Guerre en Ukraine. Nouvelles de l'opération militaire spéciale.

Philippe Brindet - 19/11/2024

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La Guerre en Ukraine et l'arrivée de Trump

L'élection de Trump est présentée par les faucons occidentaux comme une catastrophe pour la guerre contre la Russie. Ils sont certains que Trump fera un accord de paix avec Poutine sur "le dos de Zelinsky". Aussi, les Européens et les Anglais, complètement vassaux des "néocons" américains, se sentent obliger de donner des "gages" de servilité en utilisant un langage de fermeté qui laisse croire qu'ils sont prêts à "remplacer" l'aide américaine qui se tarirait.

Or tout est faux dans ces "postures" qui semblent provenir d'une propagande plutôt destinée à la population progressiste occidentale enragée contre Trump et contre la Russie. Or, s'il est exact qu'il existe un certain point commun entre "Trump" - du moins l'idée que les progressistes s'en font - et "Poutine" - du moins l'idée que les progressistes s'en font - c'est que les deux sont des chrétiens nationalistes. Cette idée reçue dans les milieux progressistes occidentaux les rend enragés contre les deux politiciens américain et russe. Or, tant le christianisme que le nationalisme de l'un et de l'autre sont tout de même bien légers. Mais, ils suffisent à comprendre la haine viscérale qu'ils éprouvent en commun avec Trump et avec Poutine.

Une autre attitude dictée par la propagande qui associent Trump et Poutine dans la détestation des progressistes occidentaux est leur caractère impérial commun ou supposé tel : Trump avec son slogan MAGA et Poutine avec sa prétendue volonté de conquêtes au Proche-Orient, en Afrique, en Ukraine, .... En réalité, les progressistes occidentaux sont encore plus impérialistes que le "Poutine" ou le "Trump" qu'ils abhorent puisqu'ils mettent en place des institutions qui tendent à concentrer un pouvoir économique, idéologique et politique entre leurs mains et qui porte sur le monde entier. Le globalisme.

Dans les faits, Trump n'a pas démontré qu'il était tellement décidé à "écraser" un pouvoir mondialiste. Ce qu'il veut s'assurer c'est qu'un éventuel pouvoir mondialiste soit assuré par des Etats-Unis redevenus "grands". Mais Trump laisse le contenu politique de MAGA résolument flou. Les gens dont il s'est entouré lors de son premier mandat étaient tous des mondialistes convaincus et si les gens de sa deuxième administration projetée semblent un peu plus divers, Musk ne semble pas avoir de griefs contre le mondialisme.

Le réalisme russe face à l'idéologie occidentale

Quand à la résurgence de l'impérialisme russe du "Poutine" construit par les progressistes, s'il ressemblait à celui des tsars, il se limiterait à l'accès à la Baltique d'un côté et à la Mer Noire de l'autre. Or, Poutine s'il n'a pas renoncé à de tels accès, a présenté depuis quelques années un tout autre projet celui des multilatéralismes mondialisées complètement compatible avec le mondialisme économique des progressistes américains. C'est l'idéologie et la politique progressistes qui le hérissent. Or, son sentiment à l'égard des progressistes est partagé par la Chine, le Brésil, l'Inde, l'Indonésie, l'Arabie Séoudite, la Turquie, et la plupart des Etats africains.

Face à eux, la coalition progressiste compte une Europe ruinée idéologiquement, politiquement et économiquement, à laquelle il faut ajouter un Commonwealth britannique complètement décadent et quelques satellites fatigués comme le Japon, la Corée du Sud et quelques autres. Tout cet agglomérat est ruiné :

  • économiquement, y compris les Etats-Unis qui sont en récession réelle depuis vingt ans et davantage ;
  • politiquement, avec des classes politiques caractérisées par l'imbécilité ;
  • idéologiquement, par la dégénerescence des prétendues élites.

Maintenant, il faut cependant réviser une "éventuelle" appréciation de triomphe des adversaires de l'Occident. Si un tel triomphe devait survenir, ceci est loin d'être le cas, il faut tenir compte de plusieurs faits géopolitiques majeures, encore incertains, mais très possibles.

A priori, la guerre d'Ukraine est perdue pour l'occident. Mais, il faut souligner que, si la guerre d'Ukraine cessait demain matin sous la pacifique administration du président "orange", la Russie n'emporterait qu'une victoire très partielle. Elle serait partiellement parvenue :

  • à "protéger les populations russophones de l'Est de l'Ukraine des exactions des ukronazis".
  • à éliminer la plus grande partie du potentiel de combat de l'Ukraine, mais aussi d'une partie plus ou moins importants du potentiel militaire des Européens et des Américains.

La Russie est aujourd'hui incapable :

  • d'imposer une neutralisation de l'Ukraine relativement à l'Otan et probablement aussi de l'Union Européenne ;
  • d'imposer à Trump un retrait de l'Otan sur ses frontières de 1991.
  • Il est donc clair que la Russie ne peut pas arrêter le conflit demain matin. Et Trump n'y pourra rien. Le sait-il ? Ce n'est pas prouvé et il s'expose à une fâcheuse déception.

    La situation de la Russie en Ukraine

    Raisonnablement, Poutine peut arrêter le conflit ukrainien quand il aura occupé l'Ukraine du Dniepr sur la rive face à Kiev et sur une ligne Est-Ouest allant du Dniepr à la hauteur de la Transnistrie, les Russes contrôlant par un moyen pu par un autre toute la partie au sud de cette ligne juqu'à Odessa. Cependant, on remarque que Poutine peut convaincre les Américains de Trump qu'il ne veut pas traiter avec Zelinsky qui n'est plus le dirigeant légal de l'Ukraine depuis la fin de son mandat en mars 2024. Or, Zelinky est parvenu, par une épouvantable dictature militaro-policière, à faire disparaître toute opposition apparente. Existe t'il une relève alternative à l'ukronazisme d'un Zelinsky ou d'un Porochenkho ?

    Il existe aussi une autre inconnue.

    Bien que la présence sur le front ukrainien de troupes nord-coréennes ressemble à de la propagande américaine typique, une telle présence n'est pas impossible si l'hypothèse d'une érosion des forces militaires de la Russie s'avère exacte. Mais, alors, la Russie est confrontée à un autre problème. Si elle a besoin à l'automne 2024 de troupes nord-coréennes, l'armée nord-coréenne et/ou l'armée chinoise sont en situation d'annexer "enfin" la Sibérie et Poutine n'aurait que l'arme nucléaire pour résister.

    Enfin une troisième considération est importante. Poutine n'est pas parvenu - encore - à "décoller' la Turquie de l'Alliance Atlantique. Il est même "parvenu" à y ajouter la Suéde et la Finlande ! Quelque soit le résultat de la guerre en Ukraine, son bilan géopolitique n'est pas bon. Il n'est pas aussi mauvais qu'il peut paraître parce les membres précités de l'Otan ne présentent pas en soi de graves dangers pour la Russie, mais plutôt pour l'Otan elle-même. De ce point de vue, l'Otan s'étend aussi en Moldavie. En Géorgie et en Arménie la situation est elle aussi défavorable à la Russie, mais de manière incertaine.

    Autrement dit, la menace américaine contre la Russie s'est considérablement amoindrie depuis le déclenchement par les russes de l'opération militaire sépciale du 22 février 2022. Pourtant, cette menace américaine semble d'un certain point de vue s'être élargie. Or, les alliances des américains sont d'une fragilité considérable. Les européens n'ont plus d'armées. Ce n'est pas grave dit-on parce qu'il suffit de contraindre les européens à accroître la part du PIB National pour l'Otan. Or c'est faux parce que ces "alliés" n'ont plus d'industrie non plus et cela prendrait une génération sinon davantage pour y remédier. D'autant que les Etats-Unis n'en ont pas beaucoup plus et que l'argent qu'ils consacrent à leur armée est essentiellement destiné à la corruption du complexe militaro-industriel et très peu à une réelle efficacité militaire.

    Si les informations russes sur la guerre en Ukraine sont rares et filtrées, les informations américaines sont en général fausses et ressortent de la propagande. Récemment, la presse américaine (New York Times, https://www.nytimes.com/2024/11/17/us/politics/biden-ukraine-russia-atacms-missiles.html) a annoncé que Biden avait autorisé les ukrainiens à utiliser des missiles ATACMS sur le sol russe. Cette probablement "fake news" n'a pas reçu le moindre commencement de confirmation. Depuis l'élection de Trump, la presse progressiste se livre à une débauche de fausses nouvelles, notamment sur le conflit ukrainien. Il est avisé de ne pas réagir, ni de commenter.

    Ajout du 20 Novembre 2024 10:30

    Selon plusieurs sources indépendantes, les forces ukrainiennes ont lancé 6 missiles ATCMS longue portée dans la journée de mardi 19 Septempbre 2024. L'Ukraine a donc mis à profit la possible autorisation de Biden pour commencer les tirs longue distance. L'information du NYT pourrait donc, contrairement à notre évaluation, être correcte.

    Selon des sources pro-russes, 5 des missiles ATCMS auraient été détruits en vol et le 6° aurait été endommagé, de sorte qu'aucun des missiles ATCMS n'a atteint de cible. Bien entendu, ce succès annoncé par les pro-russes ne doit pas être tenu pour certain.

    Lire :

    • https://www.zerohedge.com/markets/ukraine-launches-first-atacms-strike-russia-sending-markets-reeling-amid-ww3-fears
    • https://www.dailymail.co.uk/news/article-14100327/Ukraine-fires-missile-Russia-WW3-fears-Kremlin-threatens-nuclear-response-long-range-Western-weapons-used-territory.html
    • https://militarywatchmagazine.com/article/ukraine-atacms-russia-doctrine-respond
    • https://www.southfront.press/first-us-made-atacms-missiles-struck-russian-bryansk-region/

    Dans un autre ordre d'idées, je voudrais remarquer que la Guerre en Ukraine a donné des enseignements paradoxaux.

    Les blindés - sans devenir inutiles - ont montré leur limite dans la guerre moderne.

    C'est la même chose pour l'aviation classique et pour la marine de guerre, trop exposées aux missiles. Aviation et marine restent au port et à l'aéroport. Presque.

    L'infanterie et l'artillerie de 1914 sont revenues au premier plan. Et on note que les parachutistes et autres opérations héliportées ont disparues.

    Trois armes nouvelles se sont imposées : les divers drones, les divers missiles et les bombes planantes.

    Une particularité s'est imposée : la concentration de fortes colonnes d'assaut serait devenue impossible. De fait, quand les ukrainiens en Juin 2022 ont tenté leur offensive de Zaporijzia, leurs colonnes se sont faites hachées par l'artillerie et les missiles russes. Et l'armée russe de son côté a subi de sérieux revers quand elle a cherché à concentrer des chars ou même des troupes d'infanterie.

    Il faudrait chercher la cause de cette situation dans la surveillance aérienne et spatiale qui permet de localiser aisément toute concentration supérieure à une certaine masse. Ce seuil atteint, la concentration risque la destruction totale. L'effet est que les offensives lors de la Guerre en Ukraine se limitent le plus souvent à quelques blindés, et de 50 à 200 fantassins avec quelques blindés d'infanterie. Et ces offensives ne dépassent que rarement quelques kilomètres. D'autant que, dans cette situation de faibles masses de manoeuvre, les armées belligérantes se sont enterrrées derrière de puissantes lignes de défense.

    Appliquant la doctrine récente de l'Otan et de la Rand Corporation [*], les ukrainiens ont utilisées les villes construites en béton comme des fortifications. Cà a été le cas de Marioupol, Berdiansk, Soledar, Bakhmut, Avdievka, ...

    Ceci pourrait expliquer la lenteur de l'agression russe et probablement l'incapacité future de Trump à obtenir la paix en Ukraine.

    Cependant, lorsque l'armée ukrainienne sera réduite sous un certain seuil, l'armée russe pourra reprendre l'utilisation de blindés et de concentrations avec des avances plus longues et plus rapides.

    Mais une telle accélération de l'offensive russe exige que l'armée russe ait éliminé non seulement l'infanterie ukrainienne, mais aussi les troupes occidentales qui, plus ou moins sous couvert de mercenariat, comblent probablement les vides de l'armée ukrainienne. On note que l'armée russe pourra aussi se trouver en situation de détruire les moyens de surveillance occidentaux : drones lointains en Pologne et en Mer Noire, mais aussi satellites d'observation militaire. On sait que les Mig-31 ont une capacité de destruction spatiale.

    Sauf surprise toujours possible, Trump ou pas, la guerre en Ukraine n'est pas terminée.

    Notes

    [*] Lire par exemple : Quality light forces, like the U.S. airborne infantry that the NATO players typically deployed into Riga and Tallinn, can put up stout resistance when dug into urban terrain. But the cost of mounting such a defense to the city and its residents is typically very high, as the residents of Grozny learned at the hands of the Russian Army in 1999–2000. Furthermore, these forces likely could not be resupplied or relieved before being overwhelmed.; in Reinforcing Deterrence on NATO’s Eastern Flank - Wargaming the Defense of the Baltics, David A. Shlapak and Michael W. Johnson, page 7, col 2 - www.rand.org/t/rr1253.


    Revue C-Politix (c) 18 Novembre 2024