Géopolitique. L'Ukraine entre Davos et Washington

Philippe Brindet - 7 Juin 2022

L'opération spéciale de la Russie contre le régime ukrainien est l'occasion pour le régime occidental de tenter de déstabiliser l'empire russe en phase d'ascension.

C 'est certainement ce qu'ont compris les oligarques de Davos rejoint quinze jours plus tard par ceux de Washington. A Davos, les affidés du World Economic Forum [1] et à Washington les Bilderberg Meetings [2]. Les deux avec l'inaltérable Henry Kissinger. Parce que, sans le savoir les mondialistes sont en réalité des croyants d'une civilisation américaine à bout de souffle. A parcourir la liste de leurs participants ou intervenants, les deux rituels occidentalistes - plus que mondialistes - sont identiques. L'un est relativement public (Davos), l'autre (Bilderberg) reste secret. Ou discret si vous préférez. Dans les deux réunions, vous trouvez à la fois des politiciens, des fonctionnaires d'état ou d'organisations et des affairistes. Quelques "universitaires" comme Kissinger, même s'il a passé l'âge ...

Pourquoi deux réunions sur le même sujet : comment étendre l'empire du régime occidental ? Et avec quasiment les mêmes participants.

Je n'ai pas de réponse. En faut-il ? Après tout, si. La Russie a répondu à la question par la contestation : l'opération spéciale en Ukraine de l'armée russe. Soutenue par la Chine et l'ensemble des Etats qui ne sont pas entièrement soumis au régime occidental. Soit les 2/3 et plus de la planète, comme un déni aux prétentions mondialistes de Washington ou de Davos. Et sachant que l'opération spéciale en Ukraine n'est qu'un avertissement au régime occidental : l'empire ne doit pas avancer davantage. Derrière, il y a la montée en puissance de l'empire musulman - la oumma - l'expression de la puissance chinoise toujours croissante, et la montée du groupe disparate de l'Afrique, du continent indo-asiatique et de l'Amérique latine.

L'actuelle domination américaine est finissante

L'Empire occidental a une force : il est ou se croit riche. Mais il est divisé en deux parts :

  1. les Etats-Unis qui sont quasi auto suffisants. Ils ont abandonné l'industrie à la Chine, pensant la façonner en succursale détenue par Wall Street. Cà n'a pas fonctionné. Mais, les Etats-Unis pourraient avoir conservé encore la puissance pour relocaliser la plus grande partie de l'industrie dont ils ont besoin. Et en tenant compte du fait qu'ils sont - à leurs erreurs près - auto-suffisants en matières premières, tout ce qu'ils gagnent en dehors est du bénéfice net pour eux.
  2. L'Europe et quelques satellites comme l'Australie, sur l'ordre des Etats-Unis, ont eux aussi abandonné l'industrie à la Chine. Mais, à quelques rares secteurs près, les Européens et autres vassaux des Etats-Unis, ont perdu la puissance de se ré-industrialiser. L'Amérique sera-t'elle capable de vendre des produits finis ou semi-finis aux vassaux occidentaux ? Ce n'est pas certain. D'autant que l'Europe n'a pas de ressoruces de matières premières, une agriculture en pleine récession et très peu de cadres susceptibles de réaliser une industrialisation.

Jusqu'à présent, une bonne partie des matières premières utilisées par les vassaux américains provenait de Russie. La Guerre en Ukraine que l'empire occidental fait à la Russie - et que la Russie désigne comme une "opération spéciale" - a permis aux maîtres de l'Empire de fermer l'approvisionnement des vassaux américains. Il va nous falloir manger "moins" ... Or, il semble que ces mêmes vassaux n'aient pas encore compris le but de la Guerre à la Russie. Ils sont encore persuadés qu'il s'agit d'une manoeuvre géopolitique très élaborée pour faire s'effondredr le régime russe. Existe-t'il une chance pour que cette manoeuvre réussise ?

Actuellement, le plan américain n'a aucune chance de succès contre Poutine. Parce que la position géopolitique de la Russie est quasiment identique à celle de la Chine. Et que le groupe de l'Inde, de l'Afrique et d'Amérique latine semble se ranger derrière eux. De ce fait, la Russie peut facilement transférer le flux de matières premières qu'elle produit de l'Europe vers ses alliés. Les "sanctions de la Guerre en Ukraine" ne détruisent que l'Europe.

Le monde multipolaire souhaité par les Russes pourrait être très compliqué ...

Mais, le problème de la Russie est double ici :

  1. Le premier problème, c'est que la Chine semble encore tenir à vendre ses produits finis à l'Amérique et, tant qu'elle peut payer - à l'Europe. De ce fait, la Chine a une géopolitique convergente avec la Russie sur la géopolitique multipolaire, mais aussi avec les USA, comme fournisseur de l'Empire occidental. De ce point de vue, la Chine est autant l'allié de l'Amérique que de la Russie, sachant que quand elle achète100 à la Russie, elle vend 1000 à l'Amérique. L'alliance entre la Chine et la Russie contre l'Empire occidental a donc ses limites.
  2. Le second problème, c'est que la Chine a un régime communiste, maoïste. Sa "conversion" au capitalisme de marché n'a convaincu que de rares gogos à Wall Street. Les autres ont surtout accueilli avec discrétion l'immense puissance corruptrice des élites chinoises, essentiellement membres du Parti Communiste Chinois. Plusieurs procès retentissants aux USA ont démontré l'étendue de cette corruption des administrations (Fauci, Collins, ...) et des entreprises américaines. Et plus encore, la corruption des universités américaines (Lieber, Baric, ...). Dans les efforts corrupteurs de la Chine, quelle place peut avoir la Russie ? Aujourd'hui, nous l'ignorons complètement. Tout en étant certain que Poutine ne l'ignore aucunement ...

Pour ces diverses causes, l'hégémonie chinoise pourrait se dissoudre dans le néant. Clairement, dans la barbarie. Du crédit social et des distanciations sociales décrétées par le Traité "pandémie" de l'OMS "chinoise".

C'est alors le lieu de revenir au problème de l'Ukraine. Formellement, il est créé par la Russie, le 24 Février 2022, lorsque ses troupes franchissent la frontière ukrainienne au Nord, à l'Est et au Sud, sur plus de 2.000 kilomètres. Malheureusement pour la "narration" occidentale qui voudrait en rester là, il faut remonter au coup d'état de 2014 où les Etats-Unis mettent en place à Kiev un gouvernement fantoche suite à une manifestation pouplaire qui doit énormément à des milices néo-nazies, encadrées par les services spéciaux allemands. Pour des raisons historiques, l'Ukraine est composée de deux moitiés : l'une russe, l'autre "polonaise". C'est dans cette seconde que s'est constituée une tradition d'une barbarie remarquable, d'abord le "bandérisme", puis le "néo-nazisme" qui emprunte à l'hitlérisme sa haine des russes, estimés membres d'une "race inférieure".

La Russie de Poutine, avec le concours de l'Allemagne et de la France, était parvenue à négocier un statut particulier pour l'Est russophone de l'Ukraine. Ce furent les accords de Minsk que le régime ukrainien, sur l'ordre de Washington, considéra comme lettre morte. Et depuis 2014, au moins 12 millions de Russes du Donbass sont soumis aux exactions, terrorismes et bombardements des "bandes ukro-nazies", sans que personne en Europe même ne daigne s'en soucier.

La corruption occidentale

Une autre caratéristique du régime ukrainien est sa complète corruption par les menées américaines. S'est illustré dans cette corruption l'actuel Président Biden qui, par l'intermédiaire de son fils Hunter et des sociétés de ce dernier, se fait "ristourner" une part de l'aide américaine envoyée à Kiev depuis 1993. De fait, cette corruption simplement américaine a besoin de la corruption de gens installés en Ukraine jusque dans les couloirs du gouvernement de Kiev pour ne pas gêner le cycle de la corruption américaine. Ces gens ont constitué une oligarchie d'une corruption sans égale et qui occupe également les postes gouvernementaux depuis la présidence jusqu'aux "gouvernorats" de régions.

Ce qui caractérise donc le régime occidental, c'est sa corruption inégalée dans l'Histoire moderne. Si le Vingtième siècle a vu la fin de la vertu républicaine en occident, le Vingt-et-Unième siècle est celui de l'avènement de la corruption sous toutes ses formes. Principalement en Occident. Et accessoirement en Chine. La question de la coopération entre les deux corruptions renste entière.

Alors même que la Russie de 1999, avec l'avénement de Poutine, était parvenue à se dépétrer de la corruption en éliminant les américains corrupteurs dans l'Etat et en plaçant les oligarques en position de se retirer du contrôle de l'Etat ou de prendre le chemin de l'exil. Ce que firent les Berezhovsky et autres Abramovicz. Souvent à Londres. Mais cette corruption occidentale pourrait aussi mettre fin à l'hégémonie américaine quand elle se dissoudra dans la barbarie à laquelle se promet l'hégémonie chinoise, rappelée plus haut.

Le noeud proche du confltt ukrainien

Il faut dire ici un mot du problème de l'avancée de l'OTAN vers le glacis russe. Il s'agit de l'expression ancienne de la notion de blocs ou d'empires en face à face. Or, la Russie aujourd'hui se moque éperduement que des bases militaires se trouvent à 10, 100 ou 1.000 kilomètres de ses frontières. Elle serait mieux à son aise sans bases militaires adverses à ses frontières. Mais depuis peu, la Russie dispose d'armes sans égales en occident et qui sont capables de pulvériser ces bases avant même qu'un avion ou un missile américain ou otanesque n'ait décollé.

En réalité, le problème que la Russie rencontre avec l'Ukraine ne se limite pas au risque pour elle que l'Ukraine rejoigne l'OTAN. Mais la Russie comprend bien que, quand l'Ukraine aura rejoint l'OTAN, la Russie sera empêchée d'intervenir pour protéger ses populations russes d'Ukraine. Or, aujourd'hui, protéger les populations russes d'Ukraine signifie pour la Russie s'emparer de l'intégralité des côtes maritimes de l'Ukraine. Et donc de renforcer sa capacité maritime à déployer des flottes de commerce, de pêche et militaire dans la Méditerranée. Malgré la Turquie. Si vous considérez la carte de l'Ukraine, vous constaterez que la région russophone ne se limite pas au Donbass, mais s'étend jusqu'à Odessa et remonte ensuite en Transdniestrie sur l'Est de la Moldavie. La Russie tiendra alors le commerce international de l'Ukraine et se trouvera en position de force pour faire respecter les populations russes d'Ukraine quelque soit le statut que ces populations choisiront ou se feront dicter.

A priori, les occidentaux ont perdu la guerre d'Ukraine qu'ils n'ont pas livrée et la Russie pourrait ne pas remporter le succès de son "opération spéciale". Les premiers auront perdu parce qu'ils sont corrompus et les seconds pourraient ne pas gagner parce qu'ils ont le droit pour eux.


Notes et commentaires

[1] Davos 2022: Who's coming and everything else you need to know :

The meeting is centered around the theme History at a Turning Point: Government Policies and Business Strategies.

[2] 68th Bilderberg Meeting to take place 2 - 5 June 2022 in Washington, D.C., USA : programme - liste d'invités.


Revue C-Politix (c) 2 Juin 2022