L'agression du régime progressiste contre la Russie

Philippe Brindet - 07 Avril 2024

Nous abordons ici une affaire extrêmement délicate. Cette affaire est désignée par le titre de cet article. Malheureusement, l'affaire est délicate parce qu'elle est d'une complexité si formidable que la décrire ou la désigner par un aussi petit nombre de mots condamne au vague, à l'indéfinition. A l'erreur peut être. Mais l'esprit humain est essentiellement séquentiel en ce sens qu'il ne peut élaborer qu'une idée à la fois. Il ne peut se représenter qu'une chose à la fois. Et si l'idée est trop générale, si la chose représentée est trop grosse, l'esprit humain échoue à les penser.

Heureusement, l'esprit humain a inventé les relations entre les idées, entre les choses de la représentation mentale et l'examen de ces relations permet à l'être humain d'aller plus loin dans la complexité des affaires humaines.

Mais, l'idéologie en tant qu'elle est une représentation du monde à l'aide d'idées se soumet le plus souvent à la facilité. Les "meilleures" idéologies, celles qui ont le plus de succès, sont celles qui n'utilisent qu'un nombre restreint d'idées ou de représentations mentales. Souvenons-nous du marxisme dont on peut faire le tour avec deux idées : l'oppression du prolétariat par la bourgeoisie capitaliste et la lutte des classes comme moteur du progrès de l'humanité. Les esprits forts n'hésitaient pas à rendre plus complexe l'idéologie marxiste. Mais la force convaincante de l'idéologie basique résidait dans sa simplicité.

Une description primaire

L'affaire qui nous préoccupe ici peut autrement se désigner comme l'invasion de l'Ukraine par la Russie. C'est bien comme celà que l'idéologie occidentale a représenté définitivement, du moins le pense t'elle, les événements qui se déroulent en effet en Ukraine. Et un peu en Russie d'ailleurs. Et un peu en Europe, aussi. Faut-il décider qu'il s'agit d'une "agression" de la Russie et donc d'une atteinte au droit international de la paix ?

La réponse du régime progressiste occidental est positive et ce régime en reste là, bloqué conceptuellement par une logique juridique qu'il a établi d'une part et par une volonté de destruction de tout ce qui ne se soumet pas à "son droit" d'autre part. "Son droit", l'Etat de droit ...

Mais, depuis que la guerre en Ukraine a débutée le 24 Février 2022, les russes estiment que l'opération militaire qu'ils évitent de désigner "guerre" - argutie qui exaspère le régime progressiste occidental - est menée pour trois raisons qui lui donnent ses objecttifs primaires :

  1. protéger les populations russes d'Ukraine dont la vie et la culture sont menacées par le régime installé à Kiev par le régime progressiste occidental depuis janvier 2014 ;
  2. détruire définitivement les bandes "ukro-nazies" qui opèrent l'oppression des russes en Ukraine pour le compte du régime progressiste occidental ; et
  3. empêcher définitivement l'implantation de moyens militaires et civils appartenant à l'OTAN, organisation centrale du régime progresisste occidental.

La propagande progressiste occidentale se gausse des "piétinements" de l'armée russe, contrainte de se retirer de sa première offensive de Kiev et de Kharkov, puis un peu plus tard, de Lyman et de Kherson. Cette propagande se gausse des avances russes, le plus souvent inférieures à un kilomètre. Cette situation "difficile" pour les forces russes est d'ailleurs très mal ressentie dans les milieux patriotes russes qui se plaignent de la faiblesse de Poutine. Il suffit d'écouter des politiciens comme Dimitri Medvedev, Vice-président du Conseil de sécurité de Russie, ou de Piotr Tolstoï, Vice-Président de la Douma, le Parlement de la Fédération de Russie.

Une description plus avancée

En réalité, la Fédération de Russie est un immense Etat de 17 234 033 km², soit 26 fois plus grand que la France et si elle est peu peuplé - 150 millions d'habitants, elle dispose d'alliances politiques, économiques et financières avec deux Etats très peuplés : la Chine et l'Inde.

Si on compare la puissance militaire de la Russie, on peut constater qu'elle est classée seconde derrière les Etats-Unis. Mais dans le détail, la chose militaire est bien plus avancée en Russie qu'aux Etats-Unis ou partout ailleurs en occident. Voici quelques chiffres :

ArticleChineRussie USA DE FR
Lance-roquettes mutiples MLRS3.1813.065 69433 8
tanks 5.000 14.777 4.657 295 222
canons automoteurs3.850 6.208 1.595 13496
avions d'assaut371730 896 76 0
hélicoptères d'attaque2815591.00055 69
navires de guerre 730 781 47264128
armée d'active2.035.0001.320.0001.328.000181.600200.000

Il y a d'autres paramètres nécessaires pour évaluer la puissance militaire d'u Etat et pour la comparer à d'autres. Mais, beaucoup de ceux qui sont utilisés et le premier d'entre eux, la part du PIB des dépenses militaires; sont très relatifs. Par exemple, le PIB des Etats occidentaux à la valeur ajoutée productive ajoute l'endettement souvent détenu par les Etats non-occidentaux. Et les dépenses militairesfinancent le fabuleux enrichissement du complexe militaro-industriel occidental, enrichissement qu'on peu qualifier de corruption.

Or, les occidentaux depuis 70 ans ont organisé le monde de sorte qu'ils n'ont presque plus de moyens de production industrielle, concentrée en Chine, Inde, Russie, Arabie, Iran, ....Par contre, ils ont la maîtrise du commerce mondial, parce qu'ils achètent la plus grande partie de la production mondiale. Plus encore, ils ont la maîtrise financière par les banques centrales, les banques privées, les assurances, les instruments de paiement, .... Ils étaient, le 24 février 2022, persuadés - le ministre français Le Maire affirmait froidement qu'il allait mettre la Russie à genoux avec les sanctions économiques et financières - écraser la Russie sous les sanctions et que l'armée ukrainienne, équipée, entraînée, dirigée par l'Otan, allait occuper Moscou en 2 mois. Le rêve américain allait enfin se réaliser par la stupidité de Poutine qui déclenche une guerre en Ukraine.

Les américains étaient certains de recommencer le "coup de Saddam". La diplomatie américaine était persuadée d'avoir persuadé l'Irakien qu'il pourrait impunément envahir le Koweit, comme la diplomatie de Biden a persuadé Poutine d'envahir l'Ukraine ! Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les occidentaux étaient persuadés que Poutine, comme Saddam avant lui, serait pendu dans l'année. L'arrogance du régime progressiste est sans limite. Elle explique l'effarante propagande occidentale concernant la "guerre en Ukraine".

Il faut complexifier le contexte maintenant

Pour comprendre la géostratégie russe, il faut cependant remonter en arrière. Un premier saut nous amène à l'époque Gorbatchev. Gorbatchev comprend que le régime soviétique est complètement sclérosé alors que le régime occidental libéral est en constante progression. Il décide de la "pérestroïka", de la "glastnost" et autres campagnes de changement. Il est accompagné dans le changement soviétique d'abord par des soviétiques ouverts à l'occident. Il y a toujours eu des Russes pour celà depuis Pierre le Grand. Mais Gorbatchev est aussi aidé par des oligarques américains, notamment liés à la Banque Mondiale, et qui à la fois s'écartent de plus en plus de la soumission à la démocratie américaine, et la soumettent alors davantage. Le conseiller que lui adresse le régime américain n'est autre que l'économiste Jeffrey Sachs. Ce dernier restera conseiller du Président sous l'ère Eltsine, puis il ira à Kiev conseiller le Président Kousma, premier dirigeant de l'Ukraine "indépendante".

Sachs et les autres agents du régime américain vont alors installer un système de corruption total de la société russe et de la société ukrainienne. En quelques mois, les anciens dirigeants économiques soviétiques se transforment en oligarques mafieux, spoliant la Russie de ses richesses et contrôlant et la "révolution anti-soviétique" et le régime corrompu de Eltsine. Il 'y a plus de distinction entre oligarques amériçcians ou ex-soviétiques. Ils ont les mêmes pathologies mentales, les mêmes appétits ...

Le résultat économique est absolument grandiose. Le niveau de vie en ex-Union soviétique s'effondre de manière catastrophique. Si les oligarques ex-soviétiques bâtissent de honteuses fortunes - ils touchent les dividendes de la corruption américaine - les peuples russes et ukrainiens s'enfoncent dans une misère effarante.Tout part en occident. Les moyens de production soviétique sont démontés et réinstallés en Occident. La CIA envoie Elon Musk racheter les moteur-fusées soviétiques ... Les ressources agricoles et minières sont dirigées vers l'occident. Les oligarques russes et ukrainiens protègent les corrupteurs américains, allemands et anglais en contrôlant les régimes politiques qu'ils ont mis en place tant à Moscou qu'à Kiev. Ces oligarques font la politique pour le compte des agences fédérales américaines. En récompense, ces oligarques comme Berezhovsky ou Khodorovsky, font des fortunes fabuleuses.

Or, ce régime de corruption dure encore en Ukraine. A commencer par Joe Biden et sa famille qui dès 2014 s'installent dans les grandes entreprises ukrainiennes pour y flécher les subventions de l'Etat fédéral américain, établissant un original schéma de corruption. Là, au plus haut niveau de l'Etat, la corruption s'étale partout. Ainsi l'ancien président Poroshenko contrôle les approvisionnements de l'armée ukrainienne. L'actuel président Zelisky est encore plus corrompu que lui. Déjà en 2019, sa corruption était dénoncée par un pool de journalistes progressistes occidentaux dans les "Panama Papers". Ces mêmes journalistes qui aujourd'hui diffusent la propagande du régime progressiste occidental qui fait de Zelinsky un personnage plus sacré que Churchill...

Le problème de la Russie d'aujourd'hui, c'est qu'en 2000, le pouvoir à Moscou échoit à un fonctionnaire terne, qui est le favori du régime progressiste occidental. Totalement inconnu, il venait d'être nommé Global Leader par le World Economic Forum la même année qu'une politicienne toute aussi pâle et inconnue, nommée Angela Merkel ...Fort du soutien occidental, Poutine est nommé Premier Ministre par Eltsine, puis presque immédiatement successeur "désigné" pour le remplacer. Et Eltsine démissionne à la stupéfaction générale ... Et Poutine est élu à la stupéfaction générale ... Depuis, il ne quitte plus le pouvoir russe que lui a confié le régime progressiste occidental ...

L'occident ennemi de Poutine est convaincu qu'il est stupide. Or, Poutine est un joueur d'échecs, quand ses ennemis progressistes sont des joueurs de poker menteur. A première vue, Poutine croit toutes les balivernes de ses adversaires qui en rient d'avance. Pourtant Poutine n'hésite pas à sacrifier ses meilleurs pièces pour en tirer un avantage de position. C'est l'un des fondements du noble jeu. Et de la géopolitique. Les dirigeants occidentaux, tous salariés du régime progressiste occidentale, sont persuadés que la stupidité de Poutine l'a poussé à attaquer l'Ukraine et qu'il va s'effondrer parce qu'il a un PIB inférieur à celui de la Belgique ... pardon à la Belgique ...

Mais, Poutine est engagé dans une lutte à mort avec le gouvernement américain, sa myriade d'agences plus ou moins fédérales et les laquais qui dirigent les Etats vassaux, essentiellement en Europe. Poutine est l'homme qui a su évincer le gouvernement fédéral américain de Moscou et de la plupart des entreprises russes. Poutine est le dirigeant russe qui a su réunir le maximum de volontés politiques et économiques, sociales et culturelles dans un but commun : des ruines du communisme soviétique, de la corruption prédatrice de l'Empire américain, faire émerger un Etat prospère et sûr, basé sur une société multinationale, multireligieuse, multiculturelle.

Or, le gouvernement américain ne peut lui pardonner d'avoir échappé à l'empire américain et pire encore de s'en tirer mieux que bien. Le conflit ukrainien est étonnament le lieu où les américains ont décidé de défaire Poutine. On pourrait imaginer que Poutine a pris l'initiative en attaquant le premier le 24 Février 2022. C'est possible, mais je ne le crois pas. Poutine ne pouvait pas faire autrement et il cherchait depuis six mois, avec des grandes manoeuvres dans le Sud de la Russie et en Biélorussie à prévenir les Américains de ne pas entrer en conflit. Le 24 Février 2022, Poutine était certain que les occidentaux allaient attaquer. Il aurait pris les devants.

Complexifier encore un pas de plus

Mais il existe un autre "espace" dans lequel les occidentaux menacent la Russie : c'est l'"espace idéologique" qu'anime les occidentaux : celui du progressisme occidental qui regroupe les folies de l'occident qu'on peut lister du moins dans ses grandes lignes : destruction de l'humanité de l'homme avec l'anti-théisme, l'anti-religion, l'anti-philosopie, l'anti-culture ; destruction des structures sociales : famille, nation, entreprises à l'aide de l'écologie, de la woke attitude , ...

Poutine insiste depuis le début du conflit ukrainien sur cette contestation du progressisme occidental, ce qui exaspère un certain nombre de réactionnaires occidentaux. Cette guerre entre la Russie et l'Occident, c'est aussi une guerre entre une société fondée sur la culture, les religions, le patriotisme, et l'aspiration à une société saine et prospère d'une part et un régime occidental que son progressisme mène certainement à sa ruine d'autre part.

Mais, en attendant cette ruine, la Russie de Poutine doit lutter contre l'influence progressiste. Et la guerre en Ukraine permet à la Russie de hâter cette ruine. D'abord en épuisant les ressources économiques, financières, industrielles et militaires de l'occident.

C'est l'une des raisons de la "lenteur" de la "guerre en Ukraine", et l'une des raisons pour que cette guerre en Ukraine n'ait été déclarée ni à l'Union Européenne, entité vassale sans aucun intérêt politique, ni aux Etats-Unis, qui dans une certaine mesure ne sont pas les auteurs de l'agression. Il suffirait que le peuple américain mette à la porte les agents du progressisme occidental pour que au moins la moitié des raisons de la guerre livrée par la Russie disparaissent.

En attaquant lentement sur le front ukrainien, Poutine économise les forces de la Russie. Il n'a même pas besoin de mettre son économie en état de guerre. La croissance de son PIB depuis 2 ans le démontre. Il n'a même pas besoin de décréter la mobilisation même partielle. Le simple rappel de réservistes et l'appel de volontaires suffisent à sa "guerre". Mais, la vigueur de son appareil militaire et industriel lui permet d'éliminer à son rythme l'appareil militaire ukrainien et depuis près d'un an, l'appareil militaro-industriel otanien et européen. Pire, les économies européennes sont en train de régresser et si elles ne se sont pas effondrées, c'est par la duplicité de organisations financières qui dissimulent la faillite d'Etats comme la France ou la Grande-Bretagne. L'économie allemande, frappée de plein fouet par une crise énergétique sans précédent est elle-même prête à s'effondrer.

Il faut noter que les infrastructures de transport, de communication et de production d'énergie de l'Ukraine sont presque annulées. Quant à l'armée ukrainienne, il est très probable qu'elle ait déjà perdu plus d'un million d'hommes et la population ukrainienne a pour moitié fuit ou bien en Russie pour les russophiles ou pour la Pologne notamment, pour les autres qui commencent à lasser la patience de leurs hôtes.

Comment le conflit peut-il évoluer ?

Certains agitent le spectre d'une guerre nucléaire ... La première réflexion est que, un vieillard sénile présidant aux destinées de l'Etat le plus puissant de la planète, un tel spectre n'est pas à méconnaître. Mais ... la situation des forces nucléaires américains est probablement catastrophique. On sait que la flottille de sous-marins nucléaires britanniques est complètement inopérationnelle. Cette flotille est en réalité intégrée à la flotte nucléaire américiane, de sorte que les missiles Trident qu'elle utilise sont prélevés au hasard dans un magasin de l'US Navy en Floride. Un missile a été prélevé pour servir de test de lancement. Le sous-marin britannique s'est mis sous l'eau en position de tir. Le canon à air a expulsé le missile qui s'est élevé au-dessus de la mer. Mais, le moteur-fusée n'a pas démarré et ... le missile nucléaire s'est abîmé dans l'Océan à quelques mètres du sous-marin britannique. Et cet échec était le sixième de suite ...

L'échec de l'essai britannique n'a pas démontré seulement que la force nucléaire britannique a un problème. Car, le missile "britannique" ayant été prélevé "au hasard" dans un magasin américain ... le même problème pèse sur la force nucléaire américaine. Selon des rapports parlementaires US, le même problème se pose sur les forces US balistiques et sur les forces nucléaires aéroportées US. Honnêtement, il est difficile d'affirmer que le régime occidental a les moyens d'un conflit nucléaire.

Nous ne disposons pas d'information particulière sur l'état des forces nucléaires russes. On est certain qu'elles sont très nettement inférieures aux forces nucléaires soviétiques. Cependant, nous pouvons discerner une menace nucléaire d'ampleur tactique du côté russe. L'appareil d'état russe a, depuis le début de l'invasion de l'Ukraine, indiqué les conditions dans lequelles l'armée russe utiliserait l'arme nucléaire en première frappe. Particulièrement, des bombes nucléaires tactiques pourraient être portées par des vecteurs hypersoniques que les armées occidentales sont incapables de détecter et de plus, d'arrêter.

On voit depuis quelques mois l'échec total de l'Otan dans la direction du conflit ukrainien. Il est clair que l'Otan a imposé à l'armée ukrainienne plusieurs stratégies qui se sont heurtées à la machine de guerre russe. L'Otan a été incapable de fournir à l'Ukraine des armes de qualité et de quantité susceptibles de menacer l'opération militaire russe. Cet échec cependant ne doit pas faire oublier plusieurs réussites parmi lesquelles on peut citer :

  • le sabotage des gazoducs sous-marins Nord Stream dont la réalisation est disputée par les américains et par les ukrainiens ;
  • les attentats terroristes sur le sol russe assassinant des personnalités comme la journaliste Dugina ;
  • les bombardements à l'aide de divers drones sur des installations russes à l'intérieur de la Russie, en Crimée, sur des navires russes en Mer Noire ;
  • les bombardements contre des objectifs civils russes à l'aide de missiles de croisière Storm Shadow, Scalp, les roquettes multiples HiMars, ...

Cependant, la tendance générale est que l'Otan a été vaincue en Ukraine. Aussi, depuis plusieurs mois, l'Ukraine cherche à élaborer des accords des accords bilatéraux unissant l'Ukraine à un autre Etat européen. On connaît de tels accords avec l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la France, le Danemark, ...

L'efficacité de tels accords semble improbable. Cependant, ils auraient l'avantage de faire pression sur l'armée américaine qui dirige - très mal - l'action de l'armée ukrainienne. L'Ukraine reprend ainsi la main sur le jeu politique de l'Otan. Le problème de ce contournement, c'est que chacun des Etats contractants avec l'Ukraine ne dispose d'aucun moyen pour participer à la moindre guerre en faveur du régime de Zelinsky. Zelinsky peut-il gagner la guerre avec ce montage ? Non. Mais, il est possible que la Russie n'accepte plus le faux-semblant que ces Etats - qui faisaient à peu près la même chose avec l'Otan - ne soient pas des belligérants.

En réalité, la Russie fait tout autant la guerre aux Etats-Unis qu'à chacun des Etats de l'Otan, des vassaux des Etats-Unis. Et comme le régime progressiste occidental y règne autant qu'aux USA, la Russie a autant de raisons de leur faire subir les mêmes attritions qu'aux USA. D'ailleurs, ce sont les Etats européens qui ont subi les premières attritions par la suppression du gaz russe, imposée par les sanctions économiques imposées par les Etats-Unis. Au sujet des attritions infligées par la Russie, il faut comprendre que la Russie est patiente en ce sens qu'elle ne s'attend pas à ce que ses adversaires s'effondrent en un instant. La Russie pourrait ne pas avoir besoin de la terrible guerre nucléaire - au cours de laquelle elle pourrait subir des dommages irréparables. Elle n'aurait pas non plus besoin d'une guerrre classique. Elle sait que sans énergie, ou avec une énergie dont le prix est décuplé, ce qui est à peu près la situation actuelle, les Etats européens ne sont plus économiquement viables.

Or, le régime progressiste occidental a besoin - notamment - de deux choses : beaucoup d'énergie pas cher et empêcher le travail de sa population.Et il n'a même pas besoin des "attritions" de la Russie pour manquer d'énergie et empêcher le travail. Avec l'idéologie "économique" du Net Zero", le régime progressiste occidental est déjà en train de faire manquer d'énergie à ses populations. La stratégie de la Russie consiste seulement à étendre cette restriction énergétique à la Caste du régime. Autrement dit, détruire les entreprises du secteur énergétique suffirait.

Ayant supprimé les secteurs de l'extraction minière, de l'agriculture et de l'industrie dans quasiment tout l'Empire américain, le régime progressiste occidental est parvenu à empêcher le travail à ses populations. Celles-ci, minées par une immigration de populations exogènes, sont en train de basculer dans le chaos. La Russie n'a qu'à favoriser cette immigration notamment aux Etats-Unis. Or, sans travail, sans revenu du travail, les populations deviennent de terribles instruments d'instabilités, de révoltes, de révolutions même. La Russie n'a rien fait. Le régime progressiste occidental a opéré lui-même la destruction de l'occident.

La Russie, pour autant qu'elle lutte contre l'Occident, ce dont certains observateurs doutent, n'a qu'à être patiente. Elle n'est pas en guerre, l'occident si. Croyant lutter contre la Russie, le régime progressiste occidental est en train de détruire l'occident et la Russie n'est qu'un "moyen" de plus.

Contrairement à des régimes comme le régime romain qui s'est bien effondré vers le Quatrième siècle, le régime occidental dispose d'instruments de contrôle de la société qu'il opprime comme jamais l'Empire romain ou tout autre n'en a jamais disposé. Monnaies, finances, commerce, propagande, police, économie, le régime progressiste occidental contrôle chaque instant, chaque geste de ses populations. Pire encore, plus qu'avec les instruments matériels précités, l'oppression des hommes par le régime progressiste se fonde sur le mensonge idéologique qui produit l'erreur, l'injustice et la laideur. Aucune société humaine ne peut résister. Elle disparaît d'elle-même. Il faut seulement être patient. Et dans "patient", il y a souffrance.

La situation devient si dangereuse qu'il faut encore complexifier son analyse

Pour terminer cette analyse, je voudrais souligner un aspect qui n'y apparaît pas assez. La Russie, chose étrange, n'est pas étrangère au progressisme occidental. Il faut se souvenir que pendant dix ans, le régime progressiste occidental régnait à Moscou. Et partout en Russie. Poutine est un ancien associé du World Economic Forum. L'ensemble de la classe dirigeante russe, même après l'avènement de Poutine, est resté en lien direct avec le progressisme occidental. La plus grande partie des exportations russes se faisait vers l'Occident. Une part importante, qui se réduisait peu à peu depuis 2007, des importations viennent d'Occident. Le peuple russe lui-même est travaillé en profondeur par le progressisme occidental. Une minorité est même politiquement acquise à l'idéologie occidentale.

Dans une large mesure, la société russe du XIX° siècle était déjà travaillée par l'occidentalisme. Le communisme s'est instauré en 1917 par l'action de l'idéologie occidentale agissant dans au moins une partie du peuple russe. Aujourd'hui, une partie des élites russes est en exil en Occident, l'autre partie est active à l'intérieur de la Russie. Plusieurs partis politiques, accusés probablement avec de bonnes raisons, d'être actionné par l'occident, sont à l'oeuvre dans la société russe. Poutine lui-même n'a déclenché l'opération militaire spéciale que contraint par les circonstances, alors que son économie se trouvait encore dans des relations, commerciales au moins, avec l'occident.

La Russie a fait migrer une grande partie de ses relations commerciales d'ouest en est, de l'Occident vers l'Orient. Et le Sud. La Russie a axé son action contre le régime ukrainien, installé par les américains, et contre les vélléités d'extension de l'Otan vers la Russie. Il n'est pas certain que Poutine et la classe dirigeante russe soient aussi résolument adversaires de l'idéologie progressiste occidentale. Cette confrontation est donc aussi le fait du régime progressiste occidental.

Et de cette situation on peut comprendre que la lutte de la "sainte" Russie contre l'"impur" Occident n'est pas aussi claire que l'analyse qui précède semble l'indiquer. Les choses sont évidemment infiniment plus complexes.


Notes

Une conférence de l'économiste américain Jeffrey Sachs tenue à Vienne en Autriche en juin 2023 et traduite en français dans une vidéo Youtube, intitulée "Les néoconservateurs américains prônent la guerre pour dominer le monde | Jeffrey Sachs à Vienne" est très remarquable.

L'ouvrage de Emmanuel Todd, La Défaite de l'Occident, est un livre important dans l'environnement français.

Les auteurs les plus intéressants qui ont écrit ou diffusé sur le conflit ukrainien sont :

  • en France : Jacques Baud, Caroline Galacteros, Edouard Husson, Emmanuel Todd (déjà cité), Eric Dénecé, Régis de Castelnau, ...
  • dans la sphère russe : Wladimir Poutine, Segueï Lavrov, Andréï Korybko, Andréï Martyanov, John Helmer, le diplomate indien MK BHADRAKUMAR, Gilbert Doktorow, ...
  • dans la sphère anglo-américaine : le blog Moon of Alabama, Seymour Hersh, John Mearsheimer, Jeffrey Sachs déjà cité, ...
  • sur la plateforme Youtube : chaînes Free Russia, Weeb Union, Military Summary, Defense Politics Asia, ...
  • Il existe en Occident, en France notamment, un nombre étonnemment élevé de journalistes et de débateurs qui diffusent la propagande progressiste occidentale. Je ne citerai aucun nom du fait que l'accès de la presse main stream leur est exclusivement ouvert. L'avantage est que lorsque l'on a lu ou écouté l'un d'eux, on connaît la "réflexion" de "tous". Il n'est donc pas utile d'en nommer.


    Revue C-Politix (c) 07 Avril 2024