Enseignement des mathématiques. France dernière des pays développés ou première des pays sous-développés

Philippe Brindet - 9 Décembre 2020

La presse goguenarde se fait l'écho hier des résultats d'une étude TIMSS exécutée par je ne sais quel Institut international qui a testé les compétences en mathématiques et en sciences nous dit-on de divers pays déveoppés dont la France. Le Figaro, Le Monde et La Croix insistent tous trois pour noter que la France "est la dernière des pays développés" [1]

On peut ainsi lire dans ces articles de presse que les élèves de Quatrième en France, selon l'étude TIMMS de 2019, ont les compétences des élèves de Cinquième en France, selon l'étude TIMMS de 1995. Voila une comparaison internationale qui sert à comparer les élèves français à eux-mêmes ... C'est peut être moins critique que de comparer le système d'enseignement français au reste du monde.

Plusieurs commentateurs, notamment au JT de 20 Heures de TF1, ou le journal La Croix, soulignent que la formation des professeurs serait ... à revoir. C'est possible.

Mais personne ne met en cause le seul responsable de la catastrophe "éducative" : l'Etat qui a imposé des programmes qui privilégient la médiocrité des élèves dès le jardin d'enfants, où ces derniers apprennent un rôle social de soumission avec très peu d'apports instructifs. L'absence totale de la moindre discipline dans les "petites classes" développe le désintérêt pour l'effort d'instruction et enfin, le personnel de l'Etat préposé à l'enseignement fait en général - sauf peut être dans l'enseignement professionnel, et encore ... - montre d'un dégoût profond pour la vie en dehors de l'univers idéologique de ... l'Education nationale.

Vous pouvez empiler les rubriques savantes dans un programme, mettre au programme d'entrée en Sixième la théorie des équations intégro-différentielles, tout ce que vous voudrez, cela ne changera rien au problème du niveau éducatif français [2].

L'idée que les professeurs français seraient insuffisamment formés va dans la bonne direction. Le problème pourtant ne se limite pas à l'insuffisance de la formation. C'est celui de la suffisance des théories pédagogistes. Selon les traces que laissent les manfestations publiques des enseignants français, ces derniers semblent se considérer depuis cinquante ans comme l'élite de la nation et estimer que les élèves ont déjà suffisamment de chances de les avoir pour pédagogues pour leur éviter tout effort. Le seul effort qu'un enseignant français est disposé à supporter, c'est celui de "respecter les programmes". Et il faut reconnaître qu'il y faut du mérite.

Des élèves incapables du moindre effort d'instruction parce qu'ils n'en ont ni les moyens, ni les objectifs, des enseignants autosuffisants et vous avez la recette d'un système incapable. Maxime Tandonnet sur son blog [3], relie le résultat TIMMS en mathématiques et en sciences de 2019 avec les résultats PISA en Français et culture depuis plusieurs années. La France n'est plus en déclin. Elle est finie. Le déclin des mathématiques et des sciences était évidemment déjà présent, malgré les "cocoricos" qui accompagnaient la glorification de l'enseignement des "maths" quand la presse se risquait à commenter la nullité des élèves français en français et en culture.Il est impossible qu'une population soit "bonne en maths" et "mauvaise en culture". "Maths et culture" sont une seule et même chose et la même cause provoque les mêmes effets que ce soit en "français" ou en "maths".

Mais la vraie question n'est peut être pas de savoir pourquoi le système d'instruction français est le dernier des pays développés. Il faudrait être certain que notre pays est encore un pays développé.

Dans un autre ordre des choses, il y a très longtemps que le système d'instruction français est devenu étranger à l'esprit scientifique. Peu à peu, ce dernier a dégénéré en simple "respect des programmes du Ministère". Ce qui est enseigné est complètement disjoint d'une véritable culture et d'un objectif de formation pour la vie professionnelle. L'idée d'une démonstration, d'une vérification expérimentale, d'une critique d'une observation, tout cela est devenu étranger à l'instruction en France. L'effet est patent lorsque l'on aborde l'idéologie de l'enseignement supérieur et celle des cadres issus de ces formations supérieures.Dans leur immense majorité, ils font montre d'un mépris résolu de l'esprit scientifique. Un nombre considérable des étudiants en écoles d'ingénieurs se précipitent sur les formations liées au commerce, à la finance, au management, aux sciences sociales et très peu d'entre eux sont concernés par les sciences et techniques qui aurait dû rester leur domaine professionnel. Le mouvement ne date pas de 2019. Il est bien plus ancien.

A considérer les méthodes suivies par la majorité des scientifiques professionnels dans la crise de la Covid-19, et pas seulement en France, on constate et déplore l'absence presque générale du moindre esprit scientifique. Cela démontre que le problème n'est pas limité aux insuffisances en mathématiques en classe de Quatrième, en France et en 2019.

Ce n'est pas en empilant des faits improuvés, des idéologies délétères jamais critiquées, qu'on fait de la science. Mais, si on n'a jamais appris cet esprit scientifique fait de rigueur, de respect de la réalité, des méthodes de démonstration et de vérification, la critique des théories et tant d'autres choses qui doivent animer une véritable instruction, ... Aussi, le problème de la formation en mathématiques en classe de Quatrième n'est il pas apparu en France et en 2020. Il est largement répandu dans le monde et depuis des années.

Notes

[1] Mathématiques : la France, dernière élève des pays développés, Le Monde du 8 décembre 2020.
Mathématiques : un niveau en baisse et "inquiétant" au collège, Le Figaro du 8 décembre 2020.
Niveau des élèves en maths, l'enjeu de la formation des professeurs pour relever la tête, La Croix du 8 décembre 2020.

[2] On met au programme de Physique de terminales un effet semi-conducteur pour des élèves qui ignorent la conduction métallique. C'est une notion de plus empilée sur un "socle de connaissances" ruiné.

[3] Maxime Tandonnet, Maths et sciences, la grande débâcle