Crise de la Covid. La France constate son déclassement

Philippe Brindet - 03 Février 2021

Les commentaires moqueurs ou désespérés selon leurs sources des uns et des autres concernent le déclassement de la France "gaullienne" dans le concert des nations. J'ai déjà eu l'occasion de critiquer cette vision dépassée du monde moderne [1], du moins en occident américanisé. Le désespoir semble gagner jusqu'au Directeur du Plan, François Bayrou qui aurait déclaré [2] :

Le Haut commissaire au Plan François Bayrou a appelé ce mardi à investir dans la recherche pour éviter la fuite des cerveaux, "signe d’un déclassement" de la France "inacceptable", au lendemain de l’annonce de l’échec de l’Institut Pasteur sur un vaccin anti-Covid.

Remarquant que Stéphane Bancel, le PDG de la société de biotechnologie Moderna qui a développé un vaccin anti-Covid, est français, François Bayrou a estimé sur France Inter ce mardi qu’il n’était "pas possible que nos chercheurs, les plus brillants de nos chercheurs, so(ie)nt aspirés par le système américain".

"C’est le signe d’un déclassement du pays, et ce déclassement-là est inacceptable", a affirmé François Bayrou

Il y a un petit problème : Stéphane Bancel est un homme de grand mérite. C'est surtout un homme d'affaires et il n'est pas du tout un scientifique, ni un chercheur. Une consultation rapide de son CV [3] montre que, s'il est titulaire d'un diplôme de génie biochimique, il a immédiatement après été absorbé par des tâches marketing, puis de direction d'entreprises qui, elles-même, c'est vrai, faisaient de la recherche. Mais il n'en a pas mené lui-même. Et son dernier succès, avec l'entreprise Moderna, a surtout consisté à reprendre les recherches sur les vaccins ARN des NIAIDS américains, pour les appliquer à des produits pharmaceutiques nouveaux.

La presse a révélé un récente étude [4] du CAE, un de ces innombrables organismes qui flottent entre la haute administration et les entreprises publiques. Cette étude, loin d'être sans mérite ou criticable, montre l'incapacité de l'administration française à ne pas tout administrer sur le territoire national. Le problème de déclassement commence là. Au demeurant, l'étude du CAE soulève de sérieux problèmes de fond qui montre que la haute administration e,n France est complètement en dehors du mouvement du reste de l'Occident américanisé. Ce n'est même plus du retard. C'est de l'ailleurs ...

Mais, le problème du déclassement se poursuit aussi sur la population des chercheurs en France. Malgré le niveau d'excellence que le système revendique pour lui même, ce système peine à sortir des querelles internes qui sclérosent le moindre projet un peu original. Et de fait, la population de chercheurs est actuellement fortement déprimée. Il m'est difficile d'en dire plus pour des raisons de convenance. Mais, il suffit de considérer la guérilla entre un chercheur renommé comme Didier Raoult avec une grande partie des spécialistes français en virologie - infectiologie, pour comprendre que la "recherche française" a un sérieux problème.

Et le problème du déclassement se trouve enfin dans le problème bien connu de l'entreprise industrielle en France. Notre société est devenue incapable de dégager des investissements pour le domaine industriel, probablement parce que nos indutriels sont handicapés par des charges fiscales, sociales et réglementaires qui interdisent le moindre développement local.

Mais, un développement local serait certainement incapable de résister à la concurrence internationale et il ne pourrait probablement jamais arriver à maturité, c'est-à-dire de se mettre en mesure, par croissance interne, d'atteindre la taille internationale. D'où la solution d'un Stéphane Bancel d'aller directement aux USA ...




Notes

[1] Lire notre article Les vaccins et le déclassement français, Revue C-Politix, 15 Janvier 2021.

[2] Lire Vaccins : le coup de gueule de François Bayrou, La République des Pyrennées, le 26 janvier 2021.

[3] Lire par exemple l'article wikipedia : Stéphane Bancel.

[4] Innovation pharmaceutique : comment combler le retard français ?, Les notes du conseil d’analyse économique, n° 62, Janvier 2021





Revue C-Politix (c) 03 Février 2021