L'Europie et le Brexit

Philippe Brindet - 27 Décembre 2020

Dans une forme d'indifférence générale, le Royaume-Uni "sort" de l'Union Européenne sur un accord de 1500 pages qui impose des contraintes administratives sans fin aux deux parties, très fières d'être parvenues à "négocier" un tel "accord" juste avant la date limite.

Pourquoi le Brexit ?

Suite à un mouvement populaire qui culmine avec un référendum "gagné" par le dit mouvement populaire, le Royaume-Uni engage les "négociations" pour sortir selon le Traité européiste de l'Union européenne. La cause du Brexit ne se trouve donc pas dans la politique réelle du Royaume-Uni. Encore moins dans celle de l'Europie. Elle se trouve dans l'opinion publiique qui ne supportait plus les tracasseries sans fin imposées par l'Administration bruxelloise et qu'il lui semblait retrouver dans sa propre Administration.

Sortir de l'Europie, pour l'opinion publique du Royaume-Uni, c'était retrouver la liberté britannique après la tyrannie bruxelloise. Ceci a été labelisé comme une manifestation souverainiste. Ce n'est pas faux. Mais, ce n'est qu'un mot sur l'étoffe duquel il faut beaucoup tirer pour recouvrir la nudité de la réalité.

Très clairement, les politiciens et les hommes d'affaire britaniques n'avaient aucune envie de sortir de l'Europe. Il a fallu la "brutalité" d'un Boris Johnson, pour sortir de l'impasse de politiciens mandatés par le pouvoir économique pour faire traîner, et si possible échouer, le processus de sortie. Pourquoi Johnson a t'il pris la position souverainiste ? Son parti est très loin d'être souverainiste, même si quelques représentants appartiennent au mouvement souverainiste. Ils sont rares.

Le problème de Johnson, c'était de faire une politique qui ne ressemble pas trop à celle du parti "adverse", le Labour, une politique pro-atlantiste et donc pro-européenne. Parce que la première caractéristique de l'UE, c'est d'être une institution dérivée de l'OTAN. Ou de l'OCDE, la différence n'est que formelle. Et quoi de mieux que de faire ce que veut toujours l'opinion publique britannique : le Brexit. Alors, contre son propre parti, contre la politique désirée par le Labour, Johnson a "fait" le Brexit. Probablement contre son opinion personnelle.

Or, le problème essentiel qui a motivé l'opinion publique a été taxé de souverainisme. C'est probablement faux, sauf peut être à un aspect de gloire nationale qui resterait encore vivace en Grande-Bretagne. On parle anglais partout dans le monde. N'importe quel homme du peuple britannique ne peut qu'être fier de sa langue. Et donc de son pays. Mais, c'est de la "gloriole". Ce n'est pas le mobile essentiel. Le mobile essentiel est celui de la bureaucratie, c'est-à-dire non seulement de la dictature d'une caste de fonctionnaires, mais aussi d'un tsunami de réglementations, toutes plus contraignantes les unes que les autres que les britanniques ont porté au débit de la réputation de l'UE en exigeant et en soutenant le Brexit.

Les français n'ont pas une opinion bien différente. Seulement, la dictature de l'administration est chez nous peut être encore plus forte qu'au Royaume-Uni. Du moins, il n'existe pas chez nous un Boris Johnson capable de porter le mobile essentiel de l'opinion publique contre la dictature administrative. Probablement parce que, plus qu'en Grande-Bretagne, la classe politique française est définitivement issue de la caste administrative dont elle sert les intérêts au détriment des intérêts du peuple. Et les intérêts de la caste administrative française passent par Bruxelles.

Comment le Brexit ?

L'opinion publique britannique après avoir demandé ce Brexit, va certainement déchanter.

Pas du tout pour la raison qu'un cacique de Bruxelles, le "français" Barnier, leur suppose. Les Britanniques ne vont perdre aucun des "avantages" de l'Union européenne, parce que les 1.500 pages du traité euro-britanique y veillent. Et toute la classe politique britannique, férocement attachée à l'Europie. Et toute la caste administrative britannique, férocement attachée à l'Europe.

Ce que l'opinion britannique va découvrir c'est que, malgré le Brexit, la cause du Brexit n'aura changée en rien. Les Britanniques vont se réveiller avec exactement la même marée de réglementations stupides que la veille du Brexit. Ces réglementations se trouvent simplement toutes transférées dans l'accord de "sortie". Et dans les gènes de la caste administrative britannique.

La seule chose qui va changer, ce sera, vu à courte vue, le responsable de la dictature administrative. C'était l'Europe à Bruxelles. Ce sera Londres.

Oui bien sûr, il y aura des changements. Quelques sociétés internationales - beaucoup moins qu'on ne le croit sur le "Continent" - vont quitter la "City". Les transporteurs routiers vont faire la queue devant des douanes peut être un temps dépassées par l'événement. Les destroyers de la Navy seront peut être conduits à tirer au canon sur des chalutiers français. Ce ne sera jamais que de l'Histoire "as usual" ...

Mais, sauf quelques changements, en bien ou en mal, et des changements somme toute mineurs, l'opinion publique britannique va se réveiller du Brexit avec le sentiment d'avoir été une fois de plus "flouée". Il y aura exactement les mêmes réglementation stupides, tatillonnes, attentatoires aux libertés les plus simples, ... Que ces réglementations proviennent des 1.500 pages de l'accord de sortie ou des millions de pages de la réglementation "domestique".

Quelles suites politiques au réveil après le Brexit ?

Bien malin qui prévoit la politique.

Tout simplement, l'opinion britannique va s'apercevoir que "rien ne change" après le Brexit. La dictature administrative par voie de réglements de lois liberticides et désorganisatrices va s'intensifier, Europie ou pas. L'administration britannique, notamment celle de la Santé publique, est l'une des pires du monde. Avec ou sans Europe. Les désillusions seront certainement importantes. Jusqu'à fomenter une révolte ? C'est improbable. Parce que les politiciens ouvriront les vannes juste assez pour maintenir leur pérennité. Sauf implosion.

Une incertitude se trouve dans la nature "fédérale" du Royaume-Uni. En effet, l'Ecosse semble avoir une opinion très divergente de celles de Galles ou de l'Angleterre. L'Ecosse est à la fois très européiste et très autonomiste. L'Europie a certainement un jeu à jouer pour affaiblir le Royaume-Uni en favorisant le rapprochement de l'Ecosse et des institutions européistes. Il existe dans la myriade d'"institutions" européistes tout ce qu'il faut pour contrôler une sorte d'alliance entre l'Europie et l'Ecosse. Contre les intérêts du Royaume-Uni.

Dans le jeu international des intérêts financiers et commerciaux, le Royaume-Uni devra certainement jouer de relations privilégiées avec les Etats-Unis. L'Administration Biden pourra ainsi favoriser le Royaume--Uni contre l'Europie. Ou l'inverse si tel est son bon plaisir.

Enfin, une question se pose de savoir si en Europie des Etats membres, encore soumis aux diktats de Bruxelles, seraient tentés de jouer du séparatisme. Si on pense à des Etats comme la Pologne ou la Hongrie, il existe des vecteurs de séparatisme. Et un seul vecteur d'unionisme : les subventions encore versées par Bruxelles. Mais le départ de la Grande-Bretagne ne devrait pas faciliter la manne bruxelloise sur les "nouveaux" Etats membres, de sorte que l'équilibre actuellement favorable pour l'Union, pourrait être déplacé.

Ce qui est presque certain, c'est que la "disparition" des britanniques des instances européistes renforce la suprématie de Berlin. Certains se rebelleron-ils contre la réalisation, un siècle après, du mythe de la Grande Allemagne (80 millions de morts)?

Note

Plusieurs excellents articles donnent une diversité d'opinions sur le sujet du Brexit. On peut lire notamment :

  • Maxime Tandonnet, politologue français, Le vrai sens du Brexit du 26 Décembre 2020 ;
  • John Ward, journaliste britannique résident en Aquitaine, THE SUNDAY ESSAY: why BoJo’s long haul doesn’t go far enough ; le 27 Décembre 2020.
  • John Diver, dans The Telegraph, The Brexit Deal gutted: What are the good and bad bits for Britain?, le 27 Décembre 2020. ce n'est pas un article d'opinion, mais une liste de points discutés dans l'accord final.

  • Revue C-Politix (c) 27 Décembre 2020