La guerre russo - américaine - Observations

Philippe Brindet - 1er Mars 2023

1er Mars 2023. La guerre russo - américaine commencée le 24 Février 2022 par l'invasion de l'Ukraine, se poursuit a un train de sénateur. Quelques kilomètres d'avance ici, quelques kilomètres de recul là. Les adversaires rencontrent la même chose. Dans l'autre sens.

  1. Comment la guerre russo - américaine a t'elle commencée ?

    Probablement en Tchétchénie dans les années 1995, alors que Poutine montait à grandes enjambées les allées du pouvoir à Moscou et que, conscients que la Russie de Eltsine leur échappait, les américains fomentaient le plus de troubles qu'ils pouvaient en Russie. Quand, de manière très peu bourgeoise, Poutine déclare à ses officiers médusés qu'il refusait de porter un toast tant qu'on serait pas aller buter le dernier terroriste jusque dans les chiottes ... On a cru que c'était des rebelles tchétchènes qu'il parlait. Je crois que c'est une erreur. C'est des américains des services spéciaux qu'il parlait. Il savait de quoi il parlait, puisqu'il avait été lui-même un officier supérieur de services spéciaux.

    La deuxième ébauche de la guerre russo-américaine est arrivée quelques jours après le début de son premier mandat présidentiel. Quand Poutine a réuni les oligarques russes et leur a dit qu'ils avaient le droit de faire de l'argent avec les affaires. Beaucoup d'argent. Mais à deux conditions : ils payent leurs impôts en Russie et ils n'influencent pas la vie politique russe. Or, une grande partie des oligarques étaient installés par les américains qui comptaient sur eux pour spolier la Russie de ses richesses minières et tenir la main du faible Eltsine. Le jour de son discours aux oligarques, les américains ont compris que, sauf à l'action clandestine avec des partis politiques ultra-minoritaires et des ONGs abreuvées de milliards de dollars, Poutine venait de les "virer" de Russie.

    Ensuite, tout se met à diverger de plus en plus vite, de plus en plus fort : intervention russe en Syrie, coup d'état organisé par Obama à Kiev, réplique de Poutine par l'annexion de la Crimée, projet d'extenson de l'Otan en Ukraine occupée, ... Poutine accélère le conflit en envahissant l'Ukraine après deux grandes manoeuvres : l'une commune avec la Chine en Sibérie en 2021 (Vostok) et l'autre en 2021-2022 en Biélorussie. Poutine pose le problème à Biden : la guerre russo - américaine peut devenir mondiale avec l'intervention de la Chine.

    De cette façon, Poutine en envahissant l'Ukraine oblige les américains et leurs vassaux à "travailler" de manière couverte. Ils ne sont pas belligérants. Mais des milliers de militaires américains et vassaux se trouvent dans les combats. Plus de 90 milliards de dollars d'armes lourdes ont été livrées à l'Ukraine. Et "ils" ne sont pas belligérants. ...

    On peut donc dire que la guerre russo-américaine n'a pas commencée parce que les Russes jouent avec l'idée que Biden ne veut pas encore une guerre mondiale. Mais, pour celà, il faut que les Russes conservent une certaine apparence de "modicité" de leur opération en Ukraine.


  2. Le problème de l'évaluation de la guerre

    Le problème de l'évaluation est essentiellement celui de la propagande. La propagande américaine est absolument gigantesque et ne recule devant aucun montage. Nous ne savons rien du point de vue américain qui soit raisonnable. La propagande américaine se borne à répéter que les pertes russes sont immensément plus importantes que les pertes ukrainiennes. Personne n'est obligé de les croire.

    Du point de vue russe, nous avons une propagande extrêmement froide, rationnelle qui se borne à réciter quotidiennement le cumul des pertes par catégorie de matériel subies par l'armée ukrainienne. Aucun bilan sur les pertes russes, bien entendu.

    La presse turque notamment, a publié des bilans qui seraient émanées de services spéciaux israéliens. Mais rien n'est sûr.

    En un an de guerre, la Russie n'a "consommé" qu'un quart de la surface de l'Ukraine. Mais, elle a pratiquement épuisée les réserves d'armes des occidentaux qui en sont à "gratter" les fonds de poche" pour trouver quelques obus ici et là, un char lourd ou un hélicoptère là. Et les sanctions économiques imposées par les américains à la Russie ont simplement démontrées que 900 millions d'américains et de vassaux font la guerre à 6,1 milliards d'humains. Et que les 450 millions d'européens sont maintenant entièrement à la merci de leur maître américain.


  3. La suite de la guerre

    Il faut distinguer l'opération militaire spéciale de la guerre russo - américaine proprement dite. La "dénazification" de l'Ukraine qui a tant fait crier les occidentaux, est probablement bien avancée. Elle a été réalisée par le terrible hâchoir à viande dans lequel l'armée ukrainienne s'est offerte à l'artillerie russe. Lorsque l'armée ukrainienne aura été entièrement détruite, l'opération militaire spéciale sera terminée. Je ne sais quand. Mais avec possiblement 700.000 hommes, et probablement 150.000 morts en un an, il va falloir peut être encore un an pour atteindre un degré significatif de dénazification.

    A ce propos il faut comprendre que les glapissements de plaisir des occidentaux de voir que les Russes n'avaient pas emporté la victoire en un mois ne dénotent pas chez eux une compréhension raisonnable. Si les forces russes avaient "triomphé" trop vite, les pertes ukrainiennes auraient été insuffisantes. Il aurait fallu, pour les russes, ensuite se livrer à une très critiquable épuration civile des rangs de l'armée vaincue. A l'occasion de combats, la chose se fait naturellement.

    On est un peu surpris cependant que les troupes spéciales russes ne soient pas parvenues à fomenter des troubles dans les rangs ukrainiens. De tels troubles pouvaient dresser contre les néonazis le reste des soldats ukrainiens. En effet, il existe plusieurs ethnies dont l'engagement anti-russe n'est pas très fort. On pense aux roumains, aux Magyars, et même aux polonais d'Ukraine qui se souviennent d'avoir été les victimes de Bandera, le héros d'hier des néonazis d'aujourd'hui. Le quadrillage nazi de l'Ukraine est probablement trop avancé.

    La suite de la guerre russo-américaine dépend des buts russes. Or, on les connait : éloigner l'OTAN des frontières de la Russie. Comme la Russie vient de s'étendre dans le Donbass, on comprend que il existe certainement une zone à l'ouest du Donbass dans laquelle la Russie ne veut plus d'armement OTAN. A cause de la portée des armes OTAN, certaines sources diplomatiques parlent d'une région d'environ 480 kilomètres Cela amène un no man's land au-delà de Kiev et proche de Lvov.

    Et la "solution" n'est pas efficace dès lors que l'Amérque améliorera la portée de ses Himars.

    Mais, il y a plus grave. C'est que, pour répliquer à l'opération ukrainienne, l'Amérique est parvenue à convaincre la Finlande et la Suède d'entrer dans l'OTAN. La Suède est encore plus enthousiaste que la Finlande pour ce qui paraît à ces Scandinaves une "solution" à la bellicité de la Russie. Le problème, c'est qu'alors, Finlande et Suède pourraient subir le sort de l'Ukraine dans les mois qui viennent et cela n'a rien d'attrayant.

    Cet objectif de la Russie d'éloigner l'OTAN de son territoire, s'il se comprend du point de vue russe, ne paraît pas très efficace. Par exemple, la Pologne, membre de l'OTAN a une frontière commune avec la Biélorussie. Cet Etat, grand allié de la Russie, sert ainsi de "zone tampon" pour la protection de la Russie. Le problème, c'est que la coopération entre la Russie et la Biélorussie pourrait rendre la Biélorussie une quasi-Russie, ce qu'elle est en réalité. Et une réaction à l'entrée de la Suède et de la Finlande dans l'OTAN pourrait être une association militaire entre la Biélorussie et la Russie.

    Avec une telle stratégie, on est parti pour une guerre de Cent ans en Europe. C'est gai.


  4. L'entraînement de l'Europe

    Il y a deux parties différentes en Europe parfois dans le même pays :

    • les collaborateurs américains encore plus "occidentaux" que les américains ; et
    • les européens qui n'osent pas dire aux américains qu'ils sont trop ... américains. Cà ne se fait pas ...

    Mais, en commun, aucun européen connu n'imagine qu'il pourrait se "passer des américains", quoiqu'il se passe. C'est assez affligeant, mais c'est un peu comme le joueur de flûte de Hamel. A la veille de l'invasion de l'Ukraine, il existait en Europe une frange, peut être de 25 à 40% de l'électorat, qui avait une très bonne opinion du nationalisme russe de Poutine qui lui faisait "envie". Manifestement, ils n'avaient pas bien compris le "nationalisme" russe. Mais, cette "association d'idées" semblait mener à une certaine réflexion critique à l'encontre de l'Amérique. Très clairement, l'intervention russe du 24 février les a glacé d'effroi, et ils n'ont plus su quoi faire pour faire oublier leur ancien tropisme. Cette position est clairement affichée par le politicien français Eric Zemmour qui est persuadé - et il n'a pas forcément tort - que l'invasion russe lui a coûté la présidence française. Mais, à des nuances et des degrés divers, la chose est partagée par d'autres partis de l'échiquier politique européen. En France pour le RN et sur LR.

    En Allemagne, il existe exactement la même situation avec des fractions du SPD et de Die Linke. Mais aussi à l'AfD.

    En Grande-Bretagne, rien de tel semble t'il. La lecture de la presse depuis vingt ans est toujours la même : Poutine est un épouvantable dictateur sanguinaire et les mots ici sont faibles.

    Mais, en même temps, dans les Etats européens où il existait une certaine tendance compréhensive à la Russie de Poutine, l'autre parti, souvent majoritaire, était ouvertement pro-américain et férocement anti-Poutine. Il en résulte que l'Europe est férocement opposée à la Russie. Et on n'examinera même pas les cas à part des anciennes républiques de l'ancien Pacte de Varsovie.

    Mais, la réalité - à quelques erreurs d'évaluation près probablement - dicte une autre image. L'Europe est économiquement et financièrement ruinée. Sa puissance militaire est quasi nulle. La France peut aligner 70 kilomètres de front avec 8 jours de feu. Après, c'est "Reddition", un film que les Français jouent avec beaucoup de distinction. L'Allemagne, c'est pire et la Grande-Bretagne, peu différent. Politiquement, l'Europe ne peut déclencher la moindre guerre. Elle piaille des injures à Poutine, se croyant à l'abri du "parapluie" américain.


  5. Que va t'il se passer ?

    Si Poutine triomphe, même partiellement en Ukraine, l'Europe se sera seulement enfoncée plus loin dans son marasme. Quelques années, et la route sera libre jusqu'à la Manche pour les troupes russes. Les américains n'y pourront rien.

    Si Poutine échoue, par exemple, s'il ne progresse pas au-delà de la ligne actuelle, l'Europe continuera lentement à s'enfoncer dans son marasme. Mais elle sera à l'abri des menées russes ultérieures. L'Amérique saura t'elle profiter de la situation ? Peut être que oui, peut être que non. Parce que la situation politique et économique de l'Amérique est explosive et pourrait l'empêcher de profiter de la situation.

    Mais, il y a plus grave.

    Poutine n'a pas le droit d'échouer. Poutine ou un autre russe d'ailleurs. Parce que la Chine transformera d'un coup la guerre russo - américaine perdue en guerre sino - américaine. Et l'Est de la Russie pourrait devenir chinois. La Chine a besoin de terres et surtout des richesses minérales de la Russie. La Russie ne peut pas faiblir même avec une alliance multiblocs avec la Chine. La compétition reste entière.

    Il en résulte que la Troisième Guerre mondiale ait ou non commencée, qu'elle soit déclarée demain ou jamais, la lutte contre l'Amérique est inéluctable et l'Europe n'est pas activement concernée. Elle subira comme elle subit depuis trente ans.


Revue C-Politix (c) 1er Mars 2023