De la Palestine de la Déclaration Balfour à la domination du Hamas sur Gaza

Philippe Brindet - 10 Avril 2024

La question de l'Etat d'Israël est à la fois résolue par sa création de 1948 et perpétuellement reposée, de manière à chaque fois plus problématique. La dernière remise en cause, encore non résolue, date de l'effarant massacre perpétré par le Hamas sur le sol d'Israël, puis de la guerre de représailles qui s'en suivie et qui dure encore.

Les décennies passant, les occidentaux ont de plus en plus l'impression que les Juifs sont des envahisseurs modernes d'une région "appartenant aux musulmans" ennemis ancestraux des Juifs". Dans l'opinion publique, cette incursion des Juifs en "terre islamique" est une forme de colonialisme, de sorte que "naturellement", l'opinion publique occidentale est devenue "antisioniste".

Or, cette impression de l'opinion publique occidentale est complètement infondée pour de nombreuses raisons.

Le soutien occidental naturel à Israël serait en train de s'effondrer

La première raison de l'incompréhension occidentale est que les Juifs habitent de façon permanente en Palestine depuis l'époque de l'ancien Israël, y compris sous occupation romaine. Les Juifs ont partagé l'occupation du sol palestinien avec des chrétiens, auxquels se sont ajoutés les musulmans, et parmi ceux-ci, les Ottomans qui ont pris le contrôle politique de la région au XVIII° et au XIX° siècle. Au XX° siècle, les Anglais et les Français on pris le contrôle politique qu'ils ont disputé aux saoudiens qui, remontant du Sud, tentaient d'étendre leur empire dans le grand rêve arabe du britannique Lawrence.

Très vite, les occidentaux adhèrent à l'idée d'un état juif en Palestine (1917, Déclaration Balfour). Un Etat qui serait sous contrôle des Britanniques, la Syrie et le Liban restant sous contrôle français. Les événements de la Deuxième Guerre Mondiale renforcent encore l'adhésion des puissances occidentales à un Etat juif et les juifs tant en Palestine qu'en diaspora, forcent la main à tout le monde en créant l'Etat d'Israël en 1948 de manière quasi unilatéral en profitant du fait que les Britanniques remettaient leur "mandat" aux Nations-Unies.

Mais, de fait, les puissances occidentales n'étaient pas d'abord mues par un philojudaïsme, et encore moins par le sionisme. Beaucoup de factions parmi les politiciens occidentaux considéraient que l'Etat d'Israël ou tout autre Etat dans cette région ne serait viable que sous l'autorité occidentale, les Britanniques dans la première moitié du XX° siècle, les Américains ensuite.

Beaucoup de puissances occidentales "intermédiaires" ont alors utilisées la situation en Palestine pour gêner la géopolitique américaine tout en faisant montre d'un "sionisme" de façade qui répondait aux voeux des juifs de la diaspora, de ceux de l'Etat nouveau, mais aussi des occidentaux sincères qui voulaient soutenir la juste cause sioniste. Mais en réalité, de nombreuses factions politiques partout en Occident, y compris aux USA, sont travaillées par un antijudaïsme primaire, d'une part et par un parti-pris en faveur des musulmans, d'autre part.

On a ainsi enregistré au lendemain du progrom du 7 octobre 2023 une forte émotion de sympathie pour les Juifs d'Israël, sympathie qui s'est sensiblement évaporée au profit du soutien affiché "à la juste cause du peuple palestinien", de la part de factions occidentales, foncièrement anti-judaïques de manière cachée et anti-sionistes pour exprimer leurs inavouables intentions.

Il faut noter à ce propos que, alors qu'il y a encore vingt ans, les minorités islamiques d'occident étaient politiquement aphones, la situation a complètement changée du fait d'une immigration massive, d'ailleurs largement organisée par les puissances politiques à l'oeuvre au sein des Etats occidentaux. Cette immigration essentiellement musulmane crée en Occident un flux d'anti-judaïsme de plus en plus délétère, précédé d'un anti-sionisme, l'Etat d'Israël étant accusé, je le notais plus haut, d'être "un résidu du colonialisme". Les manifestations contre Israël en Occident se sont multipliées avec une virulence jamais atteinte auparavant.

Comme une fraction de plus en plus importante de cette immigration acquière le droit de vote un peu partout en Occident, les gouvernements qui auraient encore une "tendance philosémite", sont contraints ou de l'abjurer ou de la mettre en sourdine au risque de ressentir les effets politiques d'une lente "conversion" à l'islam, très nettement exécutée partout en Occident.

C'est la raison pour laquelle, sauf changement radical à la fois dans la politique forcenée d'immigration, et dans le contrôle de cette masse humaine étrangère à la culture occidentale, il est clair que l'occident ne soutiendra pas longtemps Israël. Si les USA de Biden ont donné l'impression d'un soutien plein et entier à Israël contre le Hamas, les USA qui ne sont pas à Biden - ils existent - sont enragés contre Israël qu'ils accusent tout simplement de ... génocide. De fait, Biden fait tout pour arrêter les représailles d'Israël contre le Hamas. La France de Macron a eu - en plus rapide - le même mouvement. Au lendemain du 7 octobre, Macron a proposé de former une Grande Coalition pour soutenir Israël contre le Hamas. Il a maintenu sa position pendant ... huit jours pour s'engager dans un soutien au Hamas dissimulé en un soutien aux habitants de la Bande de Gaza ... contrôlés par le Hamas. La duplicité de l'Occident n'est pas encore parvenue au mensonge. Mais, on y est presque ...

L'Etat d'Israël est laïc et il est multiculturel

Contrairement à ce que de nombreux musulmans et de nombreux occidentaux croient, l'Etat d'Israël n'est pas un Etat juif. C'est un Etat socialiste au sens des années 1950, progressiste au sens des années 2020. De nombreux citoyens israéliens sont d'origine arabe et sont de religion islamique. Il y a aussi des chrétiens. Et plus encore, de nombreux israéliens sont des laïcs convaincus, la plupart du temps athées. Il faut cependant noter que l'Etat d'Israël comporte aussi de nombreux juifs religieux, souvent fortement orthodoxes qui identifient l'Israël de Ben Gourion en 1948 à l'Israël du Roi David du X° siècle avant l'ère chrétienne.

Le fait que l'Etat fondé par Ben Gourion se soit trouvé au milieu d'une population "musulmane" n'a pas été perçu comme une inadvertance. Le projet socialiste juif était un projet internationaliste, multireligieux, multi-ethnique, multi-culturel. Ce modèle de société et d'Etat moderne s'impose peu à peu dans tout l'Occident, de sorte que si la tradition de l'Occident est centralement judéo-chrétienne, le mouvement de l'occident contemporain reproduit sensiblement le mouvement juif des années 1950. Et de ce fait, le sort de l'Etat d'Israël est de plus en plus identique à celui du reste de l'Occident. Si Israël s'effondre, l'occident moderne ne tiendra pas davantage.

Et on voit que la société laïque, socialiste pour ce qui concerne les populations, capitaliste pour les élites, multiculturelle et multireligieuse pour les populations qui devient le standard des peuples occidentaux, va se trouver confrontée à l'action contraire de l'islam qui ne recherche que la conquête, la soumission des infidèles et l'établissement d'une société à religion unique, l'islam, à culture unique, l'islam, à législation unique, l'islam et à langue unique, l'arabe.

Très clairement, le massacre du 7 octobre 2023 est l'expression ultime de la volonté irrépressible de l'islam de soumettre les infidèles. Cette volonté inflexible s'est prononcée sur le sol d'Israël, société occidentale. Elle s'exprime sous forme d'attentats, mais aussi de désordres sociaux innombrables sur le sol de la plupart des autres sociétés occidentales. A commencer par la France.

Or, cette situation n'est pas du tout perçue avec cette précision par les opinions publiques occidentales, qui de ce fait, ne comprennent plus le combat d'Israël. La politique même d'Israël, absolument exemplaire de la politique occidentale moderne, est impuissante à résister au Hamas comme à l'islam.

Examiner la situation d'Israël face au Hamas, c'est identifier le problème en cours du reste de l'Occident.


Revue C-Politix (c) 10 Avril 2024