une fraction de l'opinion publique et donc des patients est extrêmement méfiante à l'encontre des vaccins.

Mais les autorités sanitaires ont une tradition bicentenaire d'adhésion à la vaccination. Au XVIII° siècle, l'adhésion à la vaccination - ou jenerisation - était un indicateur du progressisme tandis que son rejet était identifié à l'obscurantisme religieux. On peut apercevoir aujourd'hui des traces de cette dialectique ancestrale.

Concernant la Covid-19, nous ignorons si le vaccin développé actuellement - et il y en a encore plusieurs dizaines - seront efficaces et sûrs d'une part et si le SARS-CoV-2 existera encore sous une forme concernée par les vaccins commercialisés d'autre part. Pour donner des exemples, il n'existe aucun vaccin efficace ni contre le VIH ni contre Ebola.

De fait, le débat est intense et certains demandent pourquoi dépenser des sommes folles pour développer un vaccin alors qu'on connaît des thérapies efficaces contre la Covid-19 malgré les affirmations contestataires des autorités sanitaires et de l'industrie pharmaceutique "au sens large".

On voit donc que les débats autour de la Covid-19 sont intenses. Mais, on ne peut que déplorer la tentation dictatoriale des autorités politiques occidentales, poussées à ces extrêmes par les "autorités" de santé publique, alliées autour d'intérêts puissants.

Les réglements imposés par les États comme la France concernant notamment le port du masque, les confinements partiels, la quasi interdiction de manifester politiquement notamment en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Australie, le traitement médiatique partial et soumis aux autorités politiques et sanitaires, et aux intérêts financiers régnant conduisent à s'interroger sur le sort incertain de la démocratie.

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C-Politix
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