Réflexions sur l'affaire du Donbass

Philippe Brindet - 23 Février 2022
  1. Trois faits sur l'Ukraine

    1. La Fédération de Russie par un vote de son Parlement a reconnu l'indépendance des deux Républiques autonomistes de Lougansk et de Donetsk qui sont depuis les accords de Minsk de 2014 reconnues comme des Républiques autonomes sur le territoire de l'Ukraine. Source Wikipedia
    2. En application d'accords de défense entre la Fédération russe et les deux Républiques autonomes, les troupes russes sont entrées sur le territoire des deux Républiques autonomes où elles ont été accueillies dans la liesse des populations russophones.
    3. Considérant qu'il s'agissait d'une quasi-annexion, les Alliés, en fait les USA accompagnés de leurs vassaux européens, ont décidé de sanctions économiques et policières contre des personnalités russes et des entreprises russes (banques notamment) de façon à empêcher le commerce entre l'Europe et la Russie.

  2. La tentation de la roue de l'Histoire

    Un certain nombre de politiciens occidentaux, soutenus par la presse lige du régime occidental, dressent un parallèle entre l'affaire du Donbass en 2022 et celle des Sudètes en Tchécoslovaquie en 1938, qui a servi de prétexte à Hitler pour envahir la Tchécoslovaquie. La situation est en effet sur certains point semblable. C'est au prétexte de libérer les populations allemandes des Sudètes que Hitler a annexé la Tchécoslovaquie. C'est au prétexte de la protection des populations russophones du Donbass que Poutine a envahi l'Ukraine.

    En réalité, Poutine n'a pas encore annexé l'Ukraine. Il a simplement reconnu deux républiques autonomes, qui se trouvent il est vrai en Ukraine, et leur a apporté un soutien militaire contre les exactions des milices ukrainiennes. Le parallèle est tentant, mais pervers. Il faut admettre que la situation va se développer dans les jours prochains. D'abord parce que si les USA ont réagi, l'Ukraine n'a pas encore dit ce qu'elle ferait. Elle peut lancer une offensive militaire pour reprendre le contrôle du Donbass.

    Mais il y a une autre différence avec 1938. L'Allemagne de Hitler avait un besoin vital de s'étendre vers l'Est. D'ailleurs, c'est tellement vrai que l'Allemagne de Biden s'est depuis trente ans étendue vers l'Est en prenant le contrôle des anciens pays communistes de l'Est européen. A la différence, la Russie de Poutine n'a nul besoin de s'étendre à l'Ouest ou ailleurs. C'est le plus grand pays du monde avec une population l'une des moins denses de la planète. Et une terre d'une richesse quasi fabuleuse en produits pétroliers, en minerais de toutes sortes, en produits agricoles et tant d'autres.

    Par contre, la Russie a une autre nécessité. Poutine l'exprime ainsi. La Russie ne peut admettre que les républiques issues de l'ancien monde soviétique soient incorporées de facto dans la zone de contrôle de l'OTAN. La raison est simple. Cette situation place l'Ouest de la Russie sous le feu des missiles nucléaires tactiques des USA qu'ils soient au sol ou en avion. Il est vrai que cette proximité place aussi les bases américaines et leurs avions les plus avancés sous le feu des missiles tactiques russes et de leurs bataillons de missiles anti-aériens. Cette avancée de l'OTAN vers l'Est est donc bien, de la part des deux partis, un risque d'escalade vers une guerre totale.

    Pour expliquer mon propos, je dirais que, au premier décollage d'un avion américain sur le sol ukrainien, la défense anti-aérienne russe n'aurait pas d'autre mesure efficace que d'abattre immédiatement cet aéronef encore sur sa piste d'envol. La situation devient "stupide" si on laisse faire l'OTAN.


  3. Quelle est la stratégie des américains ?

    En réalité, les USA ont profité de la chute de l'Allemagne hitlérienne pour se partager l'Europe avec les Soviétiques. Les américains ont en fait annexé l'Europe occidentale. Avec la chute de l'Union soviétique, ce ne sont pas les "Européens" qui ont un besoin d'expansion vers l'Est, ce sont les USA ! Et nous autres européens n'avons rien à y redire. Nous avons des exécutifs locaux qui sont de simples collaborateurs du régime américain. L'Allemagne en a profité pour, sous le patelin et rusé Kohl, s'installer avec les américains, dans les anciennes républiques soeurs de l'Union soviétique.

    En 1983, lorsque Eltsine a chassé Gorbatchev du pouvoir, il a immédiatement fait entrer les américains, en Russie. Ce sont les américains qui ont installé partout dans l'économie russe des hommes-lige, comme le banquier Jeffey Sachs [1]. Des russes racontent qu'ils ont vu dans leur usine un officier américain, siégeant dans le bureau directorial, avec le drapeau américain derrière lui. C'est chez eux que les fabuleuses richesse de l'Union soviétique sont parties, souvent avec l'aide de collabos : les apparatchicks russes qui sont devenus les "oligarques russes". Les Khodorovsky, Berezovsky et autres Abramowitch ont collaborés avec l'envahisseur américain.

    Lorsque Poutine est arrivé au pouvoir, engagé qu'il a été par Eltsine lui-même, les américains ont cru que ce petit colonel du KGB jouerait leur jeu parce qu'il n'avait pas les moyens d'en jouer un autre. Or, Poutine a commencé par faire un marché avec les oligarques [2] : ou bien ils coopéraient avec l'Etat russe ou bien Poutine les éliminerait. Et il en a éliminé plusieurs qui se sont retrouvés en prison comme Khodorovsky qui tenait le pétrole russe, ou Berezovski qui s'est enfui en Angleterre.

    Les américains utilisent tous leurs moyens pour déstabiliser le régime de Poutine, de façon à pouvoir se réinstaller à Moscou et reprendre le pillage de la Russie, là où ils l'avaient abandonné. C'est le rôle d'individus comme Navalny et des organisations non gouvernementales, directement animées par les services spéciaux américains ou par les oligarques américains comme Gates et Soros.

    La stratégie de l'Amérique est donc de prendre le contrôle de l'économie russe pour la piller sans pitié. Or, l'affrontement "ukrainien" n'a aucun intérêt direct pour les Américains, sauf à être l'occasion de battre Poutine dans une confrontation directe de façon à l'affaiblir en politique intérieure. Poutine le sait qui doit donc éviter la confrontation directe.

    Dans cette stratégie de long terme, l'affaire "ukrainienne" permet de focaliser la Russie sur un point où elle est faible. Mais, le problème des américains est qu'ils sont encore plus faibles militairement que Poutine. Leur armement est peut être supérieur sur le papier. Mais, les américains n'ont plus gagné de guerre depuis des décennies. Pour donner un exemple, leur chasseur le plus avancé, le F-35, présente plus de 856 défauts de fabrication dont une bonne centaine le rendent impropre au service. Selon plusieurs sources, la vaccination Covid a décimée leurs pilotes. Par ailleurs, le niveau militaire de leurs troupes est au plus bas. Ils doivent recourir au vassal européen qui est dans une situation militaire pire que la leur. La meilleure armée européenne est certainement - et de loin - l'armée française. Mais elle est complètement paralysée par un sous-investissement financier depuis plus de trente ans.

    En Ukraine, les américains n'ont donc pas d'autre moyen que de "travailler" avec des bandes de néo-nazis comme le bataillon Azov. Ces bandes sont constituées de bandits ukrainiens auxquels s'agglutinent des mercenaires dont beaucoup de djihadistes syriens, turcs et irakiens. La Russie a mis deux ans à éliminer de telles bandes en Tchétchénie par exemple. Mais le désordre que ces bandes introduisent sert la stratégie américiane. Poutine le sait et a averti les américains il y a trois jours. Il a déclaré que la Russie connaissait les noms des auteurs de l'attentat d'Odessa. Un autre point est à souligner : il y a des russophones ailleurs qu'à Lougansk et Donetsk.


Il y a beaucoup d'autres choses à analyser. Restons en là et laissons les faits se dérouler sous nos yeux. Disons seulement que l'affaire "ukrainienne" permet aussi à Washington à détruire les relations économiques entre l'Europe vassalisée et la Russie. Au profit d'une alliance Russie - Chine. Et çà, les américains devraient s'en méfier. Parce que si la Russie possède 160 millions d'humains, la Chine en possède dix fois plus. Une alliance militaire russo - chinoise est à Brest en moins de quinze jours.





Notes et commentaires

[1] Jeffrey Sachs, biographie sur Wikipedia.

[2] La Russie des oligarques de A à Z, 03 Jan 2008, Andrew Osborn
Il s'agit d'uyn site d'extrême-gauche probablement activé par les services spéciaux américians. Mais l'article donne des informations intéressantes.


Revue C-Politix (c) 23 Février 2022