La destruction du catholicisme romain - Opinion d'un américainRoss Douthat est un conservateur catholique américain, qui écrit régulièrement (columnist) dans le quotidien progressiste et démocrate The New York Times. Douthat semble servir de caution au pluralisme de ce "number one" de la presse lourde dont les articles sont recopiés dans les vingt-quatre heures par l'ensemble de la presse lourde occidentale. Dans un article [1] dont le titre est en français "Comment Vatican II a trompé les catholiques et le catholicisme", Douthat revient sur plusieurs articles qu'il a écrit il y a déjà quelques temps et qui ont suscité des débats aux Etats-Unis. Douthat prend l'exemple de l'obligation de l'assistance à la messe du dimanche. L'Eglise catholique romaine, suite au concile Vatican II, n'imposant plus de sanctions à cette obligation, Douthat note assez justement que les parents se sont d'abord mis à observer l'obligation par habitude avec leurs jeunes enfants. Mais quand ceux-ci sont devenus "grands", ils ont "oublié" l'habitude de l'obligation et ne sont plus revenus. C'est très loin d'être bête comme observation. Mais, les critiques sont tombées drues sur la tête de Douthat. Certains y voient une pensée "paroissiale" (parochial, en anglais). D'autres mettent en cause la foi de gens qui limitent leur "religion" à une obligation juridique. En fait, Douthat ne se servait du "dimanche" que comme d'un exemple parmi beaucoup d'autres. Reprenant la thèse d'un auteur français, l'historien Guillaume Cuchet, Douthat estime que le concile Vatican II a joué contre lui en affadissant les obligations qui liaient les catholiques aux choses sacrées du christianisme. La conséquence est que, pour la majorité d'entre eux, la chose sacrée, devenue individuelle, perdait sa valeur et elle a été abandonnée par oublis progressifs. Et c'est le point où Douthat fait une découverte intéressante. Il estime que c'est exactement ce que les catholiques ont compris alors même que le Concile Vatican II n'a jamais "abolie" l'obligation de la messe du dimanche ! Là aussi, on fait "dire" au Concile Vatican II ce qu'il n'a pas dit. Ou encore, la situation évoque le fameux Concile des médias opposé à celui des "Pères". La même chose est arrivée sur la "suppression" de la messe en latin, qui n'a jamais été décidée par le Concile. Mais, selon Douthat, le Concile Vatican II a laissé entrer en compétition la charge des obligations sociales - le sport des enfants à l'heure de la messe du dimanche, les loisirs, l'activité professionnelle etc. - avec la charge des obligations ecclésiastiques qui se sont trouvées sans arme à cause d'une sorte de laxisme, de laissez-faire, de libéralisme que le catholicisme ambiant et actuel est en train de renforcer encore. Le catholicisme romain est ainsi quasiment déserté. Du moins en Occident. Douthat estime qu'il partage le point de vue des catholiques progressistes qui sont pourtant à la source du mouvement de libération des obligations ecclésiastiques. On ne résoudra pas le problème de la désaffection des catholiques par la restauration des anciens usages, des anciennes obligations. Mais, il leur pose la question : qu'est-ce qui fera revenir les catholiques romains à la messe qui ne soit pas une obligation ? Douthat n'a pas la réponse. et il conclut : Ce qui engendre vraiment le cynisme, c'est lorsque l'Église se comporte comme l'empire soviétique dans sa vétusté et exige des éloges constants pour la sagesse et le succès d'un projet de renouveau vieux de plusieurs décennies, alors que tout le monde peut clairement voir qu'elle préside à la crise et au déclin. Je voudrais ici me limiter à trois observations.
Cette première observation n'est pas du tout rassurante pour le catholicisme contemporain. Le Concile Vatican II n'a pu se tenir tel qu'il s'est tenu - et on sait qu'il ne s'est pas du tout tenu comme Jean XXIII et sa Curie qui l'avaient convoqué le prévoyaient - sans une crise préalable. Et cette crise s'est ouverte probablement à la mort du Pape Saint Pie X [2]. Pie X est d'une certaine façon le continuateur de l'oeuvre de Pie IX qui engagea la lutte contre le modernisme. Mais quand Pie IX n'osait pas le voir dans l'Eglise, Pie X l'y perçut dès le début de son Pontificat. Et c'est contre l'ennemi de l'intérieur de l'Eglise que Pie X a le plus lutté. Et cet ennemi était un allié du modernisme du monde extérieur. En fait, l'ulitme trahison est toujours de faire une religion du monde. Plus anciennement, l'origine du modernisme se trouve dans la Révolution française et ses sources. Dès ses origines, il a influencé une part notable du catholicisme romain. Le mouvement joséphiste dans l'Empire austro-hongrois, le mouvement d'Ems en Allemagne, le Synode de Pistoia en Italie, et le mouvement qui débouche sur la Constitution civile du clergé, puis sur la théophilanthropie lors de la Révolution française. L'immense problème réside en ce que les Papes et leurs alliés ne sont pas parvenus à séparer ce qui menaçait le catholicisme romain, de ce qui faisait changer les monarchies européennes. La chose se lit clairement dans la Bulle de Saint Pie VI, Quod Aliquantum [3], qui place la défense du catholicisme romain dans la position de la défense de la royauté française. On conçoit que le problème de l'origine de la crise est donc très ancien et dépasse notablement les circonstances du Concile Vatican II.
Les catholiques romains ne croient plus en Dieu. C'est terrible, c'est simple. J'imagine que beaucoup de gens ignorent qu'un catholique puisse être un athée [4], ou même un ennemi de Dieu. Et pourtant c'est la simple vérité. Et elle explique la terrible décadence du catholicisme romain depuis plus de deux siècles. Or, les croyants ne partagent pas la surprise des gens de découvrir des catholiques athées. Jésus a demandé à ses disciples : "Quand le Fils de l'homme reviendra sur la terre, trouvera t'il seulement de la foi ?" Il n'y a pas encore eu de réponse à cette question. Il n'est pas utile d'en dire plus ici.
Ce que sociologiquement le monde examine dans le "phénomène religieux", c'est l'activité du catholicisme romain. Ses membres se revendiquent souvent et facilement, trop facilement, de l'Eglise. La preuve de cette revendication n'est généralement pas requise. Et c'est dommage. Or, dans la théologie catholique, l'Eglise est une réalité mystique qui se forme autour de la Personne du Christ. Or, le Christ, en tant qu'Il est l'homme Jésus, est né il y a deux mille ans et est mort à l'âge de 32 ans. Il y a là une difficulté. L'Eglise est prise par sa définition simple : l'assemblée des baptisés dans le Christ. Trop de gens, chrétiens ou non, en restent à une notion juridique : est membre de l'Eglise celui dont le baptême a été enregistré dans les livres de l'Eglise catholique romaine. Il en résulte que l'Eglise est alors réduite à un tenancier de registres d'état-civil. C'est presque inadmissible dna sle monde moderne. Mais, l'Eglise catholique est assurée de sa permanence historique par l'autorité divine : les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle. Cette préséance de l'Eglise sur l'Enfer laisse les chrétiens imaginer qu'ils sont l'Eglise. Une telle croyance est fausse. Dans l'Evangile, le maître de cérémonie assure :"je ne connais pas ces gens-là". De ce fait, beaucoup de chrétiens qui se disent être l'Eglise, ne sont que des émanations mondaines du catholicisme romain. Et le catholicisme romain peut disparaître. Certainement pas l'Eglise. Et cette observation est faite pour relativiser la gravité de la crise du catholicisme romain ... Notes[1] How Vatican II Failed Catholics and Catholicism, Ross Douthat, The New York Times, le 04/11/2022 [2] A Secret Anti-Modernist Association: The Sodalitium Pianum Roberto de Mattei, Remnant Columnist - Tuesday March 23 2021. [3] Bref Quod Aliquantum - Au sujet de la constitution civile du clergé décrétée par l'Assemblée Nationale, Pie VI, 10 mars 1791. Sur le site de la Porte Latine, traduction en français. Au début du Bref, on peut lire de Saint Pie VI : Nous apprenons que l’Assemblée nationale, c’est-à-dire la majorité (c’est toujours dans ce sens que Nous Nous servirons de cette expression) Nous apprenons que l’Assemblée nationale, vers le milieu du mois de juillet, avait publié un décret qui, sous prétexte de n’établir qu’une constitution civile du clergé, ainsi que le titre semblait l’annoncer, renversait en effet les dogmes les plus sacrés, et la discipline la plus solennelle de l’Église, détruisait les droits du premier Siège Apostolique, ceux des Évêques, des Prêtres, des ordres religieux des deux sexes, et de toute la communion catholique, abolissait les cérémonies les plus saintes, s’emparait des domaines et des revenus ecclésiastiques, et entraînait de telles calamités, qu’on aurait peine à les croire si on ne les éprouvait. [4] Lire Stefano Fontana, Ateismo cattolico? Quando le idee sono fuorvianti per la fede (Fede & Cultura, Verona 2022). |