Les contre-offensives de l'OTAN en Septembre 2022

Philippe Brindet - 12 Septembre 2022

Les nouvelles militaires

La première contre-offensive de l'OTAN a eu lieu sur le front sud de Kherson. Aujourd'hui, il semble que cette première contre-offensive soit éteinte.

La deuxième contre-offensive de l'OTAN a eu lieu sur le front nord de Kharkov. Cette contre-offensive suivrait deux colonnes vers l'est :

  • la plus au nord utilisant 2.500 hommes et
  • la plus au sud environ 12.000 hommes.

Ces deux offensives ont eu lieu sans préparation d'artillerie ou de bombardements aériens. Malgré cela, l'avancée des troupes de l'OTAN serait de plus de 50 kilomètres vers l'Est, ce qui est considérable.

Il est possible d'estimer que le front russe s'est effondré dans la région de Balakleya.

La réplique russe est en cours, mais elle n'est probablement pas encore connue. On sait que :

  • les troupes russes font retraite devant l'avancée des troupes de l'OTAN ; et
  • des bombardements de missiles ont eu lieu dimanche sur les centrales électriques de l'est ukrainien de sorte qu'environ 50% du réseau électrique ukrainien est actuellement éteint.

Appréciation de la situation militaire

La reprise de territoires russes par l'OTAN fait peser une forte menace pour la sécurité des populations russophones qui seront accusées de collaboration et, probablement, l'épuration est déjà en cours. On sait que, parmi les troupes de l'OTAN de l'offensive de Kharkov, se trouvent des troupes de nettoyage ethnique : les brigades Krakken.

On s'interroge sur deux limites graves de l'opération spéciale russe :

  1. tout d'abord, le fait d'opérer au milieu de populations russophones que la Russie a le projet de libérer de l'oppression ukrainienne, conduisait la Russie à ne pas donner un format trop important à l'opération spéciale qui apparaît aujourd'hui plus que depuis le 24 février 2022 une sorte d'opération de "police" destinée à "dompter" de vulgaires "bandits" qui oppriment les populations russophones.
  2. Mais, du coup, l'armée russe a mis en place un dispositif insuffisant pour lutter au sol contre les troupes de 'l'OTAN. Il est clair que les russes imaginaient avoir à se battre contre des troupes ukrainiennes dont la compétence ne leur semblait pas très élevée. A cause notamment de l'injection massive d'aide militaire - plus de 82 milliards de dollars en six mois - il est évident que les troupes ukrainiennes ne sont pas l'ennemi unique que se croyaient les militaires russes. Il s'agit en réalité de troupes de l'OTAN, utilisant du matériel OTAN, des instructeurs et des conseillers OTAN et probablement des troupes OTAN venus de Pologne et des Etats Baltes certainement, même si nous ne disposons pas de source pour renseigner cette hypothèse.

Si l'OTAN consolide sa percée dans l'oblast de Kharkov, elle aura le choix entre :

  1. remonter au Nord pour attaquer la Russie et notamment sa voie d'approvisionnement de son opération spéciale par Belgorod ;
  2. descendre au sud vers Louhansk et possiblement Donetsk pour poursuivre la reconquête du territoire ukrainien.

Le premier choix contraindra la Russie à déclarer la guerre à l'Ukraine, et peut être à l'OTAN. La réplique russe serait alors probablement d'utiliser le gros de ses forces pour envahir les Etats Baltes et la Pologne. On sait par ailleurs, qu'on se situerait à la limite de l'emploi d'armes nucléaires stratégiques par la Russie. Ses cibles ? Les Etats-Unis pour un conflit mondial ou l'Europe de l'Ouest pour un conflit limité.

Le deuxième choix de l'OTAN ferait entrer l'OTAN dans le cadre restreint de l'opération spéciale russe. L'OTAN n'y a pas forcément un grand intérêt.

Appréciation de la situation géopolitique

Si la contre-offensive de l'OTAN est une surprise, il faut aussi noter plusieurs autres faits importants.

L'Inde et la Chine viennent de démontrer avoir augmenté leur tendance à constituer un front uni avec la Russie contre l'Occident. L'ouverture d'un front de conflit avec les Etats-Unis sur Taïwan et/ou plus au nord avec la Corée du Nord serait une stratégie possible. Et on note la montée en puissance de plusieurs conflits potentiels :

  • La Serbie se sent très mal à l'aise avec l'Albanie et le Kosovo dont l'activisme est travaillé par les britanniques et l'OTAN. La Serbie pourrait ouvrir un nouveau front qui pourrait s'appuyer avec la Transnistrie si les russes veulent ouvrir un nouveau front vers Odessa.
  • La Hongrie est de plus en plus mal à l'aise avec l'Union européenne et l'OTAN qu'elle est contrainte quasi militairement de soutenir dans leur lutte contre la Russie. Et si la République tchèque est encore plus pro-OTAN qu'elle, cette dernière est exaspérée par les sanctions économiques qui la frappent par résultat. L'OTAN n'est donc pas assurée sur les arrières de son front ukrainien.
  • La Turquie semble accroître son agitation face à deux théâtres qui l'exaspère depuis trente ans : la zone Syrie-Irak, notamment avec la constitution d'un quasi Etat kurde qu'elle considère comme une menace inadmissible ; mais, de plus en plus, avec la Grèce. Actuellement, entre l'OTAN et la Russie, la Turquie choisit "plutôt" la Russie. Que sera-ce dans quelques heures ?
  • Un autre fait encore plus important réside dans le résultat "inattendu" des sanctions économiques contre la Russie. Les Etats de l'union européiste se sont engagés dans une politique de prétendues sanctions économiques contre la Russie de l'opération spéciale en Ukraine. Or, il semble que leur effet soit pratiquement insensible en Russie qui, au contraire voit des recettes en exportation de matière première s'envoler ce qui lui permet de financer son effort de guerre. Mais il y a bien plus grave. Il semble que, déjà frappé par l'effet destructeur des mesures économiques et sociales prises à l'occasion de la pandémie de SARS-CoV-2, l'union européenne s'était déjà engagée dans une récession marquée par une très forte inflation partiellement masquée par le bas coût de l'énergie russe.

    Les sanctions économiques contre la Russie ont fermées presque complètement les exportations de matière première russe vers les Etats de l'union européenne. Or, sans énergie, il n'y a plus d'économie moderne. Et cette union européenne est totalement incapable de retourner à l'état préhistorique d'une économie avec une énergie très "raréfiée". Pour l'instant, les USA résistent à l'effet négatif des sanctions qu'ils ont en pratique imposés aux européistes. Mais, la politique sanitaire de la Chine contre la Covid l'a pousse à réduire ses exportations y compris vers les USA. Et son alliance avec l'Inde et la Russie ne favorise pas un retour à la "raison commerciale".

    On a noté ces dernières semaines que les européens n'avaient plus un kilo d'équipement militaire à transférer en Ukraine. Pire, le complexe militaro-industriel a été contraint d'informer les USA qu'il n'avait plus assez de munitions et plus de matériel en stock pour alimenter la guerre en Ukraine. Est-ce vrai ? Est-ce un chantage pour débloquer de nouveaux crédits ? On ne sait. On verra demain.

    Demain n'est jamais certain. Aujourd'hui, il est même devenu très incertain. Et çà change tout. Mais, il est possible que l'OTAN - si il poursuit quelques gains territoriaux en Donbass - ait avantage à ordonner à l'Ukraine de négocier la paix avec la Russie ....





    Revue C-Politix (c) 12 Septembre 2022