Observations du catholicisme romain - Affaire Vigano

Philippe Brindet - 28/06/2024

La situation d'ensemble du catholicisme romain

Ecrire sur le catholicisme romain, de l'intérieur, est une épreuve difficile. Tout auteur est confronté à un dilemme.

  • ou bien, ayant adhéré à la ligne de la hiérarchie sacerdotale, il se borne à répéter des pensées pieuses et respectables, approuvées par le clergé. De tels écrits n'ont pas d'autre ambition que de démontrer la soumission de l'auteur à la hiérarchie ecclésiastique et personne ne lui en demandera davantage ;
  • ou bien, emporté par l'esprit contestataire - de plus en plus affaibli en occident - l'auteur se livre à des critiques tenues pour inconsidérées par la hiérarchie catholique et donc vilipendées par les fidèles soumis, mais que les adversaires du catholicisme liront avec un fin sourire moqueur, n'ayant aucun intérêt à en apprendre davantage.

A titre de troisième remarque liminaire, je ferai observer à mon lecteur que dans tous les Etats occidentaux, le catholicisme romain est dans un état de délabrement très peu comparable avec des situations antérieures. Le clergé catholique dont le catholicisme est entièrement tributaire, est lui-même dans une situation ahurissante. Il est divisé en de multiples tendances la plupart du temps incapables de se regrouper pour atteindre le moindre objectif ecclésiastique. On peut dénombrer :

  • les romains qui, quoi qu'il se passe, sont soumis au moindre caprice des autorités du Vatican ;
  • les conservateurs qui sont effrayés à l'idée impie de ne pas se soumettre à l'esprit du Concile Vatican II, réputé avoir redéfini ce qu'est le catholicisme jusqu'à la fin des temps. S'ils adviennent ...;
  • les progressistes qui ont parfaite conscience d'avoir enfin remporté le pouvoir sur le dernier pape conservateur : Benoît XVI ;
  • les traditionalistes qui, dans la mesure où on les laisse célébrer leur culte en latin, sont à peu près indifférents à la situation actuelle puisqu'ils vivent dans un monde figé à l'époque de la Contre-Réforme ;
  • les intégristes qui sont des intellectuels, vaguement juristes, vaguement politiciens, et qui ferraillent sur des idées éternelles contre celles issues de l'époque moderne, généralement celle du XIX° siècle ...

Les fidèles - de plus en plus rares - ne s'encombrent pas, bien entendu, de telles absurdités. Généralement, ils répètent sans se lasser ce qu'ils font depuis 5, 20, 15 ou vingt ans, tenant cette habitude pour la preuve de l'inébranlabilité de leur foi. Autrement dit, les folies que les curés leur ont fait commettre il y a quelques années ont remplacé tout ce qu'ils croyaient quelque soit la tendance catholique dans laquelle ces fidèles évoluent. Et si vous appartenez à une autre tendance, il est parfaitement impossible de leur faire comprendre qu'ils sont simplement devenus des traditionalistes d'une autre tendance ...

Cependant, deux événements majeurs ébranlent peu à peu leurs certitudes. Ou, du moins, les environnent d'un lourd climat anxiogène de menaces imprécises, mais certaines ...

Le premier événement est la destruction totale de la civilisation occidentale que le catholicisme romain avait formé, puis accompagné, avant de s'en faire évincer complètement. Cette destruction comprend la morale, la famille, la culture, les moeurs, l'instruction, la nation, la république, la démocratie, ... Le modèle d'une société bâtie autour d'hommes libres et instruits, décidant de leurs actes et de leurs relations, a fait place à des populaces animées par des instincts mortels, barbares et incapables de relations sociales, sans une contrainte omniprésente.

Le second événement est la destruction progressive de ce qui a détruit le catholicisme romain, à savoir l'athéisme progressiste, remplacé par des soubresauts sociaux agitant une masse grégaire à la recherche de nouveaux moyens capables de remplacer la discipline de fer que représentait le catholicisme romain. Le milieu occidental américanisé a mis en marche un nouveau régime fondé sur le wokisme, un mouvement qui permet de contrôler des populations hétérogènes, soumises à des frayeurs subites souvent créées par leurs maîtres pour les détruire, mais aussi aux instincts les plus destructeurs de l'humanité. Parmi ceux-ci se trouve l'islam qui est une religion sociale totalitaire et qui a été implantée à l'insu du plein gré des maîtres de l'occident américanisé.

Ces derniers sont les héritiers des athées matérialistes qui ont détruit le catholicisme romain. Pour s'assurer du contrôle des populaces de l'occident américanisé, ces maîtres à la volonté inflexible et mortelle ont imposé une immigration de masse qui a entraîné en Europe et aux Etats-Unis de multiples peuplades, et parmi elles, des peuplades musulmanes. Le mépris absolu que les athées matérialistes portaient au catholicisme s'étend à l'islam et les maîtres de l'occident, en forçant une immigration musulmane, n'ont pas compris que l'islam n'avait pas grand chose de commun avec le catholicisme alors que, pour eux les athées, il s'agissait simplement d'une "autre" religion tout aussi stupide et arriérée ...

Voilà le climat général dans lequel évolue, vers la décrépitude, le catholicisme romain.

L'affaire Vigano

Carlo Maria Vigano est un ecclésiastique romain qui a fait la plus grande part de sa carrière ecclésiastique au Vatican. Il y était à la fin du pontificat de Jean-Paul II, en 2007, secrétaire général de l'Etat du Vatican. Une sorte de ministre de l'intérieur de l'Etat du Vatican, qui protège la direction ecclésiastique du catholicisme romain.

A l'époque, ce haut fonctionnaire ecclésiastique est un catholique adhérent totalement et sans réserve au renouvellement du catholicisme romain réalisé au Concile Vatican II, et plus particulièrement, dans son interprétation portée par les conservateurs Jean-Paul II et Ratzinger, son bras droit, futur pape Benoît XVI. C'est cependant dans ses fonctions administratives que Vigano va se rendre compte que le catholicisme romain a un problème. Un très gros problème.

Peut être devenu dangereux, Vigano est alors envoyé à un poste de Nonce - une sorte d'ambassadeur du Vatican - loin du Vatican et des sphères de pouvoir du catholicisme romain. A Washington. Là, il découvre un peu plus loin les problèmes du catholicisme romain. Ces problèmes ne sont pas limités à ceux du Vatican, mais s'étendent aux filiales "nationales" comme celle des Etats-Unis.

A l'époque, Vigano découvre la corruption ecclésiastique qui a crue plus ou moins à l'insu des dirigeants ecclésiastiques. Cette corruption est triple, et Vigano n'en comprendra que deux au début, lorsqu'il travaille à Washington. La première corruption est sexuelle : les ecclésiastiques qui sont réputés soumis à une discipline morale, sexuelle notamment, rigoureuse, sont dans leur majorité des pervers sexuels. Tout y passe, et je fais grâce à mes lecteurs de leur évocation, d'autant que, ce qui était perversion partout en occident catholique il y a un siècle est devenue une normalité. Dérangeante pour certains, indifférente pour la plupart.

Assez étrangement, alors que la société occidentale dans son ensemble est d'une perversité rare, elle semblait, du moins au début des années 2000, prise d'une fureur de pruderie dès lors qu'étaient impliqués les enfants. Et il se trouve que, parmi les perversions des ecclésiastiques, se trouvait la pédophilie.

Vigano va alors se lancer dans une dénonciation systématique des abus sexuels, principalement de la pédophilie, commis parmi les ecclésiastiques, et surtout pami ceux de haut rang. Ainsi, il va participer à la dénociation d'une vache sacrée de la classe politique américaine, le cardinal McCarrick. Egalement introduit dans les cercles de pouvoir de Washington et dans ceux de Rome, McCarrick qui est d'ailleurs très âgé est alors sacrifié par la caste ecclésiastique. Mais la fureur de Vigano ne se limite pas à cet individu remarquable. Il va pourchasser les pervers un peu partout dans les cercles de pouvoir du catholicisme.

Le résultat est que Jean-Paul II et Benoît XVI, même si aucune accusation n'est portée contre leurs moeurs n'est portée, sont gravement mis en cause. Le nombre de pervers qu'ils ont promu partout dans le catholicisme confine au délire ...

Vigano va dans le même temps se livrer à une chasse contre la corruption financière dans les élites ecclésiastiques. Plusieurs hauts fonctionnaires seront détruits par ses enquêtes et plusieurs se suicideront ou disparaîtront dans des conditions dignes de la "Renaissance italienne".

Malgré ses efforts, Vigano ne parvient pas à s'imposer comme une sorte de nettoyeur de la société catholique romaine. Il est de plus en plus rejeté d'autant qu'il a, par ses enquêtes, participé à la campagne destinée à décridibiliser les papes Jean-Paul II et Benoît XVI. Et Vigano va alors commettre une erreur "tactique" qui va le rejeter dans les "oubliettes" ecclésiastiques ...

La mise en oeuvre d'un programme commencé lors du Siècle des Lumières

Quand nous observons le paysage politique du catholicisme, nous pouvons y voir la disparition plus ou moins complète des préoccupations religieuses en général et de celles plus caractéritiques du christianisme. Il y a des décennies que le catholicisme n'est plus du tout un christianisme.

Radicalement associé au principe aristoratique et à la monarchie, le catholicisme romain a été gagné - comme l'Ancien régime - par un changement de politique. La Raison des Lumières ayant supplanté la Foi de Dieu, la monarchie a été supplantée par la Démocratie. Et, après bien des errements, des hésitations, des atermoiements, le catholicisme, peu après la fin de la Deuxième Guerre mondiale s'est complètement converti à la démocratie occidentale, tentant de s'y agglomérer comme pour en recevoir aide et protection.

Il en est résulté que trois courants se sont établis dans le catholicisme romain :

  • le progressisme qui correspond sensiblement à l'ancienne social-démocratie qui a finalement sombré dans le wokisme et a imploré la protection du régime corrompu de Biden ;
  • le conservatisme qui correspond en réalité à la droite plus ou moins libérale, plus ou moins populaire, qui résiste par habitude au wokisme ; et
  • le traditionalisme - intégrisme, qui ne se soutient sur quasiment aucun mouvement de la société civile occidentale, mais qui tient à un ordre des choses figé quelque part entre la Contre-Réforme et l'avant Deuxième Guerre Mondiale ...

Très clairement, le progressisme actuellement parvenu au pouvoir dans le catholicisme correspond très exactement au mouvement de l'Eglise constitutionnelle de France de 1791, au joséphisme autrichien de la même époque et encore au Synode de Pistoia de même. On voit qu'il s'agit d'un mouvement historique de plusieurs siècles, qui parvient pour la première fois au pouvoir total dans le catholicisme romain avec la très questionnante prise de pouvoir de Bergoglio. Benoît XVI, qui avait des liens avec l'idéologie progressiste, était cependant un conservateur. Tout comme son prédecesseur Jean-Paul II. Quant au dernier dirigeant "traditionaliste", il s'agit probablement du Pape Pie X qui dirigea le catholicisme romain au début du XX° siècle et tenta la denière opération pour résister à l'invasion de l'intérieur du catholicisme par le progressisme bicentenaire qui évoluait et évolue toujours au gré des illusions et des erreurs de la société civile occidentale.

L'éclatement de l'affaire Vigano

C'est dans ce contexte historique que Vigano développe son action. Il est loin d'être le seul. On peut citer Aguer, l'Argentin, Schneider, le Kazakh, Müller l'Allemand, Strickland l'Américain. Mais aussi Burke, ... Cependant, ils ne constituent pas une force unie et s'opposent plus parce qu'ils n'osent pas se rassembler que parce que leurs idées seraient différentes.

Mais Vigano est un Italien, avec le tempérament explosif d'un Latin. Il faut comprendre que ce prélat, rompu à la diplomatie ou au gouvernement, a été pendant toute sa carrière active un ecclésiastique concilaire, complètement conservateur, fidèle de Jean-Paul II, puis de Benoît XVI. C'est à la fin du règne de Jean-Paul II qu'il découvre la corruption financière du clergé, puis sous Benoît XVI qu'il découvre la corruption sexuelle du clergé. En fait, son monde s'écroule et c'est sous ses coups qu'il lui semble que tout bascule.

Mais, jusqu'alors, Vigano est encore un catholique conservateur, fidèle au Concile et partant encore "expoloitable" par les progressistes qui ont peu à peu pris possession du catholicisme romain, pour complèter leur propriété par l'élection de Bergoglio, un Jésuite soutien du régime socialiste de Peron et qui, a dû lutter toute sa vie pour "ne pas avoir d'ennemis à gauche". En un mot, prouver qu'il est plus progressiste que les progressistes ...

Et çà a été l'apocalypse pour Vigano. Il s'est aperçu en un éclair qu'"on" l'avait indignement trompé. Il a alors répudié son "conservatisme" bon teint de fidèle et loyal seviteur de Jean-Paul II, puis de Benoît XVI, pour devenir un véritable traditionaliste, critiquant de manière totale l'esprit du Concile Vatican II. Et Bergoglio ...

Le procès du schismatique ...

Les dénonciations vitupérantes de Vigano ont été diffusées assez largement dans la société civile occidentale, parce que elles paraissaient réjouissantes pour le progressisme civil américano-européen. Celui des Clinton, Obama et Biden. Soros, Gates et Zuckerberg. Des dirigeants européistes et du WEF. Les conservateurs étaient consternés parce qu'ils comprenaient que Vigano disait la vérité, mais qu'il en parlait ... trop. A l'opposé, les progressistes considéraient - au début du moins - que Vigano attaquait les conservateurs qui dirigeaient le catholicisme jusqu'à Benoît XVI.

Mais, Vigano, et d'autres prélats conservateurs semblaient prendre le même chemin, devenait de plus en plus révolutionnaire. Il dénonçait en réalité le progressisme alors qu'il semblait mettre en cause du conservatisme régnant sous Jean-Paul II et Benoît XVI.

En un mot, les vociférations de Vigano finissaient par inquiéter les progressistes. N'allait-il pas "réveiller" les conservateurs dont le loyalisme confine à l'absurde, mais jusqu'à un certain point de l'absurde ...

Or, une condamnation en bonne et due forme par les autorités du Vatican pourrait servir d'alibi aux conservateurs pour faire allégeance au progressisme.

D'où l'idée d'un procès contre les menées de Vigano dont les accusations largement substanciées sont tenues par les progressistes pour des appels au schisme ... alors que les accusations de Vigano les visent explicitement ....

Mais Vigano connaît les mécanismes du juridisme vatican. Il ne va pas s'offrir à une condamnation qui n'a plus aucun sens pour son traditionalisme. Il a donc refusé de comparaître parce qu'il ne reconnaît plus les autorités catholiques, depuis qu'elles se sont inféodées au progressisme.

Ce qui ne devrait pas empêcher le catholicisme romain de déclarer Vigano schismatique et de l'excommunier en conséquence.En réalité, Bergoglio et ses associés ne croient absolument pas à ce qu'ils font. Ils savent seulement que les fidèles qui leur sont encore soumis le croient. C'est bien suffisant ...

Quel effet sur le catholicisme romain ?

A priori aucun. Le catholicisme romain est mort. L'Eglise continue son travail. Ici et ailleurs. Il existe ici et là de petites communautés qui n'ont jamais quitté le christianisme et qui le porteront pour la suite des temps. Vigano, avec d'autres, devra les unir et les animer.


Revue C-Politix (c) 28 juin 2024