Onze candidats à éliminer de la présidentielle. Comment faire

Philippe Brindet - 8 Avril 2022

Il arrive à certains d'entre nous, électeurs, de ne pas nous déplacer pour un scrutin. Nous savons que c'est mal. Ce n'est pas une attitude citoyenne, ou quelque chose du même genre. Malgré tout, nous avons de "bonnes raisons" : les vacances, "ils ne changent jamais", "tous pourris", ou encore "personne ne me plait" ...

Bien entendu, cette abstention est mauvaise. Pas seulement pour la morale républicaine, mais pour l'avenir de la nation. Cet avenir est largement déterminé par notre présent, et ce présent est plein de soupçons. Dans ces soupçons se trouvent les "promesses électorales" des douze candidats. Ces fameuses promesses qui n'engagent que ceux qui les croient ...

Aussi, il faut écarter le candidat qui les professent. Même quand elles portent le titre mirifique de "projet pour ..." n'importe quoi. Un candidat de l'élection de 2017 s'était exclamé dans une émission de radio : "le projet, on s'en fout. Ce qui compte, c'est la vision ..." Il se trompait lourdement sur un point : la vision. Parce qu'il prétendait que la vision qui comptait, c'était la sienne !

Mais, le point où il a raison, c'est sur l'absence presque complet d'intérêt du programme, du projet, des promesses électorales ... Ce qui compte pour l'électeur, c'est la vision qu'il se fait de l'avenir proche à un an, deux ans, ... cinq ans de la France. Une fois sa vision de l'avenir posée, l'électeur doit éliminer les candidats qui ne peuvent pas mettre en oeuvre les moyens de sa vision, à lui, électeur.

Bien sûr, le problème est plus compliqué que celà, parce que l'électeur individuel peut adhérer à un parti, à un candidat, parce que les promesses qu'on lui fait lui tiennent lieu de "vision pour l'avenir" ... Dans ce cas, il n'a pas besoin d'éliminer onze candidats. Il a choisi son candidat et la vision que ce candidat porte, hélas parfois sans le savoir. Parce que beaucoup de candidats n'ont pas d'autres visions que de devenir Président.

Inversez le schéma. Définissez votre propre vision de la France, de son avenir, et écartez tous ceux qui vous semblent incapables d'assurer cet avenir. Conservezle moins incapable d'assurer cet avenir. Sur un malentendu, çà peut marcher ...

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Je voudrais justifier cette bizarre stratégie électorale.

Ainsi que chaque électeur s'en convainc facilement, il ne désigne pas seul l'élu. Est élu le candidat sur lequel s'est porté le plus de suffrages. Celà, tout le monde le sait.

Le problème vient de ce que l'habitude est venu de s'agglomérer en "troupeaux électoraux", chaque troupeau ayant tendance à reconnaître comme berger "son" candidat. Parfois parce que les gens se leurrent sur la vision que prétend avoir le candidat, parfois à cause de ses promesses électorales. Dans tous les cas, c'est par paresse que les électeurs refusent de se former leurs propres visions et que cette grégarisation survient lorsque la vision de l'électeur lui est dictée par son candidat. La grégarisation électorale est évidement propice à de sévères désillusions, à des trahisons, à des croyances infondées sur l'élection et sur la fonction élective qu'elle produit.

Autrement dit, l'élection a besoin non pas de consensus pré-électoral - provoqué par l'esprit de parti notamment - mais de convergences statistiques. C'est dans la moyenne des associations libres entre un petit nombre de candidats et un grand nombre de visions indépendantes que se situent la liberté et la souveraineté démocratique. Lorsque on a rigoureusement établi le nombre de bullletins de vote pour chaque candidat, alors seulement le vainqueur est désigné.

Or, le système des partis et l'idée que le candidat doit s'agglomérer son propre "troupeau" d'électeurs. Par sondages, les électeurs sont invités à se rallier au candidat le mieux sondé. C'est bien entendu une catastrophe démocratique. Pour deux raisons.

D'abord parce que la théorie démocratique exige l'indépendance des votants. Dès qu'il y a brigue, entente entre électeurs et un candidat, il y a trahison de l'idéal démocratique. Parce qu'il y une tentative de s'approprier le résultat des urnes avant l'heure. Les "On va gagner", stupides et racoleurs, sont la honte de toute démocratie qui se respecte. Pourtant c'est l'actualité. A tout prendre, un tirage au sort du vainqueur serait moins destructeur des valeurs de la République

Mais il y a une autre raison. C'est que, une fois l'élection terminée, le candidat vainqueur du scrutin, devient l'élu non pas du lamentable "troupeau" qui l'a élu, mais de tout le corps électoral. Or, l'expérience enseigne que le système des troupeaux ne se défait plus. Il reste ancré dans la réalité de la république. Elle y succombe.

Chacun estime que sa "vision", bien qu'elle soit "battue" dans les urnes, est la seule valide et tous contestent la politique de l'élu. Comme on s'est forgée une "vision", non pas individuelle, mais identifiée à celle d'un candidat donné, au mieux, les candidats battus et leurs "troupeaux" attendent leur revanche électorale. La ruineuse prétendue "alternance". Souvent, ils s'opposent de toutes leurs forces aux réalisations de l'élu et la société républicaine est complètement divisée. Elle y sombre dans les compromissions, les luttes partisanes, plusieurs ex-candidats ayant les forces électorales les plus nombreuses tentent d'influer sur le cours politique.

C'est la raison pour laquelle la société républicaine s'enfonce dans le désordre et le mépris du bien public jusqu'à ce qu'une épreuve souvent destructrice - le plus souvent une guerre totale - ne vienne anéantir la démocratie malade. Souvent, elle se relève mieux portante. Mais il arrive qu'elle disparaisse au profit d'aventures.

Voici un aspect du problème électoral et une solution.



Revue C-Politix (c) 8 Avril 2022