Origine artificielle du SARS-CoV-2 - L'hypothèse de Fourtillan

Philippe Brindet - 22 Décembre 2020

La position officiellement exprimée - probablement sans aucun fondement scientifique - concernant l'origine du SARS-CoV-2 est qu'il s'agit d'un coronavirus issu d'une certaine espèce de chauve-souris qui serait passé à l'espèce humaine après être passé dans une espèce relais : le pangolin qui, vendu sur un marché aux poissons de Wuhan, Chine, se serait vengé en infectant son vendeur..

La manoeurvre Daszak

Cette position officielle est compatible avec une thèse radicale - n'ayant aucun fondement scientifique - soutenue par une ONG financée par l'Administration américaine, EcoHealth Alliance [1], dirigée par un zoologue d'origine britannique, Peter Daszak. Selon cette thèse "écologiste", l'homme est responsable de ces zoonoses parce que son activité le fait interagir avec le biotope des espèces sauvages. Cette "thèse" présente d'étranges similarités avec celle de l'origine anthropique du réchauffement climatique.

C'est d'ailleurs Peter Daszak qui a en réalité fabriquée l'hypothèse d'une origine artificielle du SARS-CoV-2. Daszak a en effet animé une coalition d'universitaires alliés de son ONG EcoHealth Alliance. Ensemble, ils ont publié dans The Lancet, le 19 Février 2020, une Lettre de soutien aux "scientifiques chinois" dans laquelle était condamnée la thèse d'une origine artificielle du SARS-CoV-2 [2]. En réalité, dans le public, à l'époque de la Lettre fabriquée par EcoHealth Alliance, l'hypothèse de l'origine artificielle du coronavirus était parfaitement inconnue [3].

L'hypothèse Montagnier

Deux mois plus tard, le français Luc Montagnier, Prix Nobel de médecine, annonçait dans des interviews de presse que lui et son équipe avaient découverts six inserts génétiques dans le génome de SARS-VoV-2 et que certains de ces inserts provenaient de souches de virus VIH [4]. Ses déclarations ont été accueillies en France par un tonnerre de clameurs et d'insultes. Ailleurs, son opinion semble restée inconnue. Montagnier a médiatiquement disparu et il a seulement maintenu son point de vue en participant à la rédaction d'un article scientifique qui n'a eu aucun écho dans la presse et donc dans le public.

L'hypothèse Zen-Li

A la même époque, il y a eu au moins deux hypothèses concernant une origine artificielle du SARS-CoV-2 : la première celle d'un accident de sécurité dans un laboratoire de virologie en Chine, soutenue notamment par un article du Washington Post, et la seconde, pas forcément concurrente, concernant une manipulation issue de travaux sino - américains de Baric et Zeng-Li.

L'hypothèse de Fourtillan

C'est à cette époque ou peu après qu'apparaît l'hypothèse de Fourtillan. Il estime que le SARS-CoV-2 dérive d'un brevet de l'Institut Pasteur, déposé en 2003. Il a émis son hypthèse avec une force suffisante pour éveiller la colère des caciques de l'Institut Pasteur qui l'ont menacé d'une plainte pénale, qu'ils ont ou non, on ne sait, déposée.

Cette hypothèse me paraît toujours très improbable. Dans un article dans lequel j'étudiais sommairement l'internement d'office du Pr Fourtillan [5], je relisais son hypothèse du rôle prétendu de l'Institut Pasteur :

Des vues intrigantes sur l'origine du SARS-CoV-2

On a en effet les doutes les plus sérieux sur la capacité de l'Institut Pasteur à "inventer" le moindre virus. La nature et les chauve-souris font très bien ce travail. Le brevet que Fourtillan évoque n'est par exemple cité que contre un seul brevet d'origine italienne alors que, s'il était aussi "pionnier" que l'entend Fourtillan, il devrait être cité partout.

[...]

L'hypothèse du Pr Fourtillan concernant la "malignité" de l'Institut Pasteur me paraît un excès d'appréciation des qualités de ce repère de l'excellence. Il manque aussi à l'hypothèse malsonnante du Pr Fourtillan, et, à ma connaissance, les moyens qui font passer un "coronavirus inventé" de la Rue du Dr Roux à la ville de Wuhan et à tant d'autres lieux dans le monde entier. Il est simplement regrettable que l'hypothèse de l'origine artificielle du SARS-CoV-2 ait été réduite par le documentaire 'Hold-Up' à l'hypothèse probablement erronnée du Pr Fourtillan. La publicité qu'il en a retiré - probablement aussi de manière involontaire de sa part - a certainement joué dans la décision de son internement psychiatrique.

Avec le temps, je voudrais "nuancer" mon propos. En effet, depuis cet article, j'ai lu d'un peu plus près la description de ce brevet EP1694829. Le but de l'invention est clairement vaccinale :

[0018] La mise en évidence et la prise en compte de nouveaux variants sont importantes pour la mise au point de réactifs de détection et de diagnostic du SRAS suffisamment sensibles et spécifiques ainsi qu’à des compositions immunogènes aptes à protéger des populations contre des épidémies de SRAS.
[0019] Les Inventeurs ont maintenant mis en évidence une autre souche de coronavirus associé au SRAS, qui se distingue des isolats Tor2 et Urbani. [...]

Mais, le brevet décrit notamment un exemple d'application page 57/320 :

Exemple 15 : Gène synthétique optimisé pour l’expression en cellules de mammifères de la protéine de spicule (S) du coronavirus associé au SRAS (SRAS-CoV).
1) Conception du gène synthétique
[0355] Un gène synthétique codant pour la protéine de spicule du SRAS-CoV a été conçu à partir du gène de l’isolat 031589 (plasmide pSARS-S, C.N.C.M. n° I-3059) de façon à permettre des niveaux d’expression élevés dans des cellules de mammifères et en particulier dans les cellules d’origine humaine. [...]

L'exemple détaillé comporte ensuite plusieurs caractéristiques qu'on retrouve en effet dans le génome de SARS-CoV-2 ce génome présentant clairement une capacité élevée à s'exprimer dans les cellules humaines, et notoirement respiratoires. Il s'agit certainement d'une techique de construction de gènes artificiels dits à GOF ou Gain Of Function.

Un peu plus loin dans le texte, le brevet analyse les résultats d'un essai d'un tel gène amplifié (page 58/320) :

3) Résultats
[0364] La capacité du gène synthétique codant pour la protéine S à diriger efficacement l’expression de la S du SRASCoV dans des cellules de mammifères a été comparée à celle du gène sauvage après transfection transitoire de cellules de primates (VeroE6) et de cellules humaines (293T).
[0365] Dans l’expérience présentée par la figure 33 et au Tableau XIV, des monocouches de 5x105 cellules VeroE6 ou 7x105 cellules 293T en boites de Pétri de 35mm ont été transfectées avec 2 Pg des plasmides pCI (à titre de contrôle), pCI-S, pCI-S-CTE, pCI-S-WPRE et pCI-Ssynth et 6 Pl de réactif Fugene6 selon les indications du fabricant (Roche). Après 48 heures d’incubation à 37°C et sous 5% de CO2, des extraits cellulaires ont été préparés en tampon de dépôt selon Laemmli, séparés sur un gel SDS à 8% de polyacrylamide puis transférés sur une membrane de PVDF (BioRad). La détection de cette immunoempreinte (« western blot ») a été réalisée à l’aide d’un sérum polyclonal de lapin anti-S (immun-sérum du lapin P11135 : cf exemple 4 ci-dessus) et d’anticorps polyclonaux d’âne dirigés contre les IgG de lapin et couplés à la peroxidase (NA934V, Amersham). L’immunoempreinte est révélée de façon quantitative par luminescence à l’aide du kit ECL+ (Amersham) et acquisition sur un dispositif d’imagerie numérique (FluorS, BioRad).
[0366] L’analyse des résultats obtenus avec le logiciel QuantityOne v4.2.3 (BioRad) montre que dans cette expérience, le plasmide pCI-Synth permet l’expression transitoire de la protéine S à des niveaux élevés dans les cellules VeroE6 et 293T, alors que le plasmide pCI-S ne permet pas d’induire une expression à des niveaux suffisants pour être détectée. Les niveaux d’expression observés sont de l’ordre de 2 fois supérieurs à ceux observés avec le plasmide pCI-S-WPRE.

Et enfin, le brevet donne les applications de ce gène à fonction amplifiée (page 59/320) :

4) Applications
[0371] L’utilisation du gène synthétique 040530 codant pour la S du SRAS-CoV ou de sa variante Scube codant pour le polypeptide Ssol est susceptible de remplacer avantageusement le gène sauvage dans de nombreuses applications où l’expression de la S est nécessaire à des niveaux élevés. En particulier pour :
- améliorer l’efficacité de l’immunisation génique par des plasmides du type pCI-Ssynth voire pCI-Ssynth-CTE ou pCI-Ssynth-WPRE
- établir de nouvelles lignées cellulaires exprimant des quantités plus élevées de la protéine S ou du polypeptide Ssol à l’aide de vecteurs lentiviraux recombinants porteurs du gène Ssynth ou du gène Scube respectivement
- améliorer l’immunogénicité des vecteurs lentiviraux recombinants permettant l’expression de la protéine S ou du polypeptide Ssol
- améliorer l’immunogénicité de vecteurs vivants permettant l’expression de la protéine S ou du polypeptide Ssol comme des virus recombinants de la vaccine ou des virus rougeole recombinants (voir exemples 16 et 17 ci-après)

On ne peut s'étonner que le brevet n'enseigne pas que le gène amplifié ne puisse servir "d'arme d'infection massive". Mais les moyens pour y parvenir y sont clairement décrits.

L'hypothèse de Fourtillan accusant l'Institut Pasteur d'être à l'origine du SARS-CoV-2 est toujours aussi improuvée. Mais l'Institut Pasteur ne peut nier qu'il a décrit les moyens pour faire un gène S du SARS CoV de 2003 de manière synthétique et à fonction amplifiée.

Dans le sens inverse, une équipe a mis un mois seulement pour construire un génome synthétique de SARS-CoV-2 sur la base de l'édition GISAID du SARS-CoV-2 de Wuhan. [6]. Joint au fait que la France a construit le laboratoire de virologie P4 de Wuhan, et qu'elle a formé le Dr ShenLi (doctorat de l'Université de Montpellier), il existe une convergence de faits suffisante pour s'interroger sur le rôle possible indirect du brevet de l'Institut Pasteur dans la création d'une chimère.

L'hypothèse de Fourtillan est donc une hypothèse qu'il faudrait pouvoir étudier sérieusement. Le tort de Fourtillan est certainement de l'avoir présentée sous forme d'accusation. ou encore avec véhémence.

Notes

[1] Site de EcoHealth Alliance. On peut y lire :
EcoHealth Alliance is an international nonprofit dedicated to a 'One Health' approach to protecting the health of people, animals and the environment from emerging infectious diseases. The organization formed with the merger of two highly respected organizations, Wildlife Trust and the Consortium for Conservation Medicine. The urgent concern for wildlife conservation and the EcoHealth Alliance est une organisation internationale à but non lucratif vouée à une approche «One Health» pour protéger la santé des personnes, des animaux et de l'environnement contre les maladies infectieuses émergentes. L'organisation s'est formée suite à la fusion de deux organisations très respectées, Wildlife Trust et le Consortium for Conservation Medicine. La préoccupation urgente pour la conservation de la faune et la
Les visées idéologiquesde EcoHealth Alliance sont claires.

[2] Lire dans C-Politix : Un lobby verrouille l'hypothèse d'une origine artificielle du SARS-CoV-2.

[3] A dire vrai, des chercheurs indiens de New Delhi avaient publié le 30 janvier 2020 un article intitulé "Uncanny similarity of unique inserts in the 2019-nCoV spike protein to HIV-1 gp120 and Gag" dont beaucoup d'indications pointent d'ailleurs vers le brevet de l'Institut Pasteur qui sera analysé plus loin. Les Indiens trouvent quatre séquences dans le génome du SARS-CoV-2 qui sont manifestement des insertions qu'ont ne trouveraity pas dans des coronavirus naturels. Cea a suffit pour que des personnes "bien placées" exigent d'eux qu'ils rétractent leur article. Ce qu'ils firent.

[4] Lire les articles de la Revue Thomas :

[5] L'internement psychiatrique comme moyen de contrôle des opposants au régime, du 12 Décembre 2020.

[6] Lire Rapid reconstruction of SARS-CoV-2 using a synthetic genomics platform, du 21 Février 2020. Parmi les auteurs se trouvent Coman et Drosten, qui avaient déjà publié leur protocole de testage RT-PCR du SARS-CoV-2. Ce dernier travail montre qu'il est possible de construire un icro-organisme de la taille du SARS-CoV-2 de manière entièrement artificielle en moins de deux mois. La construction d'un coronavirus artificiel du genre de SARS-CoV-2 est donc loin d'être impossible techniquement.

D'ailleurs, Zhen-Li et Baric ont publié ensemble un article : "A SARS-like cluster of circulating bat coronaviruses shows potential for human emergence" de 2015 décrivant un coronavirus artificiel SARS-CoV à gain de fonction.