En Avril 2021, quelle efficacité du confinement ?

Philippe Brindet - 16 avril 2021

FRANCE

Nous avons suivi trois confinements. Le troisième confinement est encore en cours. Voici les dates officielles de ces confinements d'après Confinements liés à la pandémie de Covid-19 en France, par Wikipédia.

ConfinementDébutFin
117.03.202011.05.2020
230.10.202015.12.2020
303.04.2021 -

On utilise les données de https://ourworldindata.org/covid-cases : Daily new confirmed COVID-19 cases per million people.

Analyse de l'effet des confinements sur le nombre d'infections quotidiennes.

Graphe Cas quotidiens COVID et dates des 3 Confinement France

Effets du confinement 1

Nombre d'infections quotidiennes  par million d'habitants : 12,44                   194,57                       15,97
date :                                                      17.03.2020              18.04.2020                   11.05.2020

Lorsque le confinement 1 débute le 17 mars 2020, le taux d'infection est de 12 par million. Il monte jusqu'au 18 Avril 2020 à 194 par million et s'effondre ensuite à 25 cas par million le 24 Avril 2020. il reste ensuiite stable jusqu'au 1er août 2020 où le taux d'infection repasse au-dessus de 15 cas par million. Le confinement 1 s'est arrêté le 11 mai 2020. Si la mise en confinement explique la chute brutale après le pic de l'épidémie #1 du 18 avril 2020, il aura donc mis 31 jours à faire effet sur le taux d'incidence. Par ailleurs, la cessation du confinemement 1 a lieu pendant un palier horizontal de la courbe du taux d'incidence qui dure du 24 avril au 1er Aout 2020.

On note que lors de la montée du pic de la première épidémie, il se passe un événement sans explication : la croissance stoppe et s'inverse du 3 au 11 avril pour reprendre un cours normal le 12 avril, date à laquelle la croissance épidémique rejoint la courbe exponentielle de sa phase montante depuis le début. On ne peut attribuer ce "décrochage" au confinement puisqu'il dure après la remontée au niveau de l'exponentielle de croissance épidémique. On estime qu'il s'agit probablement d'un problème de remontée des données de tests.

L'un dans l'autre, si l'entrée en confinement est responsable de la phase de décroissance de l'épidémie, le confinement aura mis 31 jours pour être efficace. Mais, lorsque le confinement cesse, la reprise d'une épidémie s'amorce plus de 75 jours après la cessation. L'idée que le confinement 1 aurait eu un effet sur l'épidémie, d'après la courbe d'incidence, est donc probablement fausse.

Effets du confinement 2

Lorsque le confinement débute le 30 octobre 2020, le taux d'incidence est de 614 cas par million. Le pic est ascendant et le sommet est atteint le 3 Novembre à 825, soit 4 jours après le début du confinement. Il est impossible que le confinement ait joué un rôle de limitation, en quatre jours. Le confinement 2 cesse le 15 décembre 2020 et il y a 172 cas par million d'habitants. La descente du pic est terminée le 5 Décembre à une incidence de 154. Manifestement, la remontée lente démarre avant la fin du confinement 2 et se poursuit régulièrement ensuite jusqu'au 10 mars 2021 où un troisième épidémie reprend.

Le confinement 2 n'a donc strictement aucun effet sur le déroulement de l"pidémie racontée en nombre de cas.

On remarque que en dehors des pics épidémiques 1 et 2, la croissance des cas est sensiblement exponentielle, depuis le début de l'épidémie au 1er Mars 2020, jusqu'à ce jour 15 Avril 2021. On note que le nombre de tests PCR exécuté pendant cette période croît considérablement de sorte que en dehors des pics épidémeiques 1 et 2, il n'y a probablement plus aucun virus actif. Cette remarque renforce l'hypothèse que le confinement 2 n'a eu aucune influence sur le cours de l'épidémie.

Effets du confinement 3

Il est encore trop tôt pour l'évaluer. On note qu'à nouveau, le début du confinement 3 se trouve lors du front montant d'un pic épidémique. Mais, la mise en confinement est suivi presque immédiatement des vacances de printemps, de sorte que la campagne de tests et les remontées des cas diagnostiqués sont fortement amoindries. Il n'est donc pas actuellement possible de déterminer dans quelle phase du pic épidémique on se trouve.

Analyse de l'effet des confinements sur le taux de reproduction (R0)

Graphe R0 quotidiens COVID et dates des 3 Confinement France

Effets du confinement 1

Lorsque le confinement 1 débute le 17 Mars 2020, le R0 qui était 3 est en train de décroître depuis le 5 mars, soit depuis 12 jours. Le taux continue sa descente sans varier jusqu'à atteindre R0=0,63 le 22 avril 200 et il reste à cette valeur jusqu'à la fin du confinement 1 le 11 Mai.

Il faut alors noter que le R0 reprend son ascension dès le 15 mai, soit 4 jours après l'arrêt du confinement 1. et la remontée est extrêmement rapide puisque de 0,63 le 14, le R0 passe à 1,36 le 28 pour redescendre immédiatement après 0,83 le 11 juin. Le doublement du R0 en 15 jours ne paraît pas lié à la reprise épidémique si elle était constante puisqu'elle s'effondre aussi vite et sur la même durée.

On note que ce pic sur R0 après confinement ne se traduit par aucun pic sur le taux d'incidence. On peut penser que ce pic provient d'un artefact de calcul.

Le premier confinement n'a donc eu aucun effet sur le cours de l'épidémie.

Effets du confinement 2

Le début du confinement 2 se situe à l'extrêmité d'un plateau à R0=1,31. Dès le 3 Novembre, le R0 s'effondre à nouveau passant à 0,67 le 25. Il y a donc une réduction de moitié du R0 en moins d'un mois. Bien que le début de l'effondrement semble bien proche de la date de béut de confinement 2, il n'existe pas de raison d'exclure le début de confinement 2 comme cause de l'importante réduction du R0.

Le problème c'est que, alors que le confinement 2 se poursuit, le R0 reprend son ascension passant à 1,05 le 19 Décembre. On note donc que la vitesse de reprise du R0 est très proche (au signe près) de la vitesse de baisse du R0 précédente. Et le confinement 2 prend fin le 15 décembre.

Effets du confinement 3

Lorsque le confinement 3 démarre le 3 avril, depuis le 15 décembre, le R0 est resté relativement stable entre 1,1 et 1,2. Le taux de reproduction de l'épidémie est donc très faible. Pourtant on démarre le confinement 3 avec une épidémie presque stoppée.

Malgré tout, le 15 Avril, le R0 est remonté légèrement à 1,3, c'est-à-dire exactement la valeur qu'il avait avant le début du confinement 2.

Décidément, le confinement n'a le plus souvent aucun effet positif sur la progression de lépidémie et quand il a un effet, il semble mauvais.

Résultats

Le tableau ci-dessus résume les effets des début et fin de confinement

Effets sur l'évolution du nombre de cas quotidiens COVID

EffetDébutfin
Confinement 1 aucunaucun
Confinement 2aucunaucun
Confinement 3aucunà venir

Effets sur l'évolution du R0 quotidiens COVID

EffetDébutfin
Confinement 1 aucunaucun
Confinement 2possibleaucun
Confinement 3négatifà venir

En résumé : la tactique du confinement n'a aucun effet sur l'évolution du nombre de cas quotidiens. Sur l'évolution quotidienne du R0, le début de confinement a aucun effet, puis un effet possible démenti opar la suite, puis pour le troisième confinement un effet négatif à confirmer par l'évolution lors du troisième confinement complet.

Comparaison avec des études publiées par des institutions scientifiques

Thèse 1 : le confinement n'a pas d'effet positif

On note plusieurs études qui estiment que le confinement n'a pas d'effet positif, ou même des effets négatifs :

  • Ioannidis JPA, "ASSESSING MANDATORY STAY-AT-HOME AND BUSINESS CLOSURE EFFECTS ON THE SPREAD OF COVID-19, 5 janvier 2021. L'étude conclue :
    While small benefits cannot be excluded, we do not find significant benefits on case growth of more restrictive NPIs. Similar reductions in case growth may be achievable with less restrictive interventions.
  • Dans ce point de vue, on peut citer le cas de la Suède qui n'a pas confiné, alors que le R.-U. a énormément confiné. Le résultat tiré des statistiques de mortalité en excès entre les deux politiques est frappante :

    Cependant, il faut noter que, contrairement à ce qui est parfois prétendu, la Suède n'a pas du tout menée une politique sanitaire laxiste en matière d'épidémie avec la COVID. Seulement, il s'est agi de mesures volontairement mises en oeuvre par la population. Il faut écouter un interview de l'épidémiologiste Giesecke, ancien directeur de santé pubblique en Suède avant la Covid sur le site du média UNHERD : https://unherd.com/2021/04/did-sweden-get-covid-wrong/.

    Thèse 2 : le confinement a sauvé l'humanité

    On note plusieurs études qui estiment que le confinement a des effets positifs et qu'il est même irremplaçable :

  • FERGUSON N, "Estimating the number of infections and the impact of non-pharmaceutical interventions on COVID-19 in 11 European countries", Imperial College, 30 Mars 2021 ;
  • ROUX J. "COVID-19: One-month impact of the French lockdown on the epidemic Burden", EHESP 23 Avril 2021
  • Malheureusement, ces deux études ont été démontées par la critique de leurs biais statistiques. Lire notamment TOUSSAINT JF, Etude critique d’une modélisation des effets du confinement, Journ. Inf. médicale, 2 Mai 2020.

    Pour conclure, on dira que les tenants des bienfaits du confinement (et des autres mesures de distanciation sociale) estiment que le confinement est bénéfique parce que les modèles mathématiques démontrent que c'est une mesure efficace - on peut trouver l'argument léger - et les tenants de l'inutilité ou du caractère nuisible du confinement estiment que les effets mesurés du confinement sont nuls ou négatifs. Les deux camps ont certainement raison. Le malheur est que les modèles mathématiques n'ont aucun lien vériable avec la réalité.



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