La voie administrative pour ruiner la RépubliqueDans un article récent A Century Of Impotency: Conservative Failure And The Administrative State, le politologue américain Theo Wold décrit la décadence du système républicain dans le régime américain. Selon l'analyse de Wold, le régime républicain se caractérise par l'indépendance des trois pouvoirs de la République : le Législateur, le Juge, le Gouvernement. Cette séparation des trois pouvoirs est une découverte des vieux Romains. Elle sera représentée au XVIII°siècle par Montesquieu, puis par beaucoup d'autres penseurs politiques. Selon Wold, cette idée de la République est intrinsèque à la Constitution des Etats-Unis. Mais, un juriste "US-Democrat" du nom de James Landis travaillant dans l'Administration Roosevelt a furni aux "US-Democrats" le développement doctrinal qui fonde la théorie et la pratique du gouvernement moderne. Selon Wold, la doctrine de Landis part du constat que la séparation des trois pouvoirs républicains est devenue obsolète à cause de la complexification de la vie publique moderne. En effet, les trois pouvoirs sont pourvus par des politiciens dont la formation les rend impropres à assurer une direction efficace de la société moderne. Par contre, s'est développée une caste de fonctionnaires rompus à la complexité des affaires publiques modernes. Ils constituent ce que l'on appelle depuis l'Administration et qui culmine aux USA sous formes d'agences gouvernementales. Leur nombre confine à l'absurde (Lire l'article Wikipédia https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_federal_agencies_in_the_United_States Landis aurait étendue la notion déjà mise en oeuvre de l'administration soumise à l'autorité du gouvernement et qui assure la mise en oeuvre de simples impulsions politiciennes en de véritables règles de gouvernement qui s'imposent aux trois pouvoirs de façon que ces règles effacent toute séparation des pouvoirs. Landis a poussé ainsi Roosevelt et les "US Democrats" à transformer un régime politique basé sur des politiciens issus du peuple de la démocratie en un régime déterminé par les experts choisis par les universités. Pour faire accepter cette mutation qui écarte du pouvoir réel les politiciens élus - toutefois persuadés d'être les seuls à disposer de l'un des trois pouvoirs - Landis a imaginé de constituer chaque agence gouvernementale selon les trois pouvoirs : Législation, Justice et Exécutif. C'est la "three-branches-in-one-agency theory" qui permet de dissimuler un peu mieux le coup d'état réalisé par les fonctionnaires. L'effet est radical selon Wold :
Wold note que la montée de la puissance bureaucratique est le fait du Parti Démocrate tandis que le Parti Républicain fait défaut dès lors qu'il s'agit de lutter contre cette bureaucratie même quand les Républicains y voient le danger mortel. Wold note cependant quatre tentatives de résorbtion de la bureaucratie :
Wold note que le mouvement de "dérégulation" part d'un bon sentiment, mais qu'il est inefficace quand le corps de fonctionnaires est toujours là. Dès qu'une règle est abrogée par le pouvoir politique - généralement républicain - , la bureaucratie en recrée mille pour dissimuler qu'elle continue d'imposer la règle supprimée. Wold écrit :
Travaillant dans l'hypothèse d'une victoire d'un candidat républicain, Wold énumère les conditions qui doivent être assurées pour envisager le moindre succès. Notamment, le peuple américian doit être prévenu de la situation qui sera créée pendant la campagne électorale. Le Congès - le Parlement en France - doit être intéressé par le processus avant qu'il ne soit déclenché, de sorte qu'il doit aussi être dominé par le Parti Républicain. Et Wold identifie troies voies nécessaires :
Ici, je voudrais intervenir par deux réflexions. Cette dernière obligation identifiée par Wold est en effet devenue un risque majeur pour la démocratie. Théorisée en "partenariat public - privé" par les élites du World Economic Forum, de la Banque Mondiale et de bien d'autres agences internationales - la cession de la gestion des affaires publiques à des intérêts privés a fait des avancées considérables ces dernières années. Ainsi en santé publique, le milliardaire Bill Gates, qui possède plusieurs ONGs dévolues à l'organisation de partenariats public- privé, mais aussi plusieurs grandes entreprises de pharmacie comme Pfizer - domine maintenant totalement le marché mondial des vaccins. Mais, il y a encore pire. On a découvert - notamment en France - que des entreprises privées - comme le cabinet McKinsey - étaient substituées aux agences étatiques qui formaient jusqu'à présent la bureaucratie étatique partout en Occident et ailleurs. La corruption introduite par ces "partenariats" est absolument immense. Mais, là aussi, lutter contre ces "partenariats" exige que le pouvoir politique détruise systématiquement ces entreprises privées. Les laisser survivre ruinerait tout plan de reprise en main par le politique, par le souverain, des affaires publiques. Or, du moins en Occident, le souverain est encore nominalement le peuple. C'est la raison pour laquelle la plupart de nos républiques sont démocratiques. Et le simple caractère électif de la démocratie, auquel se borne le plus souvent la démocratie, ne doit pas faire oublier que le peuple est le souverain et jamais une entreprise privée, ni même un groupe d'entreprises privées. Et ce que le souverain a concédé - par faiblesse - le partenariat public - privé - il peut le reprendre à sa guise. Il y a un vieux dicton français qui résume la situation évoquée ici : "il y a loin de la coupe aux lèvres" ... Enfin, pour conclure mon intervention en marge de la lecture passionnante de Theo Wold, je voudrais insister sur le fait que la complexité des affaires publiques modernes est une fable. C'est seulement parce que la République se transforme en tyrannie qu'elle veut tout contrôler par la Loi. Alors la Loi, les affaires publiques, deviennent absurdement complexes. Quand la loi se mêle du détail de l'organisation sociale, elle s'établit en organe de la tyrannie. Une grande part de la complexité prétendue des affaires publiques modernes provient de cette tyrannie qu'il conviendrait de détruire. |