L'assaut de l'occident américanisé contre la Russie - La géopolitique du siècle

Philippe Brindet - 20 Novembre 2022

Suite à la chute de l'URSS, une coopération profitable avec la Russie était possible

L'affirmation récente de la volonté géopolitique de la Russie permet de constater une véritable confrontation entre deux mondes qui s'opposent par leurs bords adjacents. L'idée que tout opposerait l'occident américanisé à la Russie ne résiste pas à la plus légère analyse. La Russie et l'occident sont faits pour coopérer, notamment commercialement, mais aussi industriellement, ce que les deux blocs ont fait jusqu'à maintenant malgré les oppositions frontales. L'Amérique a besoin des minerais de la Russie, mais aussi de sa technologie spatiale, de ses moteur-fusées. L'Europe a besoin de l'énergie russe - pétrole et gaz - de sa technologie atomique civile, mais aussi de ses produits agricoles : blé, maïs, tournesol, ... Et la Russie peut acheter les machine-outils allemandes, les voitures françaises, les produits agro-alimentaires, ... Et elle achète beaucoup à la Chine, ou à l'Inde, ...

Mais l'occident pourrait être prépondérant dans le commerce avec la Chine. Même jusqu'à fournir des navires militaires tant que les Etats-Unis n'y mettent leur holà [1] ...

Depuis près de dix ans, les maîtres étatsuniens imposent des sanctions économiques de plus en plus contraignantes au commerce et à l'industrie russes pour limiter le développement de la Russie. Ces sanctions sont conçues par les américains pour empêcher les entreprises européennes notamment de faire des affaires avec les entreprises russes. De sorte que les sanctions contre la Russie - de même que celles contre l'Iran - sont faites aussi pour imiter le développement économique de l'Europe. L'invasion de l'Ukraine par la Russie a déchaîné les sanctions que les Etats-Unis ont aussi imposé à l'Europe de prendre contre la Russie au mépris de ses intérêts. Et l'Europe politique s'est soumise à son suzerain. Du coup, elle subit sa plus importante récession depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Et l'assistance militaire de l'occident américanisé à l'Ukraine dans sa résistance à l'agression russe peut faire craindre une inflammation du front entre l'Europe et la Russie.La lenteur et la modicité des moyens militaires mis en oeuvre par la Russie pourraient provenir du souci de ne pas laisser le conflit s'étendre au delà d'une certaine limite.

L'asservissement de l'Europe à l'Amérique

Il faut bien constater que, depuis quarante ans, l'Europe a perdue l'occasion de se construire comme un bloc autonome, mais coopérant entre la Russie et l'Amérique. La première raison réside dans l'effondrement politique de l'Europe provoquée par l'extraordinaire nullité de son personnel politique, à la fois ignare et corrompu. La deuxième raison se trouve dans la constante érosion de la valeur des citoyens européens qui ont certainement régressés dans une barbarie et une ignorance ahurissantes. Or, l'Europe a si peu de ressources naturelles qu'elle a été contrainte, dès le 16° siècle, d'aller les chercher ailleurs. Et, pour les chercher et les exploiter, l'Europe avait développé un personnel politique entreprenant et des sciences et techniques et des cultures supérieure à tout ce qui s'était constaté jusqu'alors.

Le malheur a voulu que ses avantages civilisationnels aient poussé la population européenne à une incommensurable sottise : elle a imaginé constituer une "race supérieure". Cette croyance tératogène a culminé avec l'Allemagne nazie. Elle a engendré la ruine de l'Europe. L'Europe a bien tenté de se relever. Mais, elle a rencontré la volonté de puissance des Etats-Unis. A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les Etats-Unis se sont constamment donnés comme objectif de soumettre l'Europe. Aujourd'hui, c'est chose faite. Il n'y a plus à en discuter. Nous autres Européens sommes les ilôtes des étatsuniens.

L'Amérique après l'asservissement de l'Europe, se tourne vers la Russie

Or, la chute de l'Union Soviétique a ouvert d'un coup l'appétit des Etats-Unis. Ils se sont rués sur un Etat en décomposition avec une population complètement démoralisée, au bord de la famine d'ailleurs. Avec un personnel politique complètement nul, épuisé par les folies du marxisme-lénisme que la perestroïka de Gorbachev a été incapable de remplacer. Comme toujours dans les pays occupés, une classe d'opportunistes qu'on a vite désignés sous le terme d'oligarques, alors qu'ils n'étaient que les collaborateurs de l'occupant américain, s'est établie pour mettre le pays en coupe réglé au bénéfice des entreprises américaines liés au pouvoir politique de Washington. Et ce partenariat public - privé américain pour piller la Russie et ses richesses a suscitée une volonté de puissance irrépressible : les Etats-Unis, après la prise totale du contrôle de l'Europe, voulaient s'assurer le même contrôle sur la Russie.

La résistance gaullienne de Poutine

C'est alors qu'il s'est produit un événement très désagrable à la fois pour les américains et pour les européens. Un homme sans aucun pouvoir, un homme tenu pour limité et sans intelligence, même politique, un simple exécutant du redouté KGB, s'est levé et en quelques mois est parvenu à l'orée du pouvoir russe. Poutine a vécu l'effondrement de sa patrie comme une humiliation sans précédent dans l'Histoire. Il s'est laissé porter par sa rigueur et sa droiture dans un milieu complètement corrompu. Il n'a certainement jamais estimé avoir un destin qui le guiderait. Il a seulement voulu faire son devoir de Russe. Et, pour les politiciens russes qu'il rencontrait, Poutine est apparu comme la dernière chance de salut pour la Russie. C'est du moins ce qu'a pensé Boris Eltsine, le terrible premier Président de la Fédération de Russie, terrassé par l'alcoolisme, somptueusement grugé par Bill Clinton et l'establishment américain [3], et malgré tout conscient qu'il suivait une pente fatale sur laquelle il entraînait la Russie, que seul Poutine pouvait sauver la Russie.

Les portraits à charge de Poutine ne manquent pas. C'est l'imagerie voulue par les occidentaux, d'un Poutine corrompu, dictatorial. Heureusement pour nous que certains observateurs ne se sont pas laissés emporter par la propagande occidentale [2]. Mais, Poutine est entouré d'un évident brouillard qui nous le rend largement incompréhensible. L'effrayante nullité de l'ensemble des politiciens occidentaux, américains et européens mêlés, jointe à la croyance qu'il n'existe aucun destin qui ne soit collectif, nous rend inadmissible l'existence même d'un Poutine. "Pour qui se prend-il", vitupère le brave occidental, habitué à la "pensée de groupe". Pourtant, Poutine existe et avec lui se sont assemblés des politiciens de premier ordre, comme le diplomate Lavrov ou Medvedev. Mais, nous les connaissons mal, parce que nos maîtres américains ne veulent pas que nous les connaissions.

La guerre en Ukraine, manifeste la soumission européenne et peut déboucher sur l'asservissement de la Russie

La guerre en Ukraine, indubitablement déclenchée par Poutine, mais peut être suite à une manoeuvre géopolitique des américains, place la géopolitique américiane d'asservissement de la Russie face à la rebellion de la Russie. C'est la rauison pour laquelle, les américains ne peuvent pas se permettre que cette guerre se termine autrement que par la défaite - improbable - de la Russie. Notre problème c'est que les américains ont commencé par lancer l'affrontement jusqu'au dernier Ukrainien, et qu'ils ont l'intention, après celà, de poursuivre jusqu'au dernier européen.

A cette issue, la Russie aura t'elle été vaincue ? Probablement pas. Mais nous n'en savons rien.

D'autant que les américains sont en train de commettre l'erreur fatale de l'Europe du XIX° siècle : se prendre pour la race supérieure à laquelle tous doivent obéir.

Mais l'Amérique est sur la pente fatale de l'Europe ...

Déjà, leurs politiciens sont marqués par la sénilité et par leur ignorance abyssale et la population américaine doit compter sur des étudiants étrangers pour pourvoir aux emplois supérieurs. Les Américains sont habitués à ce que leurs cadres proviennent de l'immigration et ils ne sont pas alarmés par cette situation. Malheureusement, le problème réside surtout dans la formation catastrophique de leurs populations non supérieures, constituant 95% de la population américaine. La formation de ces individus est complètement défaillante. Tout comme en Europe, mais avec dix ans d'avance, la majorité des américains est composée de gens illettrés ou très mal lisant et à peu près incapables d'écrire. Le "miracle" de l'informatique leur permet cependant d'assurer encore quelques tâches administratives secondaires.

Aujourd'hui, sans les Ukrainiens, encore plus incultes qu'eux, les Américains seraient incapables de se confronter militairement à la Russie. Or, la Russie n'est pas un danger pour l'Amérique. La Chine et ses 6 millions de soldats, très bien équipés et idéologiquement entraînés, si.

Sauf annulation des causes de sa décadence, l'Amérique ne pourra pas longtemps assurer sa suprématie. Et ses vassaux pas mieux. Malgré cela, on verra qu'il existe une mouvance politique anti-russe tenue par de très vieilles rancunes religieuses. ( à suivre ...)



Notes

[1] Voir l'affaire des Mistral français, interdits de vente par les américains (2015) revendus aux frais de la France aux Egyptiens, ... Lire par exemple https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_des_Mistral

[2] Voir le documentaire de l'américain Oliver Stone "Conversations avec Poutine" (2017) (https://archive.org/details/ConversationsAvecMrPoutinecomplet2017OliverStoneTelechargerPluzz), et son livre du même titre (https://livre.fnac.com/a10902580/Oliver-Stone-Conversations-avec-Poutine).

[3] L'époque Eltsine a été une période dans laquelle la Russie était pratiquement sous administration américaine, envahie qu'elle était pas les "conseillers " de toutes sortes à commencer par Jeffrey Sachs de la Banque Mondiale, jusqu'à des officiers de la CIA installés dans chaque entreprise russe et qui organisaient méthodiquement leur pillage. En 1945, les américains avaient été plus "discrets" à l'aide du plan Marshall et De Gaulle avait fait ce que Poutine refera 50 ans après. L'article de Wikipédia (https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9int%C3%A9gration_de_la_France_dans_le_commandement_int%C3%A9gr%C3%A9_de_l%27OTAN) montre la vigueur de la position gaulliste et l'effarante soumission de la position prise par Sarkozy et Fillon en 2009.



Revue C-Politix (c) 20 Novembre 2022