Guerre en Ukraine. C'est toujours l'arrière qui craque

Philippe Brindet - 12 Février 2023

Quand on décrypte la presse occidentale sur la Guerre en Ukraine, il faut vraiment "lire entre les lignes".

Notre analyse de la situation géopolitique nous conduit à déterminer que les Etats-Unis conduisent de très loin une guerrre contre la Russie sur le territoire ukrainien. Dans cette guerre, les Etats-Unis disposent du contrôle presque total du régime ukrainien. comme interface à ce contrôle, les Etats-Unis ont installé un acteur de jeux télévisés capable aussi bien de jouer le rôle "convenable" d'un président de la République que celui d'un chef de milice d'étrangleurs. Pour surveiller et exciter ce meneur de plateaux TV, les américains contrôlent le gouvernement de l'Union européenne et les gouvernements des Etats membres et des satellites comme le Royaume-Uni ou la Suisse.

Le problème de ces "gouvernements" fantoches, c'est qu'ils ne sont mis au courant de presque rien. Ils savent une seule chose. Si l'un d'entre eux veut avoir une chance de toucher sa retraite de chef d'Etat, il va devoir "devancer" les souhaits inconnus de ses maîtres américains. Une telle situation des exécutifs vassaux est absolument intenable si "on" ne contrôle pas la presse et autres médias. Et le régime américain contrôle la presse et autres médias. Il faut non seulement animer l'opinion publique [1], mais plus encore, déterminer les comportements politiques et sociaux des peuples occidentaux vassalisés [2].

L'affaire Seymour Hersh

Il y a quelques jours le journaliste américain Seymour Hersh, révèle sur son site personnel que le sabotage des gazoducs russes de la Baltique le 26 Septembre 2022 est l'oeuvre de troupes spéciales américaines sur ordre de l'administration Biden [3].

Quelques heures après sa publication "confidentielle", de courts articles quasiment identiques [4] paraissent dans la presse officielle occidentale. Dans ces articles de censure, le public est averti que, bien que très connu, le journaliste Seymour Hersh est un "journaliste controversé", qu'il ne cite qu'une seule souce et qu'il n'a pas publié dans un média autorisé. Ce qui est rapporté sur ce que dit Seymour Hersh se limite à son attribution - "fantaisiste" ou "complotiste" selon les médias - du sabotage NordStream à l'administration Biden.

Le problème de cette critique sans preuve c'est que :

  1. Seymour Hersh est un journaliste de 85 ans qui n'est plus en activité. C'est sa passion de la vérité qui lui fait publier sur son site personnel quelques études de temps à autre. D'ailleurs, son étude est reprise par The Times et par La Stampa. Il n'est donc pas vrai que personne dans la presse officielle ne prend au sérieux l'analyse de Hersh.
  2. Le fait de "ne citer qu'une seule source" est systématique dans les usages de la presse lorsque l'on parle d'informations secrètes. Les exemples de telles pratiques sont permanentes dans la presse libre, mais aussi dans la presse du régime qui en abuse. C'est une chose qui exaspère le régime occidental, mais la protection des sources sur des informations secrètes est une condition indispensable de la liberté de la presse. Il n'est donc pas possible à Hersh de citer ses informateurs. Mais, contrairement à ce que les adversaires de Hersh colportent, la source de l'information de Hersh est loin d'être unique. Hersh n'a même pas écrit que sa source était unique d'une part, mais plus encore, il a d'autre part utilisées les déclarations publiques de Joe Biden, de Victoria Nuland, de Anthony Blinken, et de Jack Sullivan que se sont vantés de ce "fait d'armes".
  3. Les démentis de l'administration Biden ainsi que les sacarsmes qu'ils ont vidé sur la tête de Hersh - informations fausses, propagande russe, complotiste - pourraient suffir à démontrer que Hersh a raison.

En réalité, il s'agit bien de la part des maîtres de l'Occident d'un activisme brouillon comme titré dans notre article précédent. En effet, le gazoduc NordStream a bien deux extrêmités :

  • l'extrêmité Nord est tenu par la Russie qui ne peut plus vendre son gaz à l'Allemagne et financer ainsi son effort de guerre contre l'Amérique ;
  • mais l'extrêmité Sud est tenue par l'Allemagne, qui comptait acheter leur gaz aux russes. Des Allemands sans gaz russe qui doivent désormais acheter du gaz liquéfié trois fois plus chers aux Américains, ce qui conduit à les aider à financer leur guerre contre la Russie !

Tant que l'Allemagne se comporte en Etat vassal des Etats-Unis, tout ira bien parec que l'Allemagne finira par admettre qu'elle ne peut servir deux maîtres .... Mais, les industriels allemands commencent à trouver bizarre de devoir financer le complexe militaro-industriel de Washington. Et Scholtz, le faible chancelier qui a succédé à Merkel qui ne savait jamais quoi faire de plus pour servir les américains, a emmené ses industriels en Chine. Pour avertir Washinton peut être que la servitude a ses limites. Ainsi, plus que jamais, Washington ne peut pas se permettre de défier la faible Allemagne en acceptant l'analyse d'un Seymour Hersh.

L'affaire des armes lourdes à fournir en Ukraine

Les fournitures d'armes à l'Ukraine sont majoritairement le fait des Etats-Unis. Mais, l'Union européenne et ses satellites comme le Royaume-Uni, suivent servilement leur maître américain en ajoutant leurs productions locales et épicées ...

En réalité, si l'Amérique est riche, très riche, ses vassaux le sont beaucoup moins. Et notamment, les pièces de rechange et les munitions pour faire fonctionner ce qui a déjà été livré aux bandes armées ukrainiennes et qui n'a pas été détruit par les russes ou revendus par les gangsters ukrainiens s'épuisent rapidement. Dans la deuxième guerre mondiale, les matériels de guerre étaient techniquement bien plus proches de l'industrie civile. De ce fait, il était possible de convertir rapidement une usine de machines agricoles en fabriquant de véhicules blindés. Et ainsi de suite. Le problème, c'est que si l'industrie civile s'est beaucoup développée, l'industrie militaire a utilisé les derniers progrès techniques, de sorte qu'elle est devenue presque étrangère à l'industrie civile qui ne peut plus techniquement prêter la main à l'industrie de l'armement.

Ceci explique une bonne part du ridicule épisode dit "des chars lourds". L'occident a produit plusieurs types de chars de bataille pesant jusqu'à 80 tonnes. L'Ukraine disposait de plus de 4.000 chars. Mais beaucoup ont disparus en 12 mois de bagarres. Le comédien Zelinsky est donc venu mendier des chars à droite et à gauche. La quête a été pitoyable [5].

Les américains - qui ne sont pas un "régime" si homogène qu'on veut bien en croire - sont partagés. Des chars lourds et modernes ne s'emploient pas comme des pickups bricolés avec une vague mitrailleuse fixée par deux parpaings sur le plateau arrière. En particulier, alertés par les Russes, les Américians se sont rendus comptes que ces chars qu'ils voulaient forunir à l'Ukraine utilisaient des blindages en uranium radioactifs. Et les Russes ont prévenus qu'ils tenaient de tels dispositifs comme des bombres nucléaires. Résultat, les américians vont devoir "cannibaliser" leurs chars Abrams pour qu'ils aient des blindages non radioactifs. Du coup, on en prévoit 37 et pas maintenant parce qu'il faut encore les fabriquer ...

Mais, dans le mouvement, les Américains avaient "activés"' l'un de leurs agents dans la Chancellerei, la "ministre" des Affaires Etrangères, Baerbock, qui a donné l'ordre de fournir les meilleurs chars lourds allemands aux Ukrainiens. Stupéfait, Scholtz a temporisé tant qu'il a pu, puis débordé [6], il a fini par accepter de livrer des Leopard II dernier cri. En fait, les Leopard II ont été utilisés au combat en Syrie par l'armée turque et çà n'a pas été un succès. Il n'est pas certain que les ukrainiens soient meilleurs que les turcs dans l'emploi d'une arme moderne. Et la réputation du Leopard II pourrait bien en souffrir.

De fait, l'Allemagne a annoncé livrer 92 chars Leopard II. Mais pas tout de suite. Alors pour attendre, elle livrerait des Leopard I, mais en plus grand nombre - 191. L'ennui, c'est que ces chars sont complètement dépassés. Pire, ils rouillent dans des entrepôts civils et il faut les remettre en état de marche.

La France qui a commencé par promettre des chars légers (AML-10 à roues ...) pour se débarrasser de stocks difficiles à gérer, parle de livrer une douzaine de chars Leclerc. Mais là aussi, l'Armée française a déclarée qu'elle était en sous-effectif de chars et que cela se faisait au détriment de la Défense nationale ...

La Grande-Bretagne livre sans état d'âme des chars Centurion qui devraient arriver courant Mars 2023 sur le champ de bataille. Mais en nombre très limité. D'autres Etats occidentaux : Pologne, Danemark, Espagne, ... livre quelques dizaines de chars Léopard II.

Le problème des chars lourds, c'est qu'il faut un peu de temps pour former les équipages. Surtout, il s'agit d'un système d'armes qui coopèrent avec de l'aviation tactique et surtout de l'infanterie portée. Or, en dehors des USA, les occidentaux n'ont pas beaucoup d'avions tactiques à offrir et la formation des pilotes et techniciens est encore plus longue que pour les chars. Un F-16 est très bien pour ce rôle. Mais, les USA ont dit non. Et Musk commence à se lasser que les Ukrainiens utilisent sa constellation de satellites pour bombarder à tout va des civils.

Un autre problème réside dans la faiblesse de la non-belligérence des occidentaux. Livrer des munitions est une chose, former des tankistes et des pilotes en est une autre. A quelle étape de la progression de l'implication occidentale dans le conflit ukrainien la Russie déterminera que l'occident - Otan, Europe et USA - se trouve en état de guerre ? Nul ne le sait. Mais, la situation devient de plus en plus inconfortable en Europe. La question de savoir si nous sommes en paix ne se pose plus. Dorénavant, c'est celle de savoir si nous sommes en guerre qui se pose. Selon la bonne vieille habitude historique, c'est quand les chars et les avions russes se trouveront dans l'espace européen que nous nous en apercevrons. Au passage - et sauf épisode manqué de ma part - la Russie et l'Ukraine ne se sont toujours pas "déclarées la guerre".

Un autre point de vue repose sur la faiblesse économique et militaire de l'Europe. L'Europe n'a pas les moyens d'une guerre générale. Elle n'a pas ceux d'un soutien militaire suffisant de l'Ukraine. Si l'Europe s'effondre militairement, l'Ukraine ne devrait plus pouvoir se maintenir.

C'est toujours par l'arrière que les guerres se perdent.





Notes

[1] L'animation, contrôle et expression, de l'opinion publique est une technique qui s'est dévelopée dès le XIX°siècle et a certainement atteint son apogée dans les années 1980. De fait, l'immense majorité des gens soumis à la propagande du régime américain ne forment plus l'opinion publique. Elle est formée et exprimée pour leur compte par les médias appartenant au régime américain.

[2] Depuis les années 1990, nous sommes passés dans un tout autre registre du contrôle de l'opinion publique. Il s'agit aujourd'hui du contrôle des actions sociales et politiques des individus, déjà dépossédés de leur "opinion publique". Pour celà, à la propagande d'Etat il a été ajoutée une censure inimaginable pourtant à la fin du XX° siècle. Dans ce système "bouclé" qui a été formé dans les sociétés vassalisées en Occident, l'action est basée sur la bonne vieille propagande, mais avec des moyens nouveaux comme l'Internet. Et elle est complétée par une "réaction" : une censure qui permet d'éliminer toute contestation et toute possibilité légale de la mise en place d'une autre politique ou d'autres usages sociaux. Cette censure se base notamment sur l'espionnage systématique de toutes les communications, même des plus anodines. Cette censure a été révélée, notamment en 2013 par le lanceur d'alertes Edward Snowden, depuis réfugié en Russie et devenu l'an dernier citoyen russe. Snowden a révélé "la captation des données de connexion des appels téléphoniques aux États-Unis, ainsi que les systèmes d’écoute sur Internet des programmes de surveillance PRISM, XKeyscore, Boundless Informant et Bullrun du gouvernement américain, mais aussi les programmes de surveillance Tempora, Muscular et Optic Nerve du gouvernement britannique. ".

[3] Lire notre article : Revue C-Politix, 10.02.2023, L'activisme brouillon des USA : un gazoduc saboté. L'article de Hersh est https://seymourhersh.substack.com/p/how-america-took-out-the-nord-stream

[4] Lire :

Cependant, beaucoup de médias connus refusent de référer à l'article de Hersh, bien qu'il ait été publié par La Stampa et The Times.

[5]

[6] Olaf Scholz furious after minister 'went behind back' over Ukraine tanks, The Telegraph, 09/02/2023.


Revue C-Politix (c) 10 Février 2023