Guerre Russie contre Etats-Unis - Un point au 25 mars 2023

Philippe Brindet - 25 Mars 2023

1 - Nouvelles sur le terrain

On sait trois choses à peu près sûres, deux choses indécises et deux choses incertaines ...

  1. Face à Kharkov,

    dans la partie la plus au nord de la ligne de front, l'armée russe exerce une forte pression de sorte que sa poussée vers l'ouest est continue sur près de cent kilomètres de front. C'est la zone où une poussée en colonnes de l'Otan avait fait brusquement retraiter l'armée russe. Cette retraite rapide n'a probablement pas affaiblies les forces russes qui,depuis deux semaines, ont entrepris une avancée méthodique selon leur tactique d'artillerie. La poussée est sur un front si étendu qu'on peut supposer que le but n'est pas encore Kharkov. On note qu'un chaudron serait en cours de formation autour de Seversk.

  2. Le chaudron de Artemyovsk (Bakhmut),

    n'est toujours pas refermé. Selon la propagande otanienne, quelques milliers de combattants sont retenus dans le chaudon depuis que les mercenaires Wagner ont pris le contrôle de la dernière route. Mais, la propagande otanienne indique qu'une dizaine de milliers de troupes fraîches se préparent à un assaut pour libérer le chaudron. La qualité de la coopération entre le groupe Wagner et l'armée russe régulière est mise en doute, notamment par des récriminations du propriétaire de Wagner, le picaresque Prigojine. Notamment, le rapport quotidien du Ministère de la Défense russe ne tient aucun compte du chaudron de Artemiovsk, axe de travail du groupe Wagner. Cependant, le chaudron permet de "consommer" des forces otaniennes.
  3. Le chaudron d'Adievka,

    plus au sud de Artemiovsk, le chaudron de Avdievka s'est constitué il y a peu. Deux semaines environ. Les combats y sont violents et les mâchoires Nord et Sud de ce chaudron prennent de plus en plus d'extension. A quelques kilomètres de Donetsk, quotidiennement bombardé par l'Otan, le chaudron d'Adievka devrait permettre de deserrer la pression otanienne sur la ville. A plus grande échelle, lorsque les deux chaudrons d''Artemiovsk et de Adievka seront fermés, ils pourraient constituer les mâchoires Nord et Sud d'un nouveau chaudron plus large sur Barkhinove.

  4. Voilà pour les trois choses "sûres".

  5. Les combats autour d'Ugledar,

    sont encore très indécis. Les russes ont progressé, mais la résistance otanienne est encore très importante avec quelques contre-offensives à l'échelle d'une compagnie et d'une dizaine de véhicules blindés. Le rôle d'Ugledar dans la stratégie russe n'est pas encore visible. Il semble que la tactique russe n'utilise que très peu l'avancée par "flèche" au profit d'un grignotage sur un front très étendu.

  6. Les combats au sud de Zaporije

    Il existe des combats constants d'une amplitude inconnue dans la région d'Orhikiv, à 60 kilomètres au sud-est de Zaporijie, toujours tenue par l'Otan. Cette partie de font est encore à 60 kilomètres environ de la frontière de l'oblast de Zaporijie dont les Russes n'occupent que la partie sud. On note les annonces de plusieurs petites contre-offensives ukrainiennes la semaine passée dont plusieurs se sont révélées des opérations de propagande. A priori, la conquête russe de la partie nord de l'Oblast de Zaporijie serait pour plus tard.

  7. Voilà pour les deux choses indécises.

  8. Les menaces sur la centrale de Energodar,

    Elles ont été permanentes jusqu'au mois de janvier 2023 avec des assauts par le Dniepr de troupes de marine otaniennes souvent encadrées par des commandos britaniqiues.Il ya en permanence une pression par artillerie de l'Otan sur la centrale qui a été déconnectée du réseau ukrainien. Des doutes sur la maintenance de la centrale sont exploités périodiquement par l'occident. Il faut savoir que la centrale de Energodar a été construite et maintenue par la Russie, l'Ukraine n'étant qu'un exploitant sans compétence nucléaire.

  9. Le front de Kherson et la fameuse offensive de l'Otan sur la Crimée,

    actuellement, se limitent à des escarmouches avec quelques tentatives de franchissement du Dniepr et des bombardements d'artillerie. La presse occidentale indique que l'armée russe construit des fortifications entre le fleuve Dniepr et la Crimée pour contrer une éventuelle offensive otanienne tentant de reprendre la Crimée à 70 kilomètres au sud du Dniepr. Il faut remarquer que la Crimée est rattachée au continent par deux isthmes de moins de 10 kilomètres de large à Salkhove et Armiansk. Une telle offensive otanienne obligerait les russes à redescendre beaucoup de troupes vers le sud, même si le succès d'une telle offensive paraît improbable.

  10. Et voici pour les deux choses incertaines.

2 - Le renforcement de l'alliance Russie - Chine

La volonté des Etats-Unis d'isoler la Russie pour la rendre impuissante dans une guerre importante vient une fois de plus d'être découragée par la visite du Président Xi à Moscou. Les liens entre la Russie et la Chine se sont considérablement renforcés. La Chine continue de promouvoir la paix, parce que la guerre actuelle réduit ses ambitions industrielles. Mais, la Russie est loin d'avoir atteint ses buts de guerre et la Chine peut trouver un avantage certain à l'affaiblissement des Etats-Unis consécutif d'une part à son effort de guerre en Ukraine, et aux conséquences désastreuses des sanctions contre la Russie, sanctions qui se retournent contre l'économie occidentale.

Même si les Etats-Unis vitupèrent une éventuelle aide matérielle de la Chine à l'effort de gerre russe, cette aide est probable, de même que la coopération entre la Russie et l'Iran. D'ailleurs le rapprochement Iran - Arabie sous l'égide de la Chine quelques jours avant la visite de Xi à Poutine est un autre piège qui affaiblit l'occident.

Mais, le fait le plus saillant de l'alliance Russie - Chine est la constitution de plusieurs blocs capables de s'allier à l'occasion contre la puissance américaine. La Russie, forte du soutien explicite de la Chine et de l'Iran, et du soutien implicite de l'Inde, de l'Arabie et de l'Afrique, mais aussi d'une part importante de l'Amérique du Sud, a certainement placée la géopolitique américaine dans une grande faiblesse.

3 - L'occident américanisé et son but de guerre

Le but de guerre de l'occident américanisé est d'abord d'intégrer pleinement l'Ukraine à la sphère occidentale - Union Européenne + OTAN - en "terminant" les effets du coup d'état de Kiev de 2014. Le déclenchement des hostilités du 24 Février 2022 par la Russie est clairement dans le sens de la géopolitique américaine d'obtenir un conflit armé pour écraser le régime russe. En réalité, Poutine ne pouvait plus faire autre chose que d'envahir l"Ukraine, ce qui a été une grande victoire de la géopolitique américaine.

Le problème des américains, c'est d'avoir méprisée la puissance de la Russie et sa capacité à utiliser au mieux ses alliances. Les américains ont par ailleurs sous-estimée la décadence économique, financière et militaro-industrielle de l'Europe. Les moyens militaires de l'Europe ne lui permettent pas une participation active au conflit, lui interdise une extension de l'agression russe. Les moyens économiques de l'Europe ne lui permettent pas d'aider l'Ukraine au-delà d'un effort faible et probablement peu durable. Pire, les sanctions économiques imposées par l'administration américaine à la Russie frappent d'abord l'Europe, l'Allemagne notamment. Plus grave, ces mêmes sanctions et les difficultés des européens frappent indirectement les Etats-Unis qui sont entrés dans une crise économique et financière grave.

Le jeu de la Russie semble être de faire durer le conflit en Ukraine pour épuiser les ressources de l'occident américanisé. Pour celà les forces russes doivent consommer le plus de moyens militaires et civils de l'Ukraine pour forcer les occidentaux à soutenir financièrement et industriellement l'Ukraine, sans aller jusqu'à un engagement militaire. Si, cependant, une telle extension était appliquée par l'occident américanisé, la doctrine nucléaire russe est que le feu nucléaire est déclenché dès lors que le territoire de la Fédération de Russie est menacé. Cette menace serait très vite atteinte dans les circonstances actuelles.

Notamment, la livraison de munitions à uranium appauvri par la Grande-Bretagne avec ses chars Challenger serait tenue pour une menace directe au territoire de la Fédération de Russie qui a déjà protesté contre cet emploi.

4 - Les rumeurs de négociation

La Chine s'est interposée avec un plan de paix en Ukraine. Ce plan aurait été rejeté par l'administration Biden. Cependant, le Secrétaire d'Etat Blinken aurait déclaré que la guerre ne permettra pas à l'Ukraine de récupérer la Crimée. Peut-être entend il que la Crimée sera récupérée par la négociation ? On peut en douter. De même que les quatre oblasts du Donbass encore partiellement sous occupation russe. On sait de déclarations récentes du ministre russe des Affaires Etrangères que la dotation de l'Ukraine par l'OTAN d'armes à longue portée contraint la Russie à occuper au moins 400 kilomètres de territoire au delà du Dniepr ...

Par ailleurs, Zelinsky est à la fois dans la main des américains qui ont besoin de son bellicisme et sous la menace de l'extrême-droite ukrainienne qui a menacé de le pendre s'il négociait avant la reprise de la Crimée ...

Les buts de guerre de la Russie sont certainement de prendre entièrement les quatre oblasts déjà occupés partiellement, et de fermer l'accès de l'Ukraine à la Mer Nore avec la prise d'Odessa, ce qui permet de raccorder la Transnistrie pro-russe à la Russie. Enfin, la conquête du Donbass exige la prise de Kharkov au Nord jusque très près de Kiev. Or, la Russie est très loin d'avoir atteint ces limites, même si la fatigue de guerre faisait s'effondrer l'Otan.

La Chine contraindra t'elle la Russie à négocier avent cette fin ?


Revue C-Politix (c) 25 Mars 2023