Ukraine. Deux ans de guerre

Philippe Brindet - 24/02/2024

Le 24 Février 2022, après quatre mois d'intenses manoeuvres militaires en Biélorussie et dans le Sud de la Russie, l'armée russe pénètre selon trois axes principaux :

  • par le Nord, vers la capitale de l'Ukraine, Kiev ;
  • par l'Est, sur les oblasts russophones de Kharkov, Lougansk et Donetsk ; et
  • par le Sud, venant de Crimée sur les oblasts de Zaporijzia et Kherson.

Les russes parviennent rapidement à des positions loin en arrière des frontières. Mais, il va alors se passer un premier événement inattendu : l'armée russe cesse son avance et se retire de Kiev et de Kharkov. Selon la Russie, ce retrait et cet arrêt est une condition d'un accord de cessez-le-feu en cours de négociation à Istamboul entre les Russes et les Ukrainiens sous l'égide de la Turquie.

Les occidentaux qui soutiennent économiquement l'Ukraine affirment que c'est la résistance de l'armée ukrainienne qui explique ce recul.

La négociation de paix d'Istamboul échoue parce que le Premier Ministre Boris Johnson est envoyé par Biden pour interdire à Zelenskyy le président ukrainien de traiter avec Poutine. En échange, Johnson promet un soutien militaire, industriel et financier à Zelinskyy tout en lui garantissant que les sanctions économiques, financières et diplomatiques imposées par l'occident à la Russie vont mettre celle-ci "à genoux".

Trompé par les promesses des occidentaux, Zelinskyy décrète alors dans une mobilisation générale et lance son armée sur le front de l'Est avec pour mission de prendre Moscou dès que possible. La guerre vue d el'occident va alors prendre une tournure de propagande qui va dépassser la propagande lors de la guerre de Serbie. Les Ukrainiens parviennent à stopper l'avance des russes qui vont alors tenter plusieurs objectifs :

  • progresser vers l'ouest dans le Donbass aussi loin que possible de façon à sécuriser les oblasts russophones trop à portée des canons ukrainiens depuis 2014 ;
  • user les forces armées ukrainiennes en bombardant les concentrations de troupes, les dépôts de matériel et de munitions ;
  • amoindrir le potentiel de guerre des ukrainiens en détruisant jusque la frontière polonaise les cantonnements, les voies de communication, mais aussi les réseaux d'eau, de gaz, d'électricité.

L'armée ukrainienne est une armée de tradition militaire soviétique. Mais depuis 2014, elle bénéficie d'une mise au format Otan, grâce à des conseillers et des isntructeurs militaires occidentaux. Par ailleurs, tout en protestant que les occidentaux ne sont pas des belligérants, les ukrainiens mobilisent beaucoup de mercenaires qui sont des professionnels des armées occidentales. Par ailleurs, les forces ukrainiennes ont, depuis plusieurs années, intégrées dans leurs forces armées les milices d'extrême-droite que les russes qualifient d'ukro-nazis à la grande fureur et des ukrainiens et des occidentaux. Les brigades Azov ou Krakken et bien d'autres encore sont engagées ou bien sur le front, à Marioupol notamment. Mais elles sont aussi utilisées pour empêcher le repli des forces ukrainiennes régulières qui ne sont pas toutes très aguerries.

Toujours est-il que les forces ukrainiennes résistent très bien à l'opération militaire spéciale. Elles ne parviennent cependant pas à éviter la chute de plusieurs grandes villes dont Marioupol, Berdiansk, mais aussi Soledar, Bakhmut et Avdievka dernièrement. On note que la doctrine Otan, mise au point par la Rand Corporation, enseigne la résistance aux forces russes dans des villes pour profiter à la fois des caves et des étages supérieurs. Cette stratégie explique la lenteur de l'avance russe qui, malgré ces difficultés, dispose d'une supériorité aérienne et d'artillerie environ dan sla proportion de 1 à 6 au moins sur les grandes villes.

Mais les forces ukrainiennes s'illustrent aussi dans le combat en rase campagne, profitant notamment des forêts, comme à Dibrova, ou au bord des immenses champs bordés de lignes forestières qui offrent un abri relatif, mais qui va beaucoup gêner les russes. A l'automne 2022, les ukrainiens profitent de l'avancée trop forte des russes sur Kharkov pour les contraindre à un retrait rapide. Les Ukrainiens gagnent ainsi environ 50 kilomètres sur 80 kilomètres de front. C'est leur meilleur succès jusqu'à présent. Au sud, les russes décident de se retirer sur la rive Sud du Dniepr à Kherson qu'ils abandonnent. C'est un second succès tactique des ukrainiens qui, depuis cette date occupe toute la rive nord du Dniepr jusqu'à Zaporidjzia.

Ces deux succès poussen tles occidentaux à équiper les ukrainiens de matériel occidental et de les monter en corps de bataille pour une contre-offensive" qui démarre le 4 juin 2023. Cette action va coûter énormément d'hommes et de matériel à l'Ukraine. Sauf sur des poches que les russes leur concèdent, les ukrainiens ne parviennent pas à avancer. Il semble que le plan occidental était de concentrer des forces blindés sur un front de 50 kilomètres au sud de Zaporidzja et de couper en deux la zone occupée par les russes et reprendre ainsi la Crimée. Mais, les ukrainiens vont rencontrer, même dans cette zone de très grandes difficultés et vont réduire peu à peu l'ampleur de leurs attaques jusqu'à les réduire à un pelotant avec un ou deux véhicules blindés à la fois.

La contre-offensive ukrainienne est virtuellement battue dès le mois d'Août 2023 et les actions se prolongent jusqu'en Janvier 2024. Pendant ce temps, les russes utilisent leur stratégie de rouleau compresseur, en attaquant des points faibles ukrainiens avec un surcroît de troupes et surtout d'artillerie.

Ici, il faut souligner plusieurs événements nouveaux dans une guerre de haute intensité :

  • le rôle de l'aviation tactique est terriblement gêné par les missiles antiaériens, notamment portés par fantassin. Il a été remplacé par les drones, notamment les drones FPV ;
  • le rôle des blindés a été réduit, même si ce rôle est encore essentiel notamment pour prendre des villes avec des immeubles de béton ;
  • le rôle de l'artillerie lourde est essentiel en toute circonstance : contre les immeubles, les villages, les lignes d'arbres, les concentrations, les dépôts, ...
  • il est complété par le rôle des missiles et, notamment du côté russe, par les missiles hypersoniques, ainsi que par les bombes planantes.

Du côté ukrainien, deux outils sont d'une efficacité indiscutable :

  • le renseignement OTAN produit par satellites et par drones d'observation, notamment patrouillant sur la Pologne et la Mer Noire, et par AWACS ;
  • les communications par satellite, principalement par le réseau Starlink de Elon Musk.

L'utilisation du matériel occidental par les ukrainiens a été très décevante. Les causes de cette déception sont certainement multiples. Mais, les blindés - Leopard, Guepard, Bradley, Abrams, Centurion, AMX-10, .... - n'ont pas donné d'avantage tactique aux ukrainiens. Il semble que la mise en bataille des chars de fabrication allemande Leopard ait donné lieu dans les armées russes à des concours destinés à récompenser les "tueurs de chars".

L'utilisation des batteries de missiles anti-aérien Patriot a été surtout concentrée sur la défense de Kiev. Au moins une batterie, peut être deux, ont été détruites par des tirs de missiles hypersoniques russes Kinzhal.

Cependant, les missiles de croisière Storm Shadow britanniques et Scalp français ont été des réussites pour les ukrainiens, notamment sur la Crimée. Deux systèmes d'artillerie auraient aussi été très performants ; le canon automoteur César français, et les lance-roquettes multiples Hi-Mars américains.

La suite de l'opération militaire spéciale

L'Amérique devrait être contrainte par le jeu parlementaire à ne plus financer la guerre en Ukraine. L'Union européenne s'est trouvée contrainte par ses accords - de soumission au régime américain - de prendre le relais des Etats-Unis. Or, l'Union européenne s'est appauvrie depuis vingt ans d'une première étape, et à vitesse doublée par les sanctions économiques et financières imposées par le régime américain contre la Russie qui se sont appliquées à l'Union européenne à l'insu de son plein gré, lors de l'étape actuelle. L'économie de l'Union européenne n'est pas capable de subvenir aux besoins de l'Ukraine. Mais il existe une solution ...

L'Ukraine est un pays dont la population est terriblement pauvre, âgée, et ses jeunes - ce qu'il en reste après trente ans de domination occidentale - se sont émigrés ... ailleurs. L'armée ukrainienne a besoin de 500.000 recrues très vite. Il lui faudra les entraîner, les armer, les constituer en troupes militaires ... La course aux moyens pour l'Ukraine va se trouver en compétition avec la progression militaire de l'armée russe ... Il est très improbable que le financement de l'UE parvienne à temps à Kiev. Il en résulte que l'Union européenne peut "s'engager" à des sommes effarantes ... Elle pourrait n'avoir jamais l'occasion de les payer.

Ce que l'on sait au delà de la propagande occidentale - qui prétend que la Russie a subi 200.000 morts contre 70.000 pour l'Ukraine - c'est que l'Ukraine a probablement perdu 500.000 hommes hors de combat. La Russie aurait perdu bien moins d'hommes. Et son industrie est arfaitement capable de poursuivre l'effort de guerre.

L'Ukraine a t'elle perdu la guerre ? L'occident - Etats-Unis et vassaux - a t'il été défait par la Russie ?

La réponse commune est clairement non.

Pourtant, ni l'Ukraine, ni l'Occident n'ont les moyens d'une guerre militaire contre la Russie. Mais, la défaite est une notion complexe. Si la Russie est certainement parvenue à assécher les moyens guerriers de l'Ukraine et de l'Union européenne, les Etats-Unis n'ont pas encore démontré que leur industrie militaire serait menacée. Les Etats-Unis sont une île largement auto-suffisante.

Cependant, si le régime américain - un partenariat "public - privé" - est riche, le peuple américain est quasiment ruiné. Il est probablement incapable de fournir des troupes de qualité militaire à des campagnes que le régime américain voudrait lui imposer.

Les Etats-Unis devront donc recruter des troupes. Les officiels liés au Pentagone disposent de deux populations :

  • les troupes militaires des Etats - européens essentiellement - "enragés" contre la Russie comme la Pologne, les état baltes, possiblement la Roumanie et la Moldavie,
  • les immigrés qui arrivent à raison de 300.000 hommes par mois par les frontières Sud (Mexique) et Nord (Canada) qui pourraient être recrutés de manière forcée pour une guerre en Ukraine.

Le régime occidental a encore une autre option pour ne pas perdre la guerre en Ukraine : traiter avec la Russie et la tromper de sorte que la guerre s'arrête. La question est alors : que peut offrir l'occieent à la Russie pour lui faire perdre la guerre ? La chose est difficile, mais elle est de l'ordre de la négociation.

La Russie a-t'elle gagné la guerre en Ukraine ?

Le 26 Février 2022, Wladimir Poutine a posé trois objectifs à l'opération militaire spéciale :

  • protéger les populations russophones d'Ukraine des exactions des activistes ukrainiens ;
  • détruire les milices d'extrême-droite dites ukro-nazies ;
  • interdire que l'Ukraine entre dans l'Otan.

Aucun de ces trois objectifs n'est complètement atteint. Le premier objectif de protection des russes est le plus réalisé. Mais il reste les oblasts de Kharkov et d'Odessa et plusieurs autres éventuellement. De plus les oblasts de Louhansk et de Donetsk ne sont pas complètement autonomisés.

Plus grave, la Finlande et la Norvège sont entrés dans l'Otan, et la Suède est sur le point de le faire. En contre-partie, l'Otan a démontré sa probable incompétence militaire, à la fois stratégique mais aussi humaine et industrielle. Elle n'est même pas capable d'approvisionner en obus le feu ukrainien.

La Russie, bien entendu, n'a toujours pas gagné la guerre?

Que peut-il se passer ?

Le plus probable est une poursuite de l'opération militaire spéciale avec le but de poursuivre l'extinction des moyens civils, militaires, humains, matériels de l'Ukraine, de l'Union européenne et possiblement des Etats-Unis.

Le chaos ukrainien se conjugue avec le chaos israélien.

Tout peut alors diverger :

  • éclatement de guerres civiles en Europe fomentées par les organisations islamiques et/ou par les ONGs immigrationistes ;
  • effondrement économique de l'Union européenne ;
  • déclenchement d'une guerre mondiale par exemple par un incident fomenté par la Pologne, un état balte ou par la Moldavie.

On ne peut pas négliger le risque d'une guerre initiée par les Etats musulmans, ou par la Chine.


Revue C-Politix (c) 24 Février 2024