Le missile ukrainien en Pologne. Deux observations1 - Les faitsLe 15 novembre 2022, lors d'un intense bombardement de tout le territoire ukrainien par des missiles et des drones russes, au moins un missile a frappé un village polonais proche de la frontière ukrainienne. Le missile a explosé près d'un tracteur, tuant deux paysans polonais. Immédiatement, le régime kiévien a hurlé contre cet acte de guerre ouverte contre la Pologne, puisqu'il s'agissait d'un missile russe. Rappelant que la Pologne est membre de l'OTAN, le régime kiévien exige que l'OTAN fasse jouer les clauses du Traité l'engageant immédiatement dans une guerre totale contre la Russie pour défendre la Pologne, l'un de ses membres. Or, il se trouve que les chefs d'états occidentaux étaient déjà rassemblés autour de leur suzerain, le sénile Biden au G20 de Bali. Avec la prudence qui les caractérise, le gang des occidentaux a immédiatement annoncé que le monde était dans une situation de guerre totale contre la Russie, mais qu'il fallait étudier sérieusement la situation. La tactique est cent fois éprouvée : je montre mon intention très peu secrète - détruire la Russie - mais je laisse une porte ouverte pour poursuivre une situation capable de contrarier la Russie sans que cela me coûte trop cher. La presse occidentale s'empare évidemment de l'affaire du "missile russe frappant lâchement la Pologne". J'ai rapidement parcouru le paysage télévisuel français. LCI, LCP, CNews, BFM TV, C8 et d'autres se sont rués sur la question de savoir si l'OTAN allait mettre en branle les mécanismes de l'article 4 ou ceux de l'article 5 de son Traité organisateur pour châtier cet acte inadmissible de la Russie. A peine le matin du jour suivant levé, les dirigeants occidentaux, à l'exception du kiévien et du polonais - décidément enragé contre la Russie - ont insinué qu'on était allé trop vite en besogne, que le missile était assurément de fabrication russe, mais que cela ne signifiait pas qu'il fut lancé par l'armée russe. La journée s'avançant, on apprend qu'il s'agit d'un missile appartenant à la famille de missiles anti-aérien S-300, indubitablement de fabrication russe. Malheureusement, sa portée exclut qu'il fut tiré depuis une zone d'action de l'armée russe et qu'au conraire, les S-300 datant de l'époque soviétique, équipent les troupes kiéviennes. Peu après, certaines sources donnent le type exact du missile S-300. Il s'agit de l'un des modèles les plus anciens tirés par les S-300, qui ne sont plus en activité dans l'armée russe depuis vingt ans, mais qu'on en trouverait dans l'arsenal kiévien. Kiev et Varsovie poursuivent encore leurs invectives contre la Russie, mais, les autres dirigeants occidentaux, Biden en tête, commencent à opérer un "retrait stratégique" sur l'affaire du casus belli russe en Pologne. Sans se démonter, la presse occidentale suit le mouvement sans trop insister. En fin de journée, "on" parlait d'autre chose. 2 - La question des traités d'assistance militaire et le risque de guerres mondialesEpiloguer sur cette sinistre affaire est très peu intéressant. Cependant, on ne peut manquer d'évoquer les cas de déclenchement de la Première Guerre Mondiale, puis de la Deuxième Guerre Mondiale. A chaque fois, il existe des Traités d'assistance militaire, assistance mutuelle ou non, peu importe. L'un des membres de l'Alliance est attaqué et les autres se joignent "automatiquement" à lui pour "résister" à l'agression. La France est entrée en guerre en 1939 contre l'Allemagne, parce qu'elle avait attaquée la Pologne, à laquelle la France était liée par un traité d'assistance militaire. La Grande-Bretagne, liée par un accord du même genre avec la France, se mêle de l'affaire. Du coup, l'Italie liée à l'Allemagne entre à son tour dans la guerre et tout s'embrase. On remarque cependant que la Tchécoslovaquie, "protégée" par le même genre d'accord, n'a été défendue par personne. L'assassinat de l'Archiduc autrichien par un serbo-croate, bosniaque de surcroît, est tenu comme un acte de guerre commis par la Serbie - c'était un mensonge - et tous les Etats des alliances se mettent en guerre, par principe et pour empêcher un conflit de s'étendre ... Le vieux truc éculé de la guerre préventive. Dans l'affaire du missile de fabrication russe, frappant un tracteur polonais, on voit le rôle que joue les factions bellicistes - ici certains dirigeants politiques et la presse majoritaire - dans l'excitation de l'intelligence géopolitique des gens qui prétendent diriger l'occident depuis le début du XX° siècle. Souvent des "machiavels" de plateaux télévisés qui jouent un rôle central pour "représenter" et même "constituer" l'opinion publique, faisant croire qu'elle est en faveur de la guerre. Ajoutez à celà des politiciens qui pensent pouvoir utiliser à leurs profits une situation de guerre étendue. Le ridicule de la situation qui consiste à maquiller un accident de tir kiévien en acte de guerre de la Russie échappe encore à certains. Mais l'idée que la Russie, le plus grand Etat du monde, puisse attaquer la Pologne, petit état européen, en détruisant ... un tracteur en rase campagne, n'échappera probablement pas à nos descendants quand ils liront - s'ils savent encore lire - l'Histoire de notre époque - si tant est qu'elle sera encore écrite. Mais, il y a folie à prévoir diplomatiquement - le Traité de l'Atlantique Nord - comment déclencher une nouvelle guerre mondiale sur des prétextes figés dans le marbre des documents diplomatiques, élevés inconsidérement en textes fondateurs du "droit international". Manifestement, les dirigeants occidentaux n'ont rien appris des deux précédentes guerres mondiales. Ou alors ils l'ont trop bien compris. 3 - L'utilisation de faits réels par la propagande occidentaleJ'ai déjà écrit ailleurs que la République avait disparue et la démocratie qui restait était devenue une menace pour les peuples [1]. J'accusais l'alliance entre une caste d'intérêts privés et des politiciens véreux d'endormir la confiance - ou la méfiance - des peuples par le mensonge de la propagande et de la censure alliées. La presse du régime qui se constitue ainsi sur les ruines de la république est l'instrument central de la propagande. Mais l'affaire du "tracteur polonais" me semble montrer un autre fait social qui m'avait certainement échappé jusqu'à présent. La presse - surtout télévisée - est certainement un organe de propagande [2]. Mais elle sert au régime à une autre fonction politique qui découle de l'effet "dormitif" de la propagande sur l'esprit public. La presse du régime lui permet de "simuler" l'opinion publique. L'opinion publique n'a plus aucune espèce d'importance pour la classe politique, de même que l'électorat n'a plus aucune importance pour la vie démocratique de la désignation des dirigeants politiques. Presque partout et presque toujours en occident américanisé, nous votons pour désigner des gens qui sont tous identiques quelque soiit leur parti. Notre suffrage est donc devenu inutile. Seuls sont présentés à nos suffrages les gens désignés par la caste des intérêts privés qui nous concède imàpérialement le droit de les élire .... Le peuple de la démocratie a été annulé par la corruption de la démocratie. Mais l'affaire du tracteur polonais montre un autre fait social d'une importance croissante. Autrefois, entre deux élections, les politiciens choisissaient des décisions en fonction de l'opinion publique. Si elle leur était défavorable, ils avaient tendance à prendre une décision suivante qui leur concilierait cette opinion publique, parce qu'elle serait l'opinion électorale qui sortitait des urnes à la prochaine élection [3]. Les politiciens ont donc développée la propagande d'abord pour former l'opinion publique favorable à leurs décisions, puis la censure pour empêcher que l'opinion publique échappe à la propagande. L'affaire du tracteur polonais montre qu'on a franchi un pas de plus. Propagande et censure ne servent plus seulement par la presse à "former" l'opinion publique. La presse a été chargée d'être elle-même l'opinion publique et bien entendu entièrement favorable au régime politique dont elle émane. Moins visible dans la presse écrite et "traditionnelle", cette réalité, nouvelle peut être, éclate au visionnage des émissions de télévision qui rassemblent sur un plateau de télévision, devant des millions de téléspectateurs muets, des acteurs de télévision, payés par le pouvoir en place, pour représenter l'opinion publique, pour être l'opinion publique. Ils parlent tous comme il faut que nous pensions. Plus encore, ils parlent tous comme nous pensons après l'action de la propagande. Et enfin, ils parlent comme l'opinion publique salariée du régime au pouvoir. Le régime se sert maintenant de la presse comme si c'était elle qui était le peuple de la République, le peuple de la démocratie. Et nous les citoyens sommes devenus les images des acteurs de plateaux télévisés. Autant dire que dans nos républiques ruinées, dans nos démocraties corrompues, nous ne nous représentons même plus nous-mêmes. Nous devenons d'évanescentes figures de plateaux télévisés, de simples reflets qui avons besoin de nous placer devant l'écran de télévision pour avoir une existence politique animée par les journalistes, experts et autres invités de plateaux télévisés. Les dirigeants politiques nous ont annulés depuis longtemps. Et le tracteur polonais, nous y croirions encore si nos dirigeants avaient jugés bon que la réalité fusse celle que nous ont présentés dans la soirée du 15 Novembre 2022, l'ensemble de la presse et des plateaux télé.
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Notes[1] Même aux Etats-Unis, la République est menacée par un simulacre de démocratie, Philippe Brindet, revue C-Politix - 12 Novembre 2022. [2] La propagande occidentale est toxique pour l'occident, Philippe Brindet, revue C-Politix - 10 Novembre 2022. [3] Les paris perdus du régime occidental américanisé, Philippe Brindet, revue C-Politix - 24 Octobre 2022. Autres sources d'analyse de l'événement :
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