Le putsch macronien et ailleurs

Philippe Brindet - 16 Février 2022

Très clairement, la crise pandémique a dérivée en une crise politique dont nous n'avons peut être pas mesurée la portée historique.

Plusieurs auteurs ont montré le lien entre l'épidémie de SARS-CoV-2 et une révolution de contours assez floues. On peut citer Klaus Schwab et son ouvrage "Covid-19. The Great Reset", de Juillet 2020 qui reprend certaines notions popularisées dès les années 2010 par des gens comme Jacques Attali. Ces idées ont été discutées et parfois dénoncées comme des atteintes à la liberté et à la démocratie notamment par des auteurs comme en France, Eric Verhaeghe. Malheureusement, la thématique du "Great Reset" pose un énorme problème : il s'agit d'un processus global qui semble "forgé" ad usum delphini ... En bret, il ressemble à une thèse conspirationniste. Cependant, il faut reconnaître que aujourd'hui, tout ce qui n'est pas soumis à la propagande du régime au pouvoir est qualifié de "complotiste". Sans vergogne.

Dans un article récent - Crises modernes. Le problème de l'évanouissement de la politique, Revue C-Politix du 5 Février 2022, j'ai montré comment depuis cinquante ans, la politique s'évanouit en France et partout en occident américanisé. Ainsi le pouvoir commence par passer de la souveraineté populaire par l'élection aux mains des politiciens. Puis le pouvoir glisse des politiciens aux hauts fonctionnaires pour échoir en bout de course chez les hyper-milliardaires. Par exemple, par l'intermédiaire de puissants cabinets de conseil comme le McKinsey. Aujourd'hui, par le truchement de la "crise sanitaire", l'occident américanisé est largement dirigé par Bill Gates. Ce genre d'assertion est peu goûté des "braves gens", ces sinistres cons. Cela ne rend pas l'assertion fausse.

Il y a eu en France deux déclarations assez troublantes que je voudrais rapprocher de mes deux observations concernant le Great Reset d'une part, et l'évanouissement de la politique, d'autre part.

Macron pose le principe que la satisfaction de ses devoirs par l'individu lui ouvre l'allocation de droits révocables administrativement

Macron a fait un discours des voeux du 31 décembre 2021 [1]. Dans le verbatim publié par le site de l'Elysée, on lit :

« Être un citoyen libre et toujours être un citoyen responsable pour soi et pour autrui ; les devoirs valent avant les droits. »

Il avait déjà utilisé la formule en évoquant, non pas des citoyens français, mais des étrangers sans papiers [2]. Evoquant les sans papier, Macron leur avait lancé à la cantonnade : «Vous avez des devoirs avant d’avoir des droits»Nul ne s'étonne plus qu'au bout du compte les citoyens soient tenus de la même façon que les étrangers. Peut être la raison en est qu'il n'existe plus de citoyen, mais des individus.

Plus de deux siècles auparavant, les révolutionnaires de 1789 avaient formé une Assemblée Constituante. L'Assemblée avait discuté de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Lors de la discussion de la Déclaration, les tenants de la monarchie avaient - comme Macron - exigé que les droits du citoyen soient équilibrés par leurs devoirs au risque de faire exploser la société de l'Ancien régime. Les révolutionnaires rejetèrent la motion, et la Déclaration de 1789, comme toutes ses héritières occidentales, fut adoptée en faisant référence aux seuls droits des citoyens et jamais à des devoirs. La société d'Ancien régime s'effondra. La déclaration de Macron est donc une vulgaire trahison monarchiste des idéaux de la Révolution française. C'est ennuyeux et jamais dénoncé.

Six jours après avoir énoncé un nouveau principe stratégique - "les devoirs valent avant les droits", Macron faisait publier par Le Parisien qu'il avait déclaré à deux infirmières qui l'interrogeaient sur le sort à réserver aux non-vaccinés :

« Moi, je ne suis pas pour emmerder les Français. Je peste toute la journée contre l’administration quand elle les bloque. Eh bien, là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc, on va continuer de le faire, jusqu’au bout. C’est ça, la stratégie pour pousser les réfractaires à se faire vacciner, ...» [3]

Les réactions de la déclaration macronienne ont été assez virulentes. Les macroniens s'esclaffèrent et proclamèrent leur droit d'imposer des devoirs aux non-vaccinés. Mais plusieurs observateurs de la vie politique s'indignèrent comme le journaliste de Libération, Quatremer, qui écrit un article très sévère [4] sur les errements politiques que révèlent la déclaration de Macron. Il estime que la prévalence des devoirs sert à Macron à justifier l'état d'urgence à raison sanitaire. Mais Quatremer revendique seulement la primauté de la liberté individuelle sur les droits du collectif. Il semble imaginer que les seuls devoirs de l'individu sont les droits du collectif. Il ne résisterait donc pas au slogan fasciste du "la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres".

Attal, le porte-parole du gouvernement, explique le principe énoncé par le "Higher Leader"

Attal dans un autre interview au Parisien [5] va confirmer l'oukase de son maître :

On veut aussi poursuivre la redéfinition de notre contrat social, avec des devoirs qui passent avant les droits, du respect de l’autorité aux prestations sociales

L'interview a eu lieu dans le cadre de la campagne présidentielle à laquelle Macron, qui cherche sa réélection, a décidé de ne pas participer. Attal va jusqu'à déclarer que les candidats déclarés "installent" une campagne de morts-vivants. Il n'est certainement pas nécessaire d'épiloguer sur cette déclaration surprenante, sauf à noter que les candidats déclarés, qui eux mènent campagne, sont en faits "morts". C'est-à-dire que leur campagne n'aura aucun résultat. Parce que Attal estime nécessaire de revoir le "contrat social". Dans la constitution française, il n'existe aucun contrat social. La seule référence à Rousseau se trouve dans la déclaration de 1789 et se limite à renvoyer aux instances ad hoc la représentation de la volonté générale. Aucun contrat social.

Si le macronisme cherche à revoir le "contrat social", c'est qu'il envisage simplement la suppression de la loi comme émanation de la volonté générale pour revenir à une société de privilèges où ceux qui auront rempli leurs devoirs se verront allouer des droits sociaux - autrement nommés privilèges. Comme exemple de cdevoirs, Attal cite le "respect de l'autorité" dont il semble évoquer qu'il permet l'allocation des "prestations sociales".

On note que la citation de Attal est quelque peu "floue" puisqu'il mélange les devoirs (le respect de l'autorité) et les droits (les prestations sociales) - en fait les privilèges. Cette déclaration mal fichue permet simplement de prévenir que le macronisme est en train de supprimer la société républicaine fondée sur les droits fondamentaux naturels à l'homme et au citoyen pour revenir à une société d'Ancien Régime fondée sur la soumission et les privilèges.

Le régime macronien entre Great Reset et disparition de la politique républicaine

Ce que peu de commentateurs remarquent, c'est que Macron utilisant l'autorité administrative pour délivrer des droits alloués - le passe vaccinal par exemple - n'a pas besoin de la justice pour juger du respect ou du non respect des devoirs. Mais, il n'a pas besoin non plus du législateur pour déterminer devoirs générateurs de droits et droits alloués par la soumission aux devoirs. Il n'a donc plus besoin de politique. Ce qu'il avait déjà montré plusieurs fois en neutralisant le Parlement, en soumettant Conseil d'Etat et Conseil Constitutionnel aux folies de l'urgence sanitaire et tout récemment en rejetant la contestation comme sur la décision de la fermeture de 5.700 lits d'hôpital pendant la pandémie par un méprisant "Ohoh ! Vous me semblez bien politisé ! ..." [6]

Il n'existe plus de loi, mais une autorité arbitrant les devoirs et les droits. Cette position est très claire : l'individu a d'abord des devoirs. Puis, lorsque ses devoirs sont satisfaits, il acquière des droits révocables selon sa conduite face à ses devoirs. C'est exactement la technique de contrôle social mise en oeuvre en Chine avec le crédit social, technique portée en occident américanisé par le Forum de Davos.

Certains [7] voient dans les déclarations de Macron ou de Attal, l'aveu qu'un coup d'Etat a été exécuté. Il y a en effet un peu de celà. Ce coup d'Etat a été réellement pratiqué à la faveur de l'urgence sanitaire, dont on sait qu'elle a largement été "forgée" par le mensonge de la gravité de l'épidémie.Mais, pour réussir, le coup d'Etat a besoin de perpétuer l'état d'urgence sanitaire. On voit que l'invention de nouveaux "variants" pourrait être une première "stratégie" de pérennisation du coup d'Etat. Une autre stratégie pourrait tout aussi bien utiliser d'autres épidémies. On parle déjà d'une fièvre de Lhassa, d'une nouvelle grippe aviaire, d'aue autre porcine, ... On pense aussi à l'exploitation de l'urgence climatique.

Le passe vaccinal est une sorte de prototype du passe social attribuant des privilèges aux individus soumis à l'autorité. Ce passe social a été conçu avec le concours des autorités chinoises et des grandes entreprises des hyper-milliardaires. On note que déjà les données de santé publique utilisées pour la délivrance et le suivi du passe vaccinal français sont gérées par Microsoft et Google. Et que le passe vaccinal dérive directement du passe vaccinal européen [8] mis en oeuvre par l'Union Européenne, elle-même entièrement inféodée aux grandes entreprises des milliardaires.

De plus, on voit que plusieurs nations comme le Royaume-Uni, l'Italie, l'Autriche ou l'Allemagne, se dirigent à peu près identiquement vers une société de soumission sur laquelle règera une classe de privilègiés. La siituation est la même aux USA de Biden et au Canada de Trudeau. Il ne faudra pas se tromper de combat.


Notes et commentaires

[1] Vœux 2022 aux Français, Emmanuel Macron, 31.12.2021. Publié sur le site de l'Elysée.

[2] «Vous avez des devoirs avant d’avoir des droits», lance Emmanuel Macron aux sans-papiers, leparisien - 21 mai 2021. Evoquant l'accueil des sans-papiers, Macron les avertit :

« Vous avez des devoirs, avant d’avoir des droits », a-t-il débuté avant de poursuivre : « On n’arrive pas en disant on doit être considéré, on a des droits. On a une culture d’accueil et les choses se passeront bien si chacun fait son devoir, et dit je respecte les règles, j’essaie de m’intégrer, j’apprends la langue ».

[3] Emmanuel Macron sur les «non-vaccinés» , Le Parisien , le 6 janvier 2022.

[4] Dans Libération le 5 janvier 2022, le journaliste Jean Quatremer écrit des voeux de Macron :

«Etre un citoyen libre et toujours être un citoyen responsable pour soi et pour autrui ; les devoirs valent avant les droits», a tranquillement affirmé Emmanuel Macron lors de ses vœux à la nation du 31 décembre. Un lapsus dans la patrie de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ? Un contresens dans une démocratie libérale qui repose d’abord sur la liberté de l’individu avant les droits du collectif ? Non, il s’agit d’une pensée politique qui a pris forme à la faveur de la pandémie de coronavirus et de la concentration des pouvoirs, sans précédent et sans équivalent dans une démocratie, entre les mains de l’exécutif.

Ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron insiste sur le fait que les devoirs du citoyen l’emportent sur ses droits, seul moyen de justifier les atteintes massives aux libertés fondamentales décidées par lui seul en majesté après avoir réuni un conseil de défense sanitaire couvert par le secret-défense. De fait, le Parlement lui a délégué tous ses pouvoirs à la faveur de lois d’état d’urgence et de lois de sortie de l’état d’urgence prolongées ad infinitum ...

[5] L'interview est réservé aux abonnés du Parisien : https://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/gabriel-attal-les-candidats-declares-installent-une-campagne-de-morts-vivants-29-01-2022-W7VIYPPMHVGBFCYCMZX4XHPQDI.php?ts=1643651265768. Plusieurs auteurs ont immédiatement réagi à la déclaration inouïe de Attal. Notamment : Husson, Le Courrier des Stratèges, Gabriel Attal: “On veut aussi poursuivre la redéfinition de notre contrat social, avec des devoirs qui passent avant les droits, du respect de l'autorité aux prestations sociales” - 31/01/2022

[6] Lire Revue C-Politix, 11.02.2022, L'hygiénisation du régime au pouvoir.

[7]Coup d'Etat du président ? - 12/02/22, flash de l'avocat Fabrice DiVizio (2'14").14,982 views, Feb 13, 2022

[8] Règlement (UE) 2021/953 relatif à un cadre pour la délivrance, la vérification et l’acceptation de certificats COVID-19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement (certificat COVID numérique de l’UE) afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de COVID-19.


Revue C-Politix (c) 6 Février 2022