La vassalité de l'européisme

Philippe Brindet - 3 Octobre 2022

L'Europe est un continent et une civilisation. En tant que civilisation, elle s'est éteinte après deux guerres mondiales qu'elle a largement suscitées. Un autre continent, qui s'est élevé à l'aide des débris de la civilisation européenne ruinée, en lui empruntant ses tares et le principe même de sa décadence, imagine qu'il s'est constitué en un Empire qui domine le monde. Ce continent et cette poursuite de décadence, confondue à tort comme une civilisation [1], c'est l'Amérique. Son Empire est une illusion qui flatte son propre orgueil et leur rend excusable la débilité des Européens.

L'Europe est décadente

C'est une opinion largement répandue parmi les observateurs. Est-elle majoritaire ? C'est possible, mais cachée derrière le règne du mensonge qui refoule dans le complotisme tout déclinisme, tout décadentisme. La bourgeoisie occidentale et ses laquais - artistes et média d'abord, enseignants et chercheurs patentés ensuite - imposent un discours de satisfaction bourgeoise destiné à alimenter une propagande sur les bienfaits de la "civilisation occidentale" et actionner une censure de toute contestation de ce "progrès". Mais, ce sont des mots de l'idéologie bourgeoise qui restent des mots menteurs.

Or, les milieux populaires font de nombreux constats de décadence :

  1. Alors que les riches se gobergent dans un luxe honteux, les milieux populaires se débattent dans des difficultés économiques telles qu'ils sont souvent réduits à un simple niveau de survie. En 2021, la Bank of America a estimé que 50% des ménages américians n'avaient pas les revenus suffisants pour faire face à leurs dépenses contraintes. Le même constat vient d'être fait en Allemagne et elle est évidente en France ou au Royaume-Uni. Cette situation contredit la propagande sur les bienfaits du progrès occidental.

  2. L'immoralité règne partout - dans la culture, dans la vie sociale, dans les affaires, dans les modèles sociaux. Les gens sains qui subsistent en occident américanisé constatent que l'immoralité dominante vient de la classe bourgeoise et qu'elle l'impose à l'ensemble des sociétés occidentales : avortement et euthanasie, violences faites aux enfants, aux femmes et aux personnes faibles, le vol et le mensonge sont des activités licites et encouragées par les lois, mais aussi par la culture dévoyée. Au contraire, les attitudes respectant le droit naturel sont moquées, et souvent poursuivies pour protéger le soi-disant progrès de l'immoralité, souvent maquillé en "défense des droits".

  3. L'ignorance crasse règne partout [2], y compris dans les milieux professionnels. On ne compte plus les personnels de santé qui ignorent les rudiments des sciences et se bornent à répéter les slogans publicitaires des entreprises pharmaceutiques ou des agences de santé. La disparition dans des pays comme la France de toute industrie, produit la disparition de compétence parmi les ingénieurs et les autres techniciens. Par exemple, la décision idéologique prise il y a quinze ans de mettre fin à la filière nucléaire a poussé la bourgeoisie au pouvoir à cesser de former des étudiants susceptibles de travailler dans le secteur de l'énergie atomique, ce qui rend irréversible la "fin du nucléaire". Cette ignorance conduit à une remarquable soumission des peuples occidentaux à la propagande de la bourgeoisie occidentale. Les gens ont perdu tout sens critique. Cette ignorance vient bien entendu de la ruine complète du système d'instruction. La plupart des gens, y compris parmi les élites, ressentent la lecture comme une souffrance, n'écrivent jamais et ont de fait des difficultés à répéter un message même oral de plus de cinq mots.

  4. La mollesse de la société corrompue pousse les gens de tous milieux à adopter des habitudes nuisibles à leur santé. Cette mollesse sociale les enferme dans le conformisme respectueux de la propagande de la bourgeoisie. Les rares protestataires qui poursuivent la vieille "tradition" des manifestations sur la voie publique s'interrompent lorsqu'il s'agit de partir en vacances ou pour sauver au moins un jour du week-end. Ils se laissent "encadrer" par la police et respectent des interdits imposés par la bourgeoisie pour contenir leur colère et leur révolte. Le moindre effort physique, intellectuel ou moral inflige à la plupart des occidentaux une souffrance telle qu'ils y renoncent immédiatement.

  5. Cette décadence est imposée par la bourgeoisie américaine qui a, dès les années 30 avec Roosevelt, établi le mensonge et la félonie comme règles politiques dans tout l'occident de sa sphère d'influence. Certains imaginent y reconnaître du "machiavélisme". C'est une farce. Pour imposer la dictature de la bourgeoisie, la méthode utilisée est celle du chaos. Il faut déstabiliser chaque entité sociale, quelque soit la nation, en institutant le chaos. Dans les arts et la culture, dans l'instruction et l'éducation, dans la vie privée et les relations personnelles, entre les groupes sociaux quelque soit les critères distinctifs qui sont peu à peu interdits au nom des luttes contre la diversité et autres instruments de chaos.

L'Amérique est une barbarie

Historiquement, la société américaine s'est constituée sur la déviance sociale. Les premiers immigrants étaient en général des pervers et des déviants qui n'étaient pas parvenus à imposer leur loi dans les pays dont ils venaient : l'Angleterre, l'Irlande, la France, l'Allemagne, la Suède, ...

Sur place, ils ont commencé immédiatement une lutte mortelle destinée à éradiquer les peuples d'origine. Ils ont mis un peu plus de deux siècles pour y parvenir. Mais ils y ont parfaitement réussi. C'est le miracle américain qui a été légendarisé, mythisé avec le genre cinématographique du western, qui reste l'un des premiers exemples du mensonge idéologique et de manipulation de l'opinion publique.

A peine installés sur la côte Est, les colons ont recherché une main-d'oeuvre soumise et bon marché. Dans le Sud, ils ont utilisé l'esclavage africain et dans le nord l'esclavage du prolétariat, à telle enseigne que c'est aux Etats-Unis que Marx et Engels ont compris le moteur de la lutte des classes : l'oppression de la bourgeoisie. Simplement, Marx et Engels ont confondu l'un des instruments de la bourgeoisie, le capital, avec la véritable source de cette oppression, la barbarie de l'idélogie bourgeoise. Esclavage et prolétariat sont les deux instruments de l'oppression et le capital n'est qu'une modalité de même que l'idée d'une lutte des classes. De sorte que la prétendue opposition entre la dictature communiste et le libéralisme américain est une tromperie qui repose dès l'origine sur la ruse de Marx et de la bourgeoisie [3]. La barbarie que les "américains" dénoncent dans le communisme est exactement la même que celle qu'ils opèrent partout où ils s'implantent, l'esclavage du "travail libre" et de la "libre concurrence".

C'est encore la bourgeoisie américaine qui a organisé la montée du nazisme. D'abord par ses liens avec le patronat allemand [4]. Le nazisme servait la bourgeoisie américaine pour lui permettre d'accélérer la décadence de l'Europe. Quand en 1935, Hiltler cherche à se constituer une armée blindée, ses constructeurs automobiles Opel et Benz s'adressent respectivement à General Motors et à Ford. La première usine de construction de blindés allemands est sous licence et assistance technique de General Motors et la seconde de Ford [5].

Lors de la prétendue libération de l'Europe, les américains et leurs complices anglais ont systématiquement écrasées les villes européennes, même quand elles ne présentaient aucun intérêt militaire. Ce fut le cas de Dresde et de Hambourg en 1945. Ce furent les cas de nombreuses villes françaises qui étaient souvent tenues par les forces de la résistance [6]. La bourgeoisie américaine concevait sa guerre comme une occupation de l'Europe destinée à couvrir ses dépenses de guerre et à assurer sa propriété future. D'où la création de l'Amgott, qui devait couvrir la France que De Gaulle est parvenu à protéger.

Vers la destruction finale de l'Europe

Ces dernières années, la bourgeoisie américaine a inventé des sortes de thèmes sociaux desttinés à nourrir les instincts suicidaires des européens. Ces thèmes sont bien connus du progressisme occidental. L'adhésion à ces thèmes sont des marqueurs incontournables qui permettent aux progressistes de se reconnaître entre eux et de détecter leurs adversaires parmi ceux qui s'opposent à ces thèmes. Ce sont des assertions totalement mensongères à chacune desquelles les européens sont tenus d'adhérer pour être certains de suicider leur aire décadente. Une revue des principales d'entre elles pourrait être :

  1. L'immigration de misérables incultes est une chance pour l'Europe ;
  2. L'activité de l'homme par production de gaz à effet de serre est responsable du catastrophique réchauffement climatique ;
  3. L'humanité sera débarrassée des pathogènes qu'elle dérange des milieux naturels grâce au vaccin sûr et efficace;
  4. le sexe biologique est une catégorie dépassée remplacée par un genre ressenti ;
  5. les acquisitions de l'Histoire et de la Culture doivent être réévaluées en termes d'utilité sociale ou de convenance en faveur des minorités agissantes ;
  6. une vie humaine ne doit être conservée qu'autant qu'elle est digne d'être vécue ;
  7. les sociétés traditionnelles doivent être corrompues pour parvenir à une unique société ouverte.

Dans le chaos, tout est tohu et bohu. Et brayent stupidement les septs cavaliers du Néant. Pendant que l'Europe est le vassal effrayé d'un suzerain obèse et corrompu.


Notes et commentaires

[1] On peut raisonnablement estimer que Huntington, dont l'oeuvre a de nombreux mérites certainement, se fait lui-même une illusion à la fois sur l'Amérique et sur les civilisations. Pour qu'il y ait un choc des civilisations encore faut il qu'il y ait au moins deux civilisations face à face. Amérique et Europe manquent de cette qualité. Quant à Fukuyama pour qui la fin de l'Histoire proviendrait du progrès de la civilisation de l'Amérique qui aurait abordé au bonheur absolu dont plus rien dans l'Histoire ne pourra venir le perfectionner, il se moque effrontément de ses lecteurs.

[2] On peut recommander la lecture des ouvrages de Jean-Paul Brighelli et particulièrement son dernier essai 'La Fabrique du crétin. Vers l'Apocalypse scolaire', L'Archipel, 2022. Brighelli fait une analyse originale. Plusieurs autres auteurs avec des points de vue différents font le même constat :René Chiche, mais aussi Alain Bentolila, "De l'illettrisme en général et de l'école en particulier", Plon, 1998, et 'Comment sommes-nous devenus si cons ?', First éditions, 2021. Dans son dernier ouvrage, Brighelli a dénoncée la décadence de l'instruction publique comme une manoeuvre - il ne dit pas de la bourgeoisie - mais des politiciens giscardiens, atlantistes et européistes, datant du début des années 1970. Par cette manoeuvre, la bourgeoisie a mis en place une société comprenant 90% de crétins illettrés, parfaitement soumis aux fantaisies fanatiques de la bourgeoisie. On ne peut pas mieux dénoncer la décadence de l'Europe.

[3] Dans "La guerre civile aux États-Unis", K. Marx - F. Engels prennent partie pour les Etats du Nord contre les sécessionnistes, pour la bourgeoisie du "libre travail" contre l'esclavage. En réalité, le "travail libre", la libre concurrence, sont les mensonges majeurs de l'oppression de la bourgeoisie américaine soutenue en 1865 par Marx et Engels. On ne peut mieux montrer la redoutable identité de l'Amérique avec les dictatures qui ont ruinées l'Europe.

[4] On peut lire William Shirer, Le Troisième Reich. Des origines à la Chute, édité d'abord aux USA en 1960. Dans cet ouvrage, le rôle de Krupp et Thyssen est parfaitement décrit.

[5] Lire par exemple Ford and GM Scrutinized for Alleged Nazi Collaboration", By Michael Dobbs, Washington Post Staff Writer, Monday, November 30, 1998; Page A01. Dans le même temps, la bourgeoisie américiane réécrit l'Histoire. Dans un article intitulé "Hitler Hated Them: America’s Tank Destroyers Kicked Butt in Europe", dans la Revue Neo-cons The National Interest le 24 Juillet 2021, sur le reprint d'un article de 2016. L'article de The National Interest est en trois parties. Il décrit l'histoire des chars américains tueurs de chars allemands progressivement mis en place à partir de 1942. L'article évite soigneusement de citer Ford ou General Motors et encore moins d'évoquer que les chars nazis à détruire étaient sous licence américaine ...
Dans le quotidien bourgeois britannique, The Guardian, on peut lire "Nazi documents reveal that Ford had links to Auschwitz". On peut multiplier les sources. Il faudra les trier.

[6] Lire dans la Revue Gaullisme : Éric Branca : « Face à l’unilatéralisme américain, les leçons toujours actuelles de la politique étrangère de De Gaulle », Publié le 23 mai 2022.


Revue C-Politix (c) 3 Octobre 2022