Observations sur un rapport récent de la RAND Corp
Je parcourais d'un oeil distrait un gros rapport de la Rand Corporation. La Rand Corp est un think tank ou ONG américaine, essentiellement financée par le gouvernement américain pour qu'on lui chante des chansons qu'il aime sur un air de musique facile qui ne le trouble pas. Le rapport "Extending Russia" serait la nouvelle forme que prendrait les études de la Guerre froide où on observait la compétition à long-terme entre l'Union soviétique et les Etats-Unis. Mais on note que cette compétition, ou cette expansion de la Russie selon la Rand, n'est perçue par la Rand depuis les années post-soviétiques que, comme la mise en cause de ce que les fonctionnaires américains et leurs laquais tiennent pour leur suprématie mondiale acquise avec la seconde guerre mondiale. Mais en fait, la suprématie américaine comme préjugé de la Rand, est une simple vue de l'esprit. Il n'existe de suprématie américaine que dans la mesure où des politiciens non américains se soumettent aux ordres du capitalisme américain. Et il n'y a pas d'exemple qu'un politicien américain se soit soumis à un ordre du capitalisme américain sans avoir été corrompu. J'ai bien compris que le pétrole se payait en dollars américains. Et que beaucoup de produits étaient accessibles seulement avec le dollar américain. On ne "sait" pas pourquoi. Mais c'est l'usage ... parce que l'Amérique est l'Etat le plus puissant du monde qui étend son empire sur le globe ... Mais, je constate que les peuples américains vivent dans une crasse et une misère rarement atteintes dans aucun autre pays du monde. Par exemple, la Bank Of America vient de publier un rapport d'analyse qui indique que 57% des américains ne disposent pas de 1.000 dollars pour faire face à une dépense d'urgence. Sachant que la moindre intervention en hôpital coûte plus de 10.000 dollars, la santé d'urgence est inaccessible à près de 2 citoyens américains sur 3. J'ai bien compris que le char Abrams M1 ou que le chasseur F-35 mettaient en oeuvre des techniques formidables. Mais, je sais que le F-35 est actuellement affecté de plus 850 défaillances dont beaucoup existaient déjà sur son prédecesseur, le F-22. L'Amérique a perdu toutes ses guerres depuis 70 ans. Ses seuls succès au plan géopolitique consistent à instaurer le désordre partout où elle le peut. Rien ne peut plaire davantage tant au Pentagone qu'à la Maison-Blanche. Il existe aux Etats-Unis une classe de chercheurs qui imaginent que leur rôle est de chanter des chansons agréables aux oreilles de leurs payeurs. Pourquoi se mettraient-ils à grincer ou à faire des fausses notes ? Aussi, faut-il les lire en se rappelant leur souci principal, sinon unique : ne pas déplaire au Deep State. 354 pages de romances et de chansons "country", c'est long. C'est pénible. La faiblesse relative de la RussieRussia is not seeking parity with the United States across the military spectrum, so further U.S. advances in fields of existing superiority might occasion little Russian response. (p 300/354) L'idée des rédacteurs de la RAND serait ici d'encourager l'administration américaine à faire des efforts surtout là où les russes n'ont pas developpé de défense. Cette idée semble avoir convaincue les rédacteurs. Il n'est pas certain que ce soit une idée efficace. En réalité, cela naît dans l'esprit des analystes de la Rand parce qu'ils ont d'abord établi que la Russie était une puissance de niveau moyen, à peine comparable à l'Allemagne. Or, selon les chiffres américains, cette idée est loin d'être fausse. Mais elle fonde une autre idée dangereuse : que la Russie ne peut pas développer des capacités militaires partout. Par exemple, la Russie a un seul porte-avions dans un état, disons, ruiné. L'idée des Etats-Unis de développer encore plus de porte-avions n'est pas forcément utile. Avec les missiles hypersoniques, les russes sont capables d'envoyer par le fond 15 porte-avions américains en moins d'une heure. La chose n'est pas encore certaine, encore probable. Si l'option d'attaque américaine est certainement la construction de porte-avions, elle ne lui donne aucun moyen de résister aux missiles hypersoniques russes. Autrement dit, l'identification de la faiblesse de la Russie dans certains secteurs militaires relativement aux américains, n'est pas forcément une indication positive des secteurs militaires de renforcement des moyens de l'Amérique. Plus encore, la mesure de la faiblesse économique de la Russie, relativement à la force de l'Améirque est, dans le rapport de la RAND, complètement faussée par un biais cognitif. Ce n'est pas parce que les pots-de-vin de l'industrie militaire américaine pèsent pour 80% du budget militaire des USA que le budget militaire russe est dix fois plus petit que celui des Etats-Unis ... Autre façon d'identifier les faiblesses des secteurs militaires de la Russie. A quoi sert de produire 300 F-35 pour plusieurs centaines de milliards de dollars si les ressources d'obus de 152 mmm sont épuisées en 10 mois de guerre en Ukraine ? C'est vrai, la Russie n'a que quelques Su-57 qui sont semble t'il comparables, mais inférieurs aux F-35 américains. Mais ils semblent fonctionner. La Rand ne dit rien des problèmes des F-35. A ce sujet, la RAND donne un fort mauvais conseil au Pentagone : Deploying large numbers of strike fighters to bases close to Russia would likely concern Moscow even more. Not only would low observable platforms, such as the F-22 Raptor and F-35 Lightning II, present serious penetration threats against Russia’s IADS ... (p. 206/354) Or, aujourd'hui, il semble que les batteries Triumph de S-500 russes aient la capacité de surveiller très loin les évolutions du F-35. Par ailleurs, quel intérêt présente pour les USA de rapprocher des chasseurs d'attaque au sol vers la Russie ? Estime-t'on que la mise en danger du territoire russe sera admis par la Russie sans qu'elle utilise très vite ses moyens nucléaires ou d'autres ? Autre façon de dire les choses : à quoi servent aux USA de placer des chasseurs d'attaque au sol à proximité de la Russie sinon pour mener une invasion ? Rapprocher ses forces de la Russie plus coûteux pour les USA... other U.S. military actions (e.g., posturing forces closer to Russia) could ultimately prove costlier to the United States than to Russia. (p 304/354) Et alors que la RAND examinait le stationnement de F-35 près des frontières de la Russie, elle estime plus loin que cette attitude serait plus coûteuse pour les USA que pour la Russie. Elle préfère manifestement un développement économique qui défavorise la Russie. Indeed, the most-promising ways to extend Russia [...] probably fall in the economic and information domains rather in the military domain. Contrairement à ce que l'on pouvait estimer, la RAND ne pousse pas à la guerre contre la Russie. Elle semble estimer que les sanctions économiques sont plus efficaces. Le rapport de la RAND date de 2019 et semble basé sur des données antérieures à 2017. Cette solution semblait avoir été prise notamment en 2014 après l'invasion de la Crimée. Cependant, la référence au domaine de l'information est plus difficile. Il semble s'agir de ce qui est désigné par le régime russe sous le vocable de "propagande occidentale" - "western propaganda". Sur le domaine des sanctions économiques : on a vu que la Russie a développé une certaine forme d'autarcie, notamment sur le plan alimentaire, mais aussi sans les technologies militaires. Mais depuis plusieurs années, la Russie a initié des partenariats avec plusieurs pays. On cite évidemment, la Chine et l'Inde. Mais aussi l'Iran pour les drones. Ou encore la Corée du Nord. Il existe des échanges technologiques entre ces Etats, échanges que l'Amérique est incapable d'endiguer, même par des régimes de sanctions. L'effet a même été inverse en ce que le pétrodollar vient d'être "tué" par l'embargo occidental sur le gaz russe et sur le pétrole russe. La plupart des consommateurs et des producteurs non alignés sur Washington n'hésitent plus à recourir au rouble ou même au Yuan. Le renforcement récent et spectaculaire de l'armement de l'Ukraine par l'occident pourrait être provoqué par l'échec au moins partiel des sanctions économiques imposées par l'Amérique à la Russie. Le domaine de l'information a un succès lui aussi assez discutable. Il semble qu'une fraction de la population russe soit encline à écouter les mensonges américains. A l'inverse, alors que la Russie est "accusée" par les américains de mener une propagande forcenée, allant jusqu'à commettre des ingérences dans les élections américaines - accusation dont on sait aujourd'hui, devant les tribunaux américains, qu'il s'agit d'une farce grossière ourdie par le Parti Démocrate et le FBI à sa solde - la propagande russe semble incapable de pénétrer l'espace médiatique occidental. La russophobie a pénétré l'ensemble de la presse professionnelle qui a été chargée de réaliser par ailleurs une ligne de défense interdisant l'expression des opinions philorusses et, quand cette expression se diffuse, la criminalisant avec les accusations standard de complotisme et de "fakenews". Les trois recommandations de la RAND à l'armée américaineLe rapport de la RAND s'achève par trois recommandations. First, the Army should rebuild its expertise on all things Russian, including foreign area officers, linguists, and intelligence analysts. If Russia does indeed pose a long-term threat, then the U.S. Army needs to develop the human capital to engage in this strategic competition. L'accroissement des moyens de propagande américaine contre la RussieLa RAND semble imaginer qu'il s'agit en fait d'une réponse de l'Amérique à la volonté d'extension de la Russie. Il lui faudrait répondre à la propagande russe, pour s'engager dans une "compétition stratégique". Mais, l'expertise que la RAND demande à l'Amérique concerne la connaissance de la Russie intérieure pour y injecter la propagande américaine. De proche en proche, la Russie interdit sur son territoire des ONGs appartenant à la CIA. Tout récemment, on pouvait lire dans la presse française : Un tribunal russe a ordonné mercredi 25 janvier la dissolution du Groupe Helsinki de Moscou, la plus ancienne ONG de défense des droits humains en Russie, en pleine répression des dernières grandes voix critiques dans le pays. Le Figaro, 25 janvier 2023. On ne dispose pas d'information en provenance des Etats-Unis selon laquelle une ONG "russe" - il n'en existe pas - serait interdite. Mais, on note que récemment encore, la France semblait suivre la voie indiquée par la RAND. La promotion d'activités militaires servant à contrer "l'expansion russe"L'acceptation de la véracité de l'idée que la Russie chercherait son extension est la condition de base à la lecture du rapport de la RAND. Donc de ses préconisations. Et la deuxième recommandation est clairement dans cette logique. Comme exemple des menées russes pour assurer son extension, la RAND désigne les moyens d'interdiction de zones et d'accès : les A2AD anti-access and area denial. Grossièrement, RAND "imagine" que la défense anti-aérienne qui protège l'accès à l'espace aérien russe est un moyen de l'expansionisme russe ! On nage en plein délire. En réalité, l'"extending Russia" est le prétexte à exposer les moyens d'attaque dont l'Amérique doit se doter pour attaquer la Russie. Ce mensonge américain est renforcé par les autres exemples de nouvelles ressources à développer par les américains qui sont toutes des armes offensives : les essaims de drones, les blindés autonomes, ... Atténuer l'effet des moyens d'extension de la RussieLa RAND est "coincée" par son choix d'une "extension de la Russie" qui est le plus souvent celle de l'Amérique. Ici, la RAND cite le cas de missiles anti-chars Javelin et les blindages actifs. Très clairement, ces moyens servent à atténuer une offensive de l'armée russe. Mais, la question est de savoir où l'armée américaine pourrait déployer ces moyens "d'atténuation" des moyens offensifs russes. La RAND envisage t'elle que l'armée russe pénétrerait sur le territoire américain ? Non, bien entendu. La RAND envisage donc que l'armée américaine utiliserait ces moyens de défense en dehors du territoire américain. Dans le domaine d'extension de l'Amérique. C'est bizarre de passer sans prévenir de l'extension de la Russie à "l'Amérique étendue". En manière de conclusionLe rapport est long, très long. Son développement souffre d'un grand nombre de ... disons, de biais cognitifs. Et ses trois recommandations finales paraissent bien faibles au regard de la sitation militaire actuelle. Le rapport de la RAND date de 2019, trois ans avant le déclenchement de l'opération militaire spéciale de la Russie contre l'Ukraine. Mais, on y lit la déviation mentale des occidentaux : la dénonciation de l'expansion de la Russie ("Extending Russia") sert à dissimuler l"extension de l'Amérique ("Extending America"). |