Occident. Effondrement et retrait du christianisme. Quelques observationsC'est un sujet qui dépasse notablement mes forces et je sais que je dois "m'économiser" pour espérer prononcer quelque chose de vrai et donc d'utile. Avançons sobrement Je renvoie mes lecteurs à des articles précédents et notamment :
Deux concepts politiques sont aujourd'hui rapprochés : christianisme - peut être même chrétienté - et laïcisme. Par exemple le politicien de culture juive Zemmour estime que la restauration du christianisme au plan de l'identité occidentale est une condition essentielle à une restauration de l'occident. Et dans le même temps, la menace civilisationnelle de l'Islam pourrait être - selon lui - contrée par l'application à son encontre du principe de laïcité. Tout d'abord, Zemmour remarque avec profondeur que le christianisme est une religion de la foi. Ce qui est principal est ce que JE crois, moi et pas un autre. Il en déduit que le christianisme est une religion privée et que le principe de laïcité ne ferait donc qu'appliquer ce caractère personnel du christianisme. Zemmour prend ensuite l'exemple du judaïsme accueilli par la Révolution française - et donc par la République française qui en hérite avec ce mot du député Clermont-Tonnerre : "La liberté pour les juifs en tant qu'individus, rien en tant que nation". Zemmour considère que c'est ce qui a été mis en oeuvre pour le judaïsme et accepté par lui. C'est ce "laïcisme" que Zemmour propose de mettre en oeuvre pour contenir l'expansion de l'Islam, dans l'Occident. J'ai écrit dans les articles cités plus haut que je trouvais cette application du principe de laïcité paradoxale, parce que c'est l'application de ce principe qui a :
Je reviendrais peut être sur ces deux points. Mais je voudrais insister sur la question du christianisme et de l'Occident et de son rapport avec le "laïcisme". Tout d'abord, le christianisme n'a un rapport avec l'Occident que de manière conjoncturelle : c'est parce qu'il est parti du Moyen-Orient et qu'il s'est propagé principalement vers l'ouest. Le christianisme n'est pas un "phénomène" occidental. Dès son origine, il est un mouvement mondial de conversion. Dès la première décennie après la Mort et la Résurrection de Jésus, Fils de Dieu, le christianisme s'est répandu aussi vers l'Est - l'Inde notamment, mais aussi vers le Sud, pénétrant en Afrique. Notamment vers l'Afrique du Nord où il a été dominant très vite dans les zones actuellement connues comme Mahgreb. Je n'insiste pas sur le christianisme qualifié d'oriental notamment parce qu'il a conservé la langue grecque alors que le christianisme qualifié d'"occidental' utilisait le latin. Mais, même cette "dichotomie" est laborieuse. Notamment parce que même le christianisme "occidental" a été tributaire de la théologie "grecque" - autrefois tenue pour "orientale " dans une géographie encore bien réduite - au moins jusqu'au 10° siècle. Notamment parce que le christianisme, qu'il soit occidental ou oriental, mondial en réalité, a besoin de la philosophie grecque pour exprimer toute la force de la foi. Platon et Aristore, sont d'importance centrale dans tout le christianisme. Mais aussi Epictète et bien d'autres qui appartiennent de fait au monde hellénistique. Et à ce propos des fondements du christianisme mondial, il faut noter que au cours de sa progression dans le monde, le christianisme n'a pas été adversaire d'autres cultures philosophiques que la culture grecque. Par exemple quand les italiens parviennent une nouvelle fois en Chine, les jésuites de Matteo Ricci vont s'intéresser profondément aux philosophies chinoises. Et ce sera le même mouvement avec l'Afrique, notamment l'Afrique subsaharienne, mais aussi avec l'Amérique latine. Le catholicisme est universel, y compris dans le christianisme ! La volonté moderne de diviser la réalité chrétienne avec une multitude d'étiquettes n'a aucun fondement dans la réalité. Pour ce qui nous concerne aujourd'hui, on voit que le christianisme a - notamment avec le plus grand succès en Occident - porté à maturation les héritages les plus variés provenant du monde entier. Et cette maturatio a permis que les Celtes ou les Wisigoths ou les Gaulois ne restent pas des "barbares", mais se "transforment" sous l'effet de la "conversion chrétienne" en occidentaux dotés d'une civilisation exceptionnelle. Dans ce même esprit, nous devons modérer l'impression que nous laisse le lien du christianisme avec la "France". Le catholicisme a accueilli l'élan national qui commence avec Clovis et sa conversion. au 5° siècle. Mais, s'il accepte de s'associer avec le mouvement national, il reste radicalement un mondialisme, une civilisation "ouverte". Pour "disputer" avec Zemmour, je dirais que ce n'est pas Taine ou Renan à qui il faut s'adresser pour restaurer la France chrétienne, c'est à Jésus et à Platon, à Saint Augustin et à Aristote, à .... et j'espère que Zemmour et ses lecteurs m'entendront. Le problème civilisationnel du christianisme s'exprime probablement dans le concept de "laïcité". Dans une civilisation chrétienne, la "laïcité" n'a aucun sens. De manière native, la religion chrétienne est dans une position par rapport à la civilisation dans laquelle elle opère qui fait "croire" à de la "laïcité". Le christianisme n'a été une civilisation que parce que la société civile était "entièrement" chrétienne, convertie, baptisée. Une fois cet état civilisationnel atteint, le christianisme ne se soucie que du maintien de la religion dans le peuple chrétien. Et ce dernier fait son affaire de l'Etat politique, social, ou autre qui lui convient. Tant que l'immense majorité du peuple est chrétien dans un Etat chrétien - donc de civilisation chrétienne - la religion chrétienne oeuvre distinctement de cet Etat, étant entendu que les principes mêmes, la Loi même de l'Etat est entièrement imprégnée de christianisme. C'st exactement ce qu'il s'est produit lors de la plus grande partie de la monarchie française. Ses rois étaient plus ou moins catholiques. Certains - Louis XIV notamment - étaient fortement contestés par l'autorité religieuse qui lui adressaient des remontrances dont le Roi tout-puissant - donc en faillite devant sa propre religion - faisait son profit. Il faut s'abstenir de prétendre que l'Etat du Roi-Soleil aurait été "laïc". Mais, en réalité, il y avait une séparation des pouvoirs entre le Roi et les religieux qui contrôlent encore la religion catholique. Il y avait notamment une certaine subordination du clergé et des catholiques au Roi et à son Etat et dans le même temps un contrôle de la religion sur les actions du Roi et de son appareil d'Etat. Et de ce point de vue - avec toutes les limitations que l'Histoire permet de remarquer - il y a une certaine laïcité dans l'Ancien Régime. Le premier souci dans la civilisation chrétienne - occidentale en réalité, et là c'est historiquement supporté - vient de ce que peu à peu les dirigeants du régime occidental et plus encore, le peuple lui-même abandonne peu à peu la religion chrétienne. C'est ce qui est apparu effectivement à certaines périodes de l'Histoire, puis de manière continue dès le règne de Louis XIV. La déchristianisation ne s'est pas faite en un jour et on peut estimer que les élites ont été peu à peu déchristianisée dès l'époque dite des Lumières. La déchristianisation du peuple démarre avec la Révolution française et elle est moins rapide que celle des élites. En fait jusqu'apès la Deuxième Guerre mondiale, le peuple est encore majoritairement chrétien. Et la France est encore la France algré ses "élites" perdues. Le même phénomène se perçoit en Italie, en Espagne, en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis. Un plus vite ici, un peu moins là ... Le second souci de la civilisation chrétienne tient à l'effondrement de la foi qui précède l'effondrement de la civilisation occidentale. Les gens croient de moins en moins, et finissent même par adopter l'athéisme pour les uns et l'idolâtrie pour les autres. Cette circonstance explique à elle seule l'effondrement de la civilisation occidentale. Non qu'une civilisation non chrétienne soit impossible. Mais, quand une civilisation perd son énergie vitale - qui, en Occident était le christianisme - alors cette civilisation périt. Et pas par la faute d'"agresseurs". Autrement dit, même si l'islam est ennemi du christianisme - les "associationistes", pires que les idolâtres .... - ce n'est pas l'islam qui va anéantir la civilisation occidentale. Elle s'effondre d'elle-même parce qu'elle n'a plus son énergie. Certains rêvent d'une restauration de la civilisation occidentale. Les chrétiens estiment qu'une condition nécessaire serait une ré-évangélisation majoritaire de l'Occident. Et cette condition semble, pour un temps très long, impossible à assurer. En effet, les cadres historiques du christianisme, notamment les prêtres du catholicisme ont dès l'époque des Lumières, fait cause commune avec le grand mouvement anti-chrétien. A la Révolution française, au moins la moitié du clergé était passé au camp révolutionnaire et a froidement abjuré et sa foi et son statut religieux. La "restauration" qui a suivi avec l'Empire, puis la monarchie, a été une illusion parce que la société française et le catholicisme qui s'y était à nouveau déployé n'ont pas compris ce qui faisait la civilisation chrétienne. Le mot existait, mais la réalité n'intéressait pas les religieux à cause notamment du "laïcisme interne" au christianisme. Ce qui intéressait le clergé de la restauration du 19° siècle, se limitait aux prescriptions religieuses qui encombraient alors le christianisme. De plus, les élites catholiques n'ont pas compris qu'elle était la vraie place du christianisme dans la vie sociale et l'ont dirigé dans le chaos du principe de laïcité. Depuis, bien entendu, la situation de l'Occident s'est aggravée notamment avec les guerres du 19° siècle - Sécession, guerres prussiennes, .... - puis les deux guerres mondiales qui ont achevé le catholicisme qui n'a pas compris le rôle eschatologique de ces guerres "à part". Au contraire, une bonne partie du clergé catholique a pris fait et cause pour le mouvement occidental d'effondrement, complètement aveuglé par la crise civilisationnelle qu'il ne comprenait pas par stupidité sociale et étroitesse d'esprit religieux. La signature de l'abandon de la civilisation occidentale a été le concile Vatican II, dont le catholicisme ne s'est pas remis. Il faut donc reformer des cadres religieux au catholicisme. L'effort est certainement en cours. Mais le travail sera long et les rechutes nombreuses. D'autant que la civilisation exige que, non seulement le peuple soit majoritairement converti, mais aussi que les élites aient adhéré à la fois à un véritable christianisme de la foi et qu'elles aient formé un projet de civilisation qui emporte une large adhésion des peuples et des élites. Je pense souhaitable d'arrêter ici ces simples observations. Mais mon lecteur admettra que l'idée d'un simple retour à des coutumes chrétiennes sera simplement insuffisant à sauver la civilisation occidentale. Non pas parce qu'elle serait victime d'une agression extérieure - ce qui va finir par être vrai - mais parce que les occidentaux ont majoritairement abjuré la foi de leurs pères. Pas seulement des pères du 5° siècle. De deux ou trois générations seulement ... |