Quelques faits bizarres du pontificat de Benoît XVI

Philippe Brindet - 10 Janvier 2023

Le pontificat de Benoît XVI s'est déroulé avec quelques faits bizarres. Il s'est déroulé en deux parties :

  • un pontificat actif de son élection le 19 avril 2005 au 23 Février 2013
  • un pontificat émérite du 23 Février 20213 au 31 décembre 2022.

Mais, dans sa vie d'avant, Ratzinger a aussi développé une vie ecclésiastique en deux parties :

  • depuis son accession à la théologie le 21 février 1957 jusqu'à la conclusion du Concile au 15 décembre 1965 ;
  • de la conclusion du Concile jusqu'à son accession au pontificat le 19 avril 2005.

Le point commun entre ces deux vies de Ratzinger, c'est que le passage d'une partie de vie à l'autre est incompréhensible. Actuellement.

Lorsque Ratzinger est expert au Concile Vatican II, conseiller du cardinal Frincks, il n'est peut être pas le plus radical des réformateurs à l'égal d'un Rahner ou d'un Schillebeckx. Ou d'un Congar ou d'un Murray. Mais il est un réformateur engagé. A peine le Concile conclu, Ratzinger, adopte une position théologique de plus en plus conservatrice, qui commence avec sa participation à la fondation d'une Revue de théologie, Communio, qui s'oppose frontalement à la revue de théologie des progressistes, Concilium. Et Ratzinger continue sa progression dans le conservatisme avant de prendre des positions de gouvernement de l'Eglise tellement "rétrogrades", que placé par Jean-Paul II à la tête de la "Doctrine de la Foi", les progressistes dépités le surnomment le "Panzer Cardinal" .... Que lui est-il arrivé pour changer de la sorte ? Nul ne le sait. Même pas son mentor dans les facultés de théologie allemandes, le très progressiste Hans Küng, que Ratzinger, ne reniant rien de ses positions initiales, recevra dès son accession au Pontificat.

La résignation - et non pas la démission - qu'il dépose devant le Conclave est motivée par un simple alibi que Benoît XVI n'a même pas appuyé d'un certificat médical : le déclin de ses forces à cause de l'âge avancé. Il survit presque dix ans à sa résignation sans qu'on lui connaisse la moindre maladie spéciale. Le Cardinal Müller que Ratzinger avait désigné pour lui succéder à la Doctrine de la Foi, pouvait certainement jouer le rôle que Ratzinger a joué auprès du Pape Jean-Paul II. Benoît XVI a préféré donner sa résignation. On ne sait pas pourquoi.


La situation paradoxale de Benoît XVI a conduit de nombreux analystes - surtout en Italie, quelques uns aux USA et en Amérique du Sud - à écrire de nombreux articles et livres pour chercher une explication. Or, la plupart des catholiques se moquent éperdument de savoir ce qu'il s'est passé. Un autre Pape a été élu - François. Il n'y a pas lieu d'épiloguer là-dessus. Et les auteurs trop curieux sont généralement rejetés par la majorité. Par paresse. Par conformisme. Ces deux plaies du catholicisme moderne.

Il faut analyser avec prudence le paysage : dans le très petit cercle des analystes qui se posent des questions - encore - sur la résignation de Benoît XVI, il y a deux catégories : ceux qui observent le débat et ceux qui animent le débat. Parmi ceux qui ont émis des analyses, on peut citer Antonio Socci, Andrea Cionci, Don Alessandro Minutella, Enrico Raedelli, ... Ces pionniers de l'aventure ecclésiastique n'ont pas manqué de rencontrer une opposition scandalisée. Don Minutella a été rendu aux affaires laïques et Cionci a subi les foudres du groupe animé par l'historien Roberto De Mattei, pourtant membre conservateur du catholicisme italien.

Les arguments développés vont de la simple déclaration de convenance - "Mon Pape, c'est Benoît XVI", qui se borne à "écarter" le pape François, mais qui se heurte aujourd'hui au décès de Benoît XVI - jusqu'à des argumentations assez difficiles, basées sur le droit ecclésiastique.

Les travaux de Andrea Cionci

Andrea Cionci est un journaliste italien qui travaille depuis des années dans plusieurs journaux ou magazines italiens. Il soutient la thèse que Benoît XVI n'a jamais abdiqué et qu'il a au contraire été évincé par son successeur.

Présentation de la thèse de Cionci

Selon l'analyse de Cionci, Benoît XVI découvre lors de son pontificat qu'il lui est impossible d'assurer sa charge. Il utilise alors un plan de rechange qui est basé sur l'opposition entre l'abdication et la dichotomie centrale dans laquelle la fonction papale a été divisée en 1983 (date de l'édition du Nouveau Code de Droit Canonique) : le munus (titre divin du pape) et le ministerium (exercice du pouvoir). Selon le droit canonique (article 332.2), pour abdiquer, le pape doit (simultanément) renoncer au munus et au ministerium. Si, au contraire, le Pape renonce de facto et avec retard à au ministerium (la charge ministérielle), cela signifie qu'il se trouve IN SEDE IMPEDITA (can. 412), où il est prisonnier, emprisonné et incapable de communiquer librement. Dans ce cas, cependant, il reste LE PAPE à tous égards : le seul, quoique empêché.

Si on lit littéralement sa déclaration du 11 février 2013, Benoît XVI a renoncé au ministerium, mais pas au munus, c'est-à-dire qu'il s'est placé IN SEDE IMPEDITA. Pour cette raison, Bergoglio est maintenant un anti-pape.

L'argumentation est simple, directe, fondée sur des textes juridiques. Mais .... ce n'est pas parce que la solution ne plaît pas à tout le monde ... qu'elle est juste !

Cionci remarque que les traductions officielles utilisées par le Vatican pour publier la lettre de résignation de Benoît XVI utilisent souvent le mot de leur langue pour "ministère" pour désigner aussi bien le "munus" que le "ministerium" de sorte que l'argumentation échoue à placer Benoît XVI en IN SEDE IMPEDITA. Et pire encore : le texte en latin qui sert de référence, dit exactement le contraire que le texte allemand qui, lui, distingue AMT et DIENST. MAIS, le texte allemand utilise Dienst pour munus et Amt pour ministerium, de sorte que la Declaratio allemande, disant le contraire de la Declaration latine, ressemble à une renonciation régulière

Texte latin de référenceTexte allemand traduit "à l'envers"
Bene conscius sum hoc munus secundum suam essentiam spiritualem non solum agendo et loquendo exsequi debere, sed non minus patiendo et orando. Attamen in mundo nostri temporis rapidis mutationibus subiecto et quaestionibus magni ponderis pro vita fidei perturbato ad navem Sancti Petri gubernandam et ad annuntiandum Evangelium etiam vigor quidam corporis et animae necessarius est, qui ultimis mensibus in me modo tali minuitur, ut incapacitatem meam ad ministerium mihi commissum bene administrandum agnoscere debeam. Quapropter bene conscius ponderis huius actus plena libertate declaro me ministerio Episcopi Romae, Successoris Sancti Petri, mihi per manus Cardinalium die 19 aprilis MMV commisso renuntiare ita ut a die 28 februarii MMXIII, hora 20, sedes Romae, sedes Sancti Petri vacet et Conclave ad eligendum novum Summum Pontificem ab his quibus competit convocandum esse. Ich bin mir sehr bewußt, daß dieser Dienst wegen seines geistlichen Wesens nicht nur durch Taten und Worte ausgeübt werden darf, sondern nicht weniger durch Leiden und durch Gebet. Aber die Welt, die sich so schnell verändert, wird heute durch Fragen, die für das Leben des Glaubens von großer Bedeutung sind, hin- und hergeworfen. Um trotzdem das Schifflein Petri zu steuern und das Evangelium zu verkünden, ist sowohl die Kraft des Köpers als auch die Kraft des Geistes notwendig, eine Kraft, die in den vergangenen Monaten in mir derart abgenommen hat, daß ich mein Unvermögen erkennen muß, den mir anvertrauten Dienst weiter gut auszuführen. Im Bewußtsein des Ernstes dieses Aktes erkläre ich daher mit voller Freiheit, auf das Amt des Bischofs von Rom, des Nachfolgers Petri, das mir durch die Hand der Kardinäle am 19. April 2005 anvertraut wurde, zu verzichten, so daß ab dem 28. Februar 2013, um 20.00 Uhr, der Bischofssitz von Rom, der Stuhl des heiligen Petrus, vakant sein wird und von denen, in deren Zuständigkeit es fällt, das Konklave zur Wahl des neuen Papstes zusammengerufen werden muß.

La version française pour les deux passages concernés porte :

  • ... Je suis bien conscient que ce ministère, de par son essence spirituelle, doit être accompli ...
  • ... en pleine liberté, je déclare renoncer au ministère d’Évêque de Rome, Successeur de saint Pierre, ...

La version anglaise pour les deux passages concernés porte :

  • ... I am well aware that this ministry, due to its essential spiritual nature, must be carried out ...
  • ... with full freedom I declare that I renounce the ministry of Bishop of Rome, Successor of Saint Peter, ...

Cette disparité entre les versions :

  1. allemande contre latine : inversion dui munus et du ministerium
  2. autres langues contre latine : élimination du munus au profit du ministerium

rend nulle la renonciation de Benoît XVI qui, ou bien reste le seul Pape parce qu'il n'a rendu que le ministerium et pas le munus ou bien reste Pape du fait de la nullité de sa renonciation.

Si on utilise le principe que la langue latine est la langue officielle de l'Eglise et que, de plus, Benoît XVI a prononcé sa renonciation par déclaration orale en latin, on en déduit qu'il est, jusqu'à sa mort le seul Pape. Empêché, mais seul.

Discussion de la thèse de Cionci

Malheureusement, il existe des difficultés. L'état de nos recherches ne permettent pas encore une certitude. Mais il existe déjà des indications difficiles pour l'argument de Cionci. Si on lit les "canons" qu'il cite, on remarque immédiatement un manque de soutien au moins littéral.

Texte latin du Code de droit canoniqueTexte français du Code de droit canonique
Can. 331 — Ecclesiae Romanae Episcopus, in quo permanet munus a Domino singulariter Petro, primo Apostolorum, concessum et successoribus eius transmittendum, Collegii Episcoporum est caput, Vicarius Christi atque universae Ecclesiae his in terris Pastor; qui ideo vi muneris sui suprema, plena, immediata et universali in Ecclesia gaudet ordinaria potestate, quam semper libere exercere valet. Can. 331 - L'Évêque de l'Église de Rome, en qui demeure la charge que le Seigneur a donnée d'une manière singulière à Pierre, premier des Apôtres, et qui doit être transmise à ses successeurs, est le chef du Collège des Évêques, Vicaire du Christ et Pasteur de l'Église tout entière sur cette terre; c'est pourquoi il possède dans l'Église, en vertu de sa charge, le pouvoir ordinaire, suprême, plénier, immédiat et universel qu'il peut toujours exercer librement.
Can. 332 — § 1. Plenam et supremam in Ecclesia potestatem Romanus Pontifex obtinet legitima electione ab ipso acceptata una cum episcopali consecratione. Quare, eandem potestatem obtinet a momento acceptationis electus ad summum pontificatum, qui episcopali charactere insignitus est. Quod si charactere episcopali electus careat, statim ordinetur Episcopus. Can. 332 - § 1. Le Pontife Romain obtient le pouvoir plénier et suprême dans l'Église par l'élection légitime acceptée par lui, conjointement à la consécration épiscopale. C'est pourquoi, l'élu au pontificat suprême revêtu du caractère épiscopal obtient ce pouvoir dès le moment de son acceptation. Et si l'élu n'a pas le caractère épiscopal, il sera ordonné aussitôt Évêque.
§ 2. Si contingat ut Romanus Pontifex muneri suo renuntiet, ad validitatem requiritur ut renuntiatio libere fiat et rite manifestetur, non vero ut a quopiam acceptetur. § 2. S'il arrive que le Pontife Romain renonce à sa charge, il est requis pour la validité que la renonciation soit faite librement et qu'elle soit dûment manifestée, mais non pas qu'elle soit acceptée par qui que ce soit.

Aucun des canons concernant le Pape et sa renonciation ou autre mécanisme pour "ne plus être Pape" ne cite le ministerium. Il suffit donc que l'acte de renonciation libre indique que la Pape reconce à sa charge (munus).

Cionci ajouterait ainsi une condition : que le Pape renonce au ministerium simultanément.

Mais, même ainsi, Cionci n'a pas entièrement tort. Très clairement, dans sa Renonciatio latine, Benoît XVI avait distingué le munus, puis le ministerium.. Sa traduction allemande inversait les deux notions de sorte que la version latine qui fait foi, est nulle parce que Benoît XVI a explicitement renoncé à une chose "ministerium" qui n'existe pas selon le canon 332.2 alors que la version allemande, sans force, est correcte selon le canon 332.2.

Mais, une nouvelle difficulté se rencontre dans les autres traductions : elles utilisent le terme de "ministerium" aussi bien pour "munus" que pour "ministerium", laissant entendre qu'il s'agit de la même chose. Ainsi, Benoît XVI pouvait lui-même utiliser une fois "munus", puis une autre fois "ministerium" dans une seule Declaration latine.

La réplique est forte. Mais la question est alors de se demander pourquoi utiliser "ministerium" toujours ou alternativement avec "munus" alors que le code de droit canonique n'utilise que "munus" ?

Formellement, le fait de ne pas utiliser le terme correct du canon 332.2 rend invalide la Declaratio au regard du droit canonique sans qu'il soit nécessaire de disputer sur la synonymie.

Il existe une autre critique de l'argument de Cionci qui réfère au canon 412 sur le siège empêché. Mais, il cite à tort ce canon, dont la portée est limitée aux seuls évêques diocésains. Ce canon ne devrait pas pouvoir s'appliquer au Pape, même si ce dernier est aussi évêque diocésain de la ville de Rome. D'ailleurs, l'évêque du siège empêché devrait ne pas être capable d'envoyer un courrier à ses diocésains. Ce n'était pas le cas de Benoît XVI qui affirme avoir écrit et prononcé sa Declaratio de manière libre. Il devait le déclarer puisque son libre consentement est une condition de validité de sa Declaratio. On conçoit donc que la Declaration doit aussi être interprétée en fonctions des contraintes qui ont pesé sur sa déclaration. Libre.

Malgré tout, si pour la défense de son argument Cionci dispose d'un support à appliquer au Pape le canon 412, il faudrait examiner la situation. Il semble d'ailleurs que la Sede Impedita, Cionci l'applique au Benoît XVI "enfermé" dans son petit monastère sous les murailles du Vatican ... C'est un autre problème.

En manière de conclusion temporaire

Cionci tient un argument problématique, mais partiellement efficace. La renonciation de Benoît XVI est nulle et Benoît XVI l'a évidemment fait exprès, ce que soutient Cionci. En effet, on ne cite pas un mot (ministerium) à la place d'un autre (munus) quand on "démissionne" de la charge de Pape ...

Il est légitime aussi de juger que l'alibi de la renonciation de Benoît XVI :

... mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer adéquatement le ministère pétrinien. ... (texte français)

pourrait être une évocation masquée de forces contraires à la volonté de Benoît XVI dans le gouvernement de l'Eglise et dont la puissance dépasserait les forces que l'avancement de son âge lui laisse. On note que Benoît XVI n'utilise pas le terme de ministerium, mais celui de "munus Petrinum" (texte latin)

La renonciation de Benoît XVI comme coup d'état au Vatican

La chose paraît étonnante. On pense à du "complotisme" mal placé. Malheureusement, l'Histoire de deux mille ans démontre l'ingérence des Etats ou de factions ecclésiastiques dans le gouvernement de l'Eglise catholique. Que ce soit pour l'élection du Pape ou pour l'obliger à prendre des décisions intéressant l'état en ingérence. Pendant un siècle, les papes furent élus en Avignon, et parfois un deuxième pape existait à Rome. Les uns avec l'appui de la France, les autres avec l'appui de l'Allemagne.

Il est clair que la ligne suivie par le Pape Benoît XVI était contredite par une majorité d'activistes dans le catholicisme. Particulièrement parmi les membres de la Curie, mais aussi parmi les cardinaux et les évêques catholiques. Mais, cette opposition ne pouvait pas conduire, à elle seule, à une résignation papale. En effet, comme Jean-Paul II, Benoît XVI veillait scrupuleusement à une forme de pluralisme dans l'Eglise, de sorte que lorsque l'un de ces deux Papes émettait une opinion ou une analyse concernant la foi ou les moeurs ou le gouvernement de l'Eglise, les critiques les plus virulentes ne recevaient jamais aucune coercition de la part du Pape. Plus encore, les deux Papes veillaient à ce qu'aucune surveillance tatillone ne soit exercée pour veiller à faire respecter leurs décisions.

Il en résulte que pendant 40 ans, les opposants à la ligne conservatrice des Papes Jean-Paul II et Benoît XVI n'ont reçus que des encouragements et des promotions de la part de ces deux Papes. Ainsi de Bergoglio, connu comme l'un des jésuites les plus progressistes d'Amérique latine, que Jean-Paul II a fait évêque, puis cardinal contre l'avis de l'épiscopat "moins progressiste".

Malgré tout, le poids du catholicisme en Occident, dans la mesure où il était orienté plutôt du côté conservateur, notamment en matière de moeurs et de politique générale, était un frein aux menées progressistes largement défendues par les gouvernements américains successifs. De même pour la plupart des gouvernements occidentaux. Il n'y a qu'à considérer les décisions politiquescontraires aux indications données par les papes conservateurs successifs qu'ont adoptées les dirigeants occidentaux, surtout quand ils agitaient un "catholicisme" électoraliste. Le conservatisme de la papauté ne les gênait pas énormément, d'autant qu'elle laissait prospérer un mouvement ecclésiastique très progressiste, souvent même plus progressiste qu'eux. Et c'est ainsi que, à l'insu du plein gré des papes prétendus conservateurs, les occidentaux ont adoptés des législations et usages progressistes comprenant le divorce, la contraception, l'avortement, l'euthanasie, l'homosexualité, le genrisme, le wokisme, le contrôle tyrannique des peuples, ...

Plusieurs faits peuvent aujourd'hui être relatés en relation avec ce triomphe du progressisme dans l'occident autrefois chrétien sous le règne de deux papes réputés conservateurs.

  1. Le cas de l'ex-cardinal McCarrick

    C'est l'un des individus les plus curieux parmi les promus de Jean-Paul II. Avant d'entrer dans la prêtrise dans les années 1950, McCarrick a été recruté dans un programme officiel de l'armée américaine, ROTC program for the United States Air Force qui forme des officiers de réserve qui reçoivent des missions dans la société civile. Ce fait n'était certainement pas connu de ses "recruteurs" ecclésiastiques et le fait a été révélé peu avant la mort de Jean-Paul II, alors que l'avenir de McCarrick semblait déjà menacé. Mais auparavant, il développe une carrière ecclésiastique "sans faute", semant d'abord des suspicions d'abus sexuel sur mineur, collectionnant les postes d'évêque de plus en plus mitré et la consolation de séminaristes beaux garçons, jusqu'à devenir archevêque de Washington, puis cardinal.

    McCarrick a imposé un nombre incroyable de prêtres et d'évêques progressistes, tous nommés par Jean-Paul II ou par Benoît XVI, grâce à l'influence que McCarrick avait sur la Curie. Dans le même temps, s'abritant derrière des ONGs catholiques ou ecclésiastiques, McCarrick a mené des missions diplomatiques pour le compte d'agences fédérales américaines, comme la CIA ou la NSA, en ex-Yougoslavie et en Chine notamment.

    McCarrick a été écarté de la vie publique par Benoît XVI quand il est devenu impossible de le soutenir à cause de plaintes d'ecclésiastiques qui se remémoraient - d'un seul coup - avoir été l'amant trompé du sémillant cardinal. Mais, McCarrick est une indication du rôle extrêmement trouble joué par les agences fédérales américaines pour contrôler le Vatican. Il faut remarquer que Benoît XVI, averti par l'archevêque Vigano, qui était Nonce aux USA, a sanctionné de manière discrète McCarrick en 2009. Benoît XVI abdique en pratique le 13 Février 2013 et le pontificat suivant relève McCarrick de ses sanctions.


  2. Le cas de la Mafia de Saint-Gall

    Un cardinal très connu en Europe, Daneels, a raconté dans ses mémoires qu'il avait participé à des réunions discrètes de cardinaux progressistes. Se réunissant dans la ville suisse de Saint-Gall, Daneels parle dans ses Mémoires de la "Mafia de Saint-Gall" ce qui est un trait d'humour ... disons ecclésiastique, plus qu'une qualification objective. Lorsque Benoît XVI a abdiqué (en pratique) de nombreux observateurs ecclésiastiques ont recherché des faits à imputer à ce groupe. Manifestement, ils se réunissaient pour, qu'au décès de Jean-Paul II, une majorité de cardinaux votent pour le candidat progressiste, le cardinal Bergoglio, qui ne participait pas à la "Mafia". Selon quelques indiscrétions, Bergoglio fut le second dans l'ordre des préférences du Conclave qui finalement élit Benoît XVI.

    Selon toutes vraisemblances, la plupart des cardinaux de la "Mafia de Saint-Gall" étaient décédés ou non électeurs lors du Conclave qui finalement fit triompher Bergoglio. Mais, il est clair que les "efforts" développés avant 2005 par la prétendue Mafia ne furent pas étrangers à la victoire de Bergoglio en 2013.

    Deux informations supplémentaires sont à déduire du cas de la "Mafia de Saint-Gall" :

    1. Les membres de la dite Mafia étaient nombreux et puissants, et ils étaient en relation avec le régime occidental progressiste, tant aux USA qu'en Europe. Placés là par des gens qui souvent avaient disparus, ils ont eux-mêmes placés notamment au Vatican, mais aussi dans les bureaux des épiscopats nationaux, des progressistes eux-mêmes liés au régime occidental. Ces agents d'influence, encore inconnus, ont évidemment joué un rôle dans la résignation de Benoît XVI. Ce rôle sera à déterminer.
    2. Le lieu de Saint-Gall n'est pas complètement "innocent". Saint-Gall est une charmante petite ville du centre de la Suisse. C'est aussi le siège de banques liées aux affaires financières du catholicisme. C'est aussi le lieu de plusieurs universités et "business schools" où se rencontrent l'élite catholique et les émissaires du régime progressiste occidental. Il est clair qu'à Saint-Gall peut se traiter un certain nombre de questions liées au gouvernement du catholicisme romain avec des membres ecclésiastiques du plus haut niveau et les émissaires du régime progressiste occidental.

  3. L'affaire Vatileaks

    Le scandale éclate en 2012 avec l'arrestation d'un informaticien du Vatican et du majordome personnel du pape Benoît XVI. Avec l'aide et le contrôle de plusieurs membres de la Curie, les deux individus reproduisaient des copies de documents qui se trouvaient sur le bureau du Saint-Père. Certains de ces documents "atterrirent" sur la table de rédation d'un journaliste italien qui en fit la matière de plusieurs livres qui eurent leur heure de gloire. Le majordome et l'informaticien, pratiquement les seuls individus sanctionnés dans cette affaire, expliquèrent qu'ils avaient organisée cette fuite de documents secrets parce que l'Eglise avait besoin de ces publications pour se réformer. Ils signalaient ainsi l'influence de la faction progressiste dans le gouvernement papal même.

    Les documents publiés frauduleusement ont servi notamment à critiquer dans la presse occidentale progressiste le manque de réactivité allégué du Saint-Siège dans les affaires de moeurs qui ont défrayées les colonnes des journaux depuis des années. Par contre, d'autres documents, non identifiés, ont été remis à des groupes certainement ennemis de Benoît XVI et de l'Eglise et favorables au progressisme. On ignore lesquels, mais Benoît XVI en était averti et cette faille dans son entourage immédiat lui démontrait l'ampleur de son impuissance.

    Le majordome condamné à plusieurs années de prison pour abus de confiance à l'encontre du pape Benoît XVI, sera libéré sur l'ordre du pape François. "Vae victis" disait-on à Rome il y a longtemps déjà.


  4. L'affaire IOR et Moneyval

    IOR est une forme prise alors par la banque principale du Vatican. Cette banque ne peut fonctionner que si elle a le soutien du régime occidental à cause de l'interconnexion des échanges bancaires internationaux. Elle était sous Paul VI contrôlé par un prélat américain, Mgr Marcinkus, dont les enquêtes les plus sérieuses ont démontré qu'il était sous la dependance des agences fédérales américaines. Ce fut lui qui ouvrit une longue suite d'affaires cirminelles financières d'abord avec la mafia et les loges maçonniques italiennes. Jean-Paul II fait éliminer Marcinkus. Mais, la banque vaticane reste sous l'influence de ses démons. Malgré des réformes successives, le régime occidental - le gouvernement américain essentiellement - fait peser de lourdes menaces sur la banque.

    Un organe de contrôle bancaire, Moneyval, contraint alors l'IOR sous Benoît XVI à limiter encore son indépendance. Un groupe de cardinaux appartenant au clan progressiste s'empare de son contrôle en écartant notamment le président de l'IOR pourtant installé par Benoît XVI. En décembre 2012, les américains décident de bloquer l'accès du Vatican au système de communication bancaire SWIFT. Le 12 février 2023, une heure après la lecture de l'acte de résignation, l'hélicoptère emportant le pape émérite Benoît XVI vers ses vacances à Castel Gondolfo, l'accès est rétabli ...


  5. Les révélations liées à la candidature de Hillary Clinton

    Lors de l'élection de 2016, le candidat du Parti Démocrate était la Secrétaire d'Etat Hillary Clinton. Elle était assistée d'un comité supervisant son élection qui était dirigée par un Catholique, John Podesta. Clinton fit campagne pour le Parti Démocrate des USA, dont le programme fut typique des motions progressistes occidentales. Clinton faisait aussi montre de son catholicisme parce que le catholicisme avait alors pris le pas sur le protestantisme "wasp" originel des USA. Comme pour son adjoint Podesta, le catholicisme de Clinton était celui opposé au pape Benoît XVI, déposé peu avant. Ces élections ne jouèrent donc aucun rôle dans l'abdication-résignation de Benoît XVI.

    Mais, à cause de diverses péripéties, liées notamment à la forgerie de "l'ingérence russe dans les élections", une décision de justice obligea le Parti démocrate à publier les mails de l'équipe de campagne de Clinton. Ces mails révélèrent incidemment l'existence d'ONGs progressistes, liées notamment à l'Open Society du financier progressiste Georges Soros, qui travaillaient depuis des années dans le catholicisme au plus haut niveau. Ainsi de plusieurs ONGs catholiques financées par Soros avec le soutien du cardinal nicaraguyen Maradiaga.

    C'était le cas de l'ONG Catholics in Alliance for the Common Good révélée par un mail de John Podesta antérieur à la résignation de Benoît XVI et dont le texte a été publié :

    From:john.podesta@gmail.com De :john.podesta@gmail.com
    To: sandynewman@gmail.com  À : sandynewman@gmail.com
    CC: tara.mcguinness@gmail.com  CC : tara.mcguinness@gmail.com
    Date: 2012-02-11 11:45 Date: 2012-02-11 11:45
    Subject: Re: opening for a Catholic Spring? just musing . . . Objet : Re : ouverture pour un printemps catholique ? juste rêver. . .
    We created Catholics in Alliance for the Common Good to organize for a moment like this. But I think it lacks the leadership to do so now. Likewise Catholics United. Like most Spring movements, I think this one will have to be bottom up. I'll discuss with Tara. Kathleen Kennedy Townsend is the other person to consult. Nous avons créé Catholiques en Alliance pour le Bien Commun pour organiser un moment comme celui-ci. Mais je pense qu'il lui manque le leadership pour le faire maintenant. De même Catholics United. Comme la plupart des mouvements du printemps, je pense que celui-ci devra être ascendant. Je vais discuter avec Tara. Kathleen Kennedy Townsend est l'autre personne à consulter.
    On 2/10/12, Sandy Newman wrote: Le 10/02/12, Sandy Newman a écrit :
    > Hi, John, > Bonjour John,
    > This whole controversy with the bishops opposing contraceptive coverage even > Toute cette polémique avec les évêques qui s'opposent même à la couverture contraceptive
    > though 98% of Catholic women (and their conjugal partners) have used > bien que 98% des femmes catholiques (et leurs partenaires conjugaux) aient utilisé
    > contraception has me thinking . . . There needs to be a Catholic Spring, in > la contraception me fait réfléchir. . . Il faut un printemps catholique, dans
    > which Catholics themselves demand the end of a middle ages dictatorship and > lequel les catholiques eux-mêmes réclament la fin d'une dictature moyenâgeuse et
    > the beginning of a little democracy and respect for gender equality in the > le début d'un peu de démocratie et de respect de l'égalité femmes-hommes dans
    > Catholic church. Is contraceptive coverage an issue around which that could > Él'glise catholique. La couverture contraceptive est-elle un moyen autour duquel cela pourrait
    > happen. The Bishops will undoubtedly continue the fight. Does the Catholic > arriver. Les évêques continueront sans aucun doute le combat. Est-ce que la Catholic
    > Hospital Association support of the Administration's new policy, together > Hospital Association pourrait soutenir la nouvelle politique de l'Administration,
    > with "the 98%" create an opportunity? > avec "les 98%" créer une opportunité ?
    > >
    > Of course, this idea may just reveal my total lack of understanding of the > Bien sûr, cette idée peut juste révéler mon incompréhension totale de
    > Catholic church, the economic power it can bring to bear against nuns and > l'Église catholique, le pouvoir économique qu'elle peut exercer contre les religieuses et
    > priests who count on it for their maintenance, etc. Even if the idea isn't > les prêtres qui en dépendent pour leur entretien, etc. Même si l'idée n'est pas
    > crazy, I don't qualify to be involved and I have not thought at all about > folle, je ne suis pas qualifiée pour être impliquée et je n'ai pas du tout pensé à
    > how one would "plant the seeds of the revolution," or who would plant them. > comment on « planterait les graines de la révolution », ou qui les planterait.
    > Just wondering . . . > Je me demandais juste. . .
    > >
    > Hoping you're well, and getting to focus your time in the ways you want. > En espérant que vous allez bien et que vous concentrez votre temps comme vous le souhaitez.
    > >
    > Sandy > Sandy
    > Sandy Newman, President > Sandy Newman, président
    > Voices for Progress > Voices for Progress
    > 202.669.8754 > 202.669.8754
    > voicesforprogress.org > voicesforprogress.org
    Du calendrier des événements, un analyste italien, Piero Laporta déduit :
    Ora sappiao che è stato Obama presidente insieme a Hillary Clinton a escludere la banca vaticana da Swift perché, come aveva detto uno dei loro complici, John Podesta, "In Vaticano occorre una primavera colorata" Nous savons maintenant que c'est le président Obama et Hillary Clinton qui ont exclu la banque du Vatican de Swift parce que, comme l'a dit l'un de leurs complices, John Podesta, "Le Vatican a besoin d'un printemps coloré".

    Le mail de Podesta est une réponse en 2012 à un mail d'une femme, qui sera plus tard avec Podesta membre de l'équipe de campagne de Clinton en 2016, et qui développe avec d'autres le concept d'un "Printemps catholique", mis au point par l'Administration Obama, sur le modèle des "Printemps arabes" qui fleurirent en Tunisie, Lybie, Syrie, Irak, ...Il s'agissait de faire chuter les régimes en place et de les remplacer ou bien par le chaos, cas de la Lybie, ou bien par un régime fantoche américain, cas de l'Irak. Très clairment le mail de Podesta montre l'implication d'ONGs catholiques, probablement actionnées par l'Adminsitration Obama et par Soros poiur détruire le gouvernement de Benoît XVI.

    Quelques années plus tard, des affaires sordides mirent en cause le cardinal nicaraguyain Maradiaga, qui faisait financer le progressisme catholique par des ONGs appartenant à Soros. Protégé par Bergoglio, Maradiaga, malgré un nombre considérable de scandales financiers, reste en place jusqu'à être désigné comme le "Vice-Pape" ... Le catholicisme vit son "Printemps arabe" ...



Notes et commentaires
  1. Democrat Fingers in the Vatican Pie: Did Obama Force Benedict’s Abdication?, Alessandro Rico - OnePeter Five - 11/08/2017
  2. Italian Geo-Strategist Fuels Debate Over Pope Benedict’s Resignation, Maike Hickson - OnePeter Five - 23/05/2017
  3. Pope Francis, Soros "Illegal Slush Fund," Pope Benedict's Abdication & Financial Blackmail, Fred Martinez - Catholic Monitor - February 03, 2018
  4. Una conferma: mano USA dietro la cacciata di Ratzinger, Maurizio Blondet - 03/01/23
    Blondet relaye un article du général italien Piero Laporta sur l'implication des USA dans la résignation de Benoît XVI.
  5. Andrea Cionci. Fatima, Ratzinger e Tyconio: il Segreto c nello Specchio. Marco Tosatti - 14/09/22
  6. Leaked Emails Show Clinton Staffers Mocking, Scheming To Undermine Catholic Teaching, October 13, 2016
  7. "Vice Pope" Cardinal Oscar Rodríguez Maradiaga does not deny being funded by George Soros,and working with the "Catholic Spring " movement, by Ganesh Sahathevan, Thursday, February 9, 2017
  8. Clinton Campaign’s anti-Catholic E-mails: Will Catholic Voters React?, by William F. Jasper October 14, 2016
  9. Una conferma: mano USA dietro la cacciata di Ratzinger, Maurizio Blondet - 03/01/23
  10. The St. Gallen connection to those snarky Vatican ATMs, by Br. Alexis Bugnolo, July 9, 2020
  11. Debit and Credit Card Purchases Shut Down at Vatican, The New York Times - 04/01/2013
  12. An Index to Pope Benedict’s Renunciation, by Br. Alexis Bugnolo, November 26, 2019.
    L'auteur, un frère franciscain italo-américain écrivant en anglais, donne une liste d'études, souvent de sa main concernant des erreurs formelles dans la Déclaration de résignation de Benoît XVI. Les erreurs qu'il identifie sont factuelles et il s'est heurté à un refus systématique des officiels du catholicisme romain de les réfuter. Les observations de Bugnolo n'ont été utilisées par personne à notre connaissance.
  13. Papal resignation linked to inquiry into 'Vatican gay officials', says paper _ Pope Benedict XVI, The Guardian - 22-02-2013
  14. US ‘spied on Vatican in run-up to conclave’, Aljazeera, 30 Oct 2013
  15. Soros: The Man Who Would Be Kingmaker, Part II, By FrontPageMagazine.com | by Dr. Rachel Ehrenfeld and Shawn Macomber relayé par ACD, Friday, October 29th, 2004
  16. What the Catholic Church can learn from the Muslim experience, The Washington Post, By Nathan Lean, Published: March 6, 2013. L'article commence par ces mots :
    Historians may look back at the second decade of the 21st century and pinpoint the Arab Spring and the resignation of Pope Benedict VXI as two of the era’s most influential events. The former freed some countries in the Middle East from the ironclad grip of dictators and ushered in a new wave of Islamist governments; the latter presents the Catholic Church with a unique opportunity to rebrand itself (a majority of Catholics said in a recent CBS/New York Times poll that the church is "out of touch") and embrace a more broadened approach. Les historiens peuvent regarder en arrière la deuxième décennie du 21e siècle et identifier le printemps arabe et la démission du pape Benoît VXI comme deux des événements les plus influents de l'époque. Le premier a libéré certains pays du Moyen-Orient de l'emprise à toute épreuve des dictateurs et a inauguré une nouvelle vague de gouvernements islamistes ; ce dernier offre à l'Église catholique une occasion unique de se reformer (une majorité de catholiques ont déclaré dans un récent sondage CBS/New York Times que l'Église est "déconnectée") et d'adopter une approche plus large.

Revue C-Politix (c) 10 Janvier 2023